Archive interview février 2008

Interview du mois

Jean-Pierre Poussin
Président de la chambre de l’instruction CA d’Aix-en-Provence

L’informatique judiciaire est une réalité !

Pouvez-vous nous présenter brièvement votre activité et la place occupée par l’informatique ?

La Cour d’appel d’Aix-en-Provence est sans doute aujourd’hui, par le nombre de procédures enrôlées, la plus importante de France après Paris. Son ressort s’étend, en effet, sur quatre départements : les Bouches-du-Rhône, le Var, les Alpes-de-Haute-Provence et les Alpes-Maritimes. Je partage mes activités entre mon rôle de président et mes engagements personnels sur les nouvelles technologies, puisque je suis également formateur informatique en local (*) et à l’Ecole Nationale de la Magistrature à Bordeaux. J’utilise l’informatique dans mon travail depuis bientôt trente ans, lorsque l’informatisation des « chaînes civiles » des cours d’appel et des tribunaux de grande instance a débuté à la fin des années 80 avec des juridictions « pilotes ». Aujourd’hui, l’informatique judiciaire a largement dépassé le stade de la bureautique pour véritablement s’intégrer dans une utilisation au quotidien avec, notamment, les recherches sur internet.

En quoi l’informatique facilite-t-elle votre travail de magistrat ?

J’ai commencé par des applications développées au niveau local pour connaître en temps réel la situation des dossiers retenus à l’audience, la répartition des dossiers entre les magistrats, la date à laquelle les dossiers devaient être rendus, les retards, etc. Ainsi, j’ai pu remettre des états hebdomadaires aux magistrats pour la gestion de leurs jugements. Certaines applications ont également permis de développer des grilles de motivation pour « industrialiser » des décisions qui ne nécessitaient pas un traitement spécifique tout en permettant de les personnaliser par des variables libres. L’informatique a également facilité le travail des greffiers en évitant les saisies multiples et en utilisant des documents types. Aujourd’hui, un module de suivi statistique de l’activité de la chambre d’instruction me permet d’avoir une vue sur son fonctionnement, un « tableau de bord » en quelque sorte. Développé sous excel, il comprend notamment un suivi des audiences et des cabinets d’instruction de mon ressort. Il fournit aux magistrats instructeurs des informations directement utilisables dans la gestion de leur cabinet. Il met, par exemple, en évidence tous les dossiers anciens ou dans lesquels aucun acte n’a été effectué depuis plus de six mois voire plus, avec le numéro et la date du dernier acte, les dossiers en risque de prescription. On y trouve encore les dossiers dans lesquels il y a des commissions rogatoires ou des expertises très tardives. Par ailleurs, j’utilise Outlook comme outil de suivi de dossier grâce aux alertes. Je n’hésite pas à utiliser les produits « grand public » à des fins professionnelles.

 

Côté plaignants et avocats, l’informatisation me permet de gérer plus facilement toutes les réclamations des uns et des autres (historisation et suivi des courriers).

Pouvez-vous nous présenter quelques outils d’aide à la gestion ou d’aide à la décision ?

La chambre de l’instruction a une application métier dénommée « ACCWIN » qui permet le suivi des dossiers avec entrée des appels, gestion des convocations, constitution de trame des décisions, pré projet jusqu’à la mise au point des décisions. Mais il n’y a pas de worflow global, ce qui fait qu’il peut y avoir des reprises de données à faire. Il me permet, cependant, de gérer directement à 90% la production de mes arrêts et ordonnances, ce qui allège d’autant les charges des greffiers. Il faut signaler ici le projet de la Chancellerie dénommé « Cassiopée » (Chaîne Applicative Supportant le Système d’Information Orienté Procédure pénale Et Enfants). Lancé en juillet 2001, ce projet est un applicatif qui remplacera dans les 3 ans à venir les applications informatiques devenues obsolètes dans 175 tribunaux de grande instance. Le projet gère l’ensemble des services pénaux, du bureau d’ordre jusqu’à l’exécution des peines. Il constitue une chaîne unique qui devrait mettre fin aux doubles saisies.

(*) http://www.poussin-web.fr/portail-formation/

Interview réalisée par Isabelle Pottier, avocat.

Parue dans la JTIT n°73/2008 p.14

 

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