Préface
Ce dictionnaire est l’ultime démonstration que l’Internet n’est plus un simple segment de la réalité. Il est la réalité. Comme toutes les révolutions technologiques, il déplace les lignes en économie, faisant naître de nouveaux produits, donc une nouvelle demande et améliorant la productivité des entreprises, donc l’offre. Mais à la différence des deux grands bouleversements qui l’ont précédé, la machine à vapeur et l’électricité, il exerce son influence bien au-delà de la sphère économique. C’est, pour l’univers culturel, un ébranlement à la mesure de l’invention de l’imprimerie et de la découverte, en peinture, de la perspective. Livre, cinéma, musique, télévision, théâtre, arts plastiques : l’onde de choc va les atteindre les uns après les autres. C’est, de même, pour le jeu démocratique, un séisme. A cause de l’impact sur les contrepouvoirs, la presse en tête. A cause de l’espace incroyable ouvert à l’opinion publique. A cause de l’accélération des réactions, des émotions, des prises de position qui transforme l’exercice du métier politique. Il faut désormais, au point où en est le net, se poser la question à l’envers : quelle est l’exception ? Quel est le domaine immunisé face à l’influence de l’Internet ? L’archéologie ? L’agriculture ? La numismatique ? Toutes les activités sont, d’une manière ou d’une autre, concernées. Les religions alors ? La théologie et les rites ne sont pas encore concernés mais la vie des communautés religieuses est déjà affectée, comme celle de toutes les communautés humaines. Dès lors que l’Internet fait corps avec la réalité, l’inquiétude se manifeste comme pour tout changement technologique, par le caractère bienfaisant ou malfaisant de son action. Simon Nora et moi avions plaidé, il y a plus de trente ans, dans notre Rapport sur l’informatisation de la société que l’informatique était neutre et qu’elle deviendrait ce que la société en ferait. Ce qui valait à l’époque pour l’informatique demeure a fortiori vrai pour l’Internet. Celui-ci peut être progressiste ou réactionnaire, libérateur ou aliénant, stimulant ou inhibant, totalitaire ou démocratique, monopoliste ou ouvert, novateur ou conservateur … Nous somme seuls responsables. Le résultat ne se lira d’ailleurs pas en blanc et noir. Le net peut être gage de progrès dans certains domaines et régressif dans d’autres. C’est affaire d’intelligence collective. Dans son utilisation. Dans son encadrement juridique. Dans ses échanges avec la société matérielle. Les questions sont abyssales, les réponses sophistiquées. Le dictionnaire de l’Internet en témoigne par la variété des articles et surtout par la qualité des contributaires dont beaucoup n’auraient jamais imaginé, il y a quelques années, s’exprimer sur un tel sujet. Eux aussi sont emportés par cet incroyable mouvement, le web, qui nous enveloppe et nous submerge. Alain Minc

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