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En principe, les réparations accordées sont de nature compensatoire…

Un partenariat pour la vente de logiciels et de matériels

La société Bull, constructeur de matériels informatiques et la société Integro, société d’ingénierie informatique, ont développé des relations de partenariat depuis 1989, dans le cadre d’un ensemble contractuel aux termes duquel Integro fournit des logiciels intégrés à certains matériels commercialisés par Bull. Une charte de coopération commerciale fixe les modalités de promotion et de vente d’une offre logicielle et matérielle commune. Estimant que Bull n’a pas respecté ses engagements contractuels, Integro l’assigne devant le Tribunal de commerce de Paris. Celui-ci, par décision du 5 février 1999, a rejeté la totalité de ses demandes.

L’enjeu

    En principe, en droit civil français, le demandeur doit rapporter la preuve des dommages subis et les réparations accordées sont de nature compensatoire, c’est-à-dire qu’elles ont pour objet de réparer intégralement, mais strictement, les dommages subis et justifiés.


Des demandes qui s’élèvent à près de 24 millions d’euros

Faisant appel de cette décision, Integro demande à la Cour de Paris de condamner Bull, pour violation de son engagement de priorité de vente, à réparer son manque à gagner, à hauteur de 22 867 353 euros et à lui verser 914 694 euros pour avoir reproduit de façon illicite son logiciel. La Cour d’appel de Paris constate que Bull a respecté ses engagements liés à la promotion de l’offre, qui se limitaient à proposer systématiquement celle-ci, sans exclusivité ni même de priorité, et déboute Integro de sa demande de réparation du manque à gagner. Cependant, la Cour relève que Bull a reconnu, dans différents courriers, avoir dupliqué certains éléments logiciels fournis par la société Integro, sans lui reverser les sommes dues à ce titre, qui s’élèvent à 137 273 euros. Bull est donc condamnée à lui verser cette somme. En outre, la Cour estime à 762 245 euros le préjudice résultant des duplications illicites effectuées par Bull, en considérant leur « gravité », et l’obstruction dont elle a fait preuve en refusant l’examen contradictoire des pièces et en refusant de reconnaître plus de duplications qu’elle n’en avait avoué par courrier.

Les conseils

    Les juridictions de première instance peuvent cependant faire usage de leur pouvoir souverain d’appréciation de l’étendue des dommages, reconnu par la Cour de cassation, pour prononcer une réparation dont le montant ne semble pas étranger à l’importance de la faute commise. Le contrôle de la Cour suprême ne s’exerce en tout état de cause, que selon les moyens de cassation invoqués.


Une réparation dont le montant est évalué souverainement

La société Bull est donc condamnée à réparer un préjudice évalué, non pas en fonction des preuves produites par les parties, mais, semble-t-il, en considérant la « gravité » de ses fautes ainsi que des preuves qu’elle aurait refusé de rapporter. Bien que n’ayant apparemment pas produit les preuves de l’étendue de son préjudice résultant des duplications, Integro obtient la quasi-totalité des sommes demandées à ce titre. La Cour de cassation, saisie par Bull, rejette son pourvoi en estimant que la Cour d’appel a légalement justifié sa décision en constatant des reproductions illicites des logiciels et qu’elle a souverainement évalué le préjudice découlant de cette faute dans l’exécution du contrat.


(1) CA Paris, 20/12/2000 (5e ch.), IACS c. Sté Bull
(2) Cass. civ. 08/06/2004, 1re Ch. civ., Sté Bull c. IACS

Bertrand Thoré

Directeur du Département Economie juridique

bertrand-thore@alain-bensoussan.com

Paru dans la JTIT n°36/2005 p.7

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