Archive actualité lundi 14 janvier 2008

Actualité

L’outsourcing de réseaux WAN

Face à la nécessité de rationaliser leurs infrastructures réseau au niveau global, les groupes de sociétés multinationales sont contraints d’envisager d’en confier la gestion à un opérateur de communications électroniques unique présent sur l’ensemble du périmètre géographique considéré. Ce faisant, ces groupes escomptent gagner en harmonisation, souplesse et réactivité, face aux nécessités d’adapter les services existants à leurs besoins forcément évolutifs, ne serait-ce que pour accompagner leur développement commercial, l’évolution de leurs systèmes d’information et leurs opérations éventuelles de a restructuration. En outre, ces groupes espèrent réduire leur « coût total de possession » (« TCO ») en confiant au prestataire retenu, la reprise des contrats existants avec les opérateurs actuels, voire des équipements (généralement à leur valeur nette comptable) et parfois du personnel affecté à la gestion de ces contrats.

Le transfert (« novation ») des contrats existants tout comme la migration, après résiliation ou arrivée du terme de ces contrats vers la solution cible du fournisseur prestataire retenu constituent des opérations dont le bon déroulement selon le calendrier prévu conditionne souvent la réalisation des économies escomptées (« savings »), parfois contractuelles mais alors assorties d’hypothèses et réserves (« assumptions and caveats »). Les contraintes fiscales et réglementaires sont également des données d’entrée qu’il est indispensable de prendre en compte, notamment en présence de « gross-up clause » et de réserves réglementaires dans les contrats, au risque de voir les retenues à la source, dont les montants peuvent représenter 30% de la valeur des services, réduire à néant les économies escomptées. Dans de telles conditions, l’architecture contractuelle retenue constitue une composante essentielle de la gestion du risque fiscal voire réglementaire.

Pour autant, l’identification préalable des aléas tels le refus des fournisseurs ou des prestataires en place de transférer leurs contrats à l’opérateurprestataire retenu, des contraintes fiscales et réglementaires par pays et services, ainsi que l’établissement d’un scénario de migration réaliste assorti de pénalités financières ne répondent pas à l’une des difficultés récurrente de ces contrats : les difficultés de gouvernance interne aux groupes de sociétés. En effet, la réalisation des économies escomptées se heurte souvent aux résistances des filiales, généralement étrangères, de ces groupes. Cette situation peut devenir extrêmement fâcheuse lorsque ces groupes se sont contractuellement engagés à réaliser un chiffre d’affaires minimum (« MRG ») avec l’opérateur en contrepartie des économies attendues.

Les causes de ces résistances internes sont variées. Tout d’abord, elles peuvent résulter de l’absence de prise en compte des exigences spécifiques de qualité de service, lorsque la recherche d’économies a éclipsée ces exigences. Ensuite, la détermination d’un prix globalement compétitif ne permet pas toujours à l’ensemble des filiales de bénéficier de tarifs compétitifs, dès lors que les tarifs sont déclinés par pays. Tel est particulièrement le cas des services « voix ». Enfin, l’existence de relations antérieures et bien établies avec le fournisseur « historique » peut achever de convaincre ces filiales de se hâter lentement, compromettant ainsi la réalisation de l’ensemble des objectifs initiaux précités.

Une première approche tarifaire permet de rétablir la compétitivité des prix au niveau local en organisant contractuellement un benchmark local et/ou en prévoyant que réductions annuelles des prix liées aux volumes et/ou gains de compétitivité seront affectés en priorité aux services dont les prix ne seraient pas, localement, concurrentiels. Cette approche, quoique opportune, n’est pas la panacée, dans la mesure où il est peu vraisemblable que l’opérateur dispose de la latitude financière suffisante pour accepter, sans limite, une réduction du prix au niveau local dès lors que son compte d’exploitation (« P&L ») s’en trouverait affecté.

Dès lors, une tendance se dessine pour laisser au Groupe l’initiative de négocier un contrat cadre, tout en prévoyant que les engagements de chiffre d’affaires seront souscrits par ses filiales, qui devront alors signer des contrats avec l’opérateur ou son représentant local, par lesquels elles confirmeront également leur acceptation des termes du contrat cadre (« deed of adherence »). Cette approche qui a pour effet de « responsabiliser » directement les filiales et, par conséquent, de maximiser les chances pour le client prestataire retenu de réaliser le chiffre d’affaires convenu rend néanmoins le négociation du (des) contrat(s) laborieuse en cherchant, in fine, à concilier le « meilleurs des mondes ». Dans ces conditions, il convient, plus que jamais, de concevoir une architecture contractuelle reflétant cette approche, d’autant que chaque filiale aura tendance à privilégier l’application du droit local. Il est en effet difficilement envisageable pour quelque négociateur que ce soit de discuter d’une « règle du jeu » dans le contrat cadre dont la portée varierait inéluctablement en fonction de la loi applicable. Dès lors, il est nécessaire d’aborder le contrat cadre comme un contrat de « gouvernance », respectant le « principe de subsidiarité » eu égard au contrat local (« deed of adherence ») qui sera alors annexé au contrat cadre.

Le contrat local devra faire l’objet d’une revue par les juristes des juridictions concernées pour vérifier sa compatibilité avec le droit local. Compte tenu toutefois que dans les contrats « mettant en cause les intérêts du commerce international », les parties jouissent d’une grande liberté pour choisir la loi applicable et ce, sous réserve des dispositions locales « d’ordre public international » – généralement résiduelles, le choix d’une loi locale par pays induit inévitablement une complexité à laquelle rien n’oblige. En effet, les parties peuvent convenir que l’ensemble des contrats soit régi par une loi nationale unique voire par les principes généraux du commerce international et retenir, en cas de contentieux, la solution arbitrale évitant ainsi de recourir aux juridictions locales, enclines à appliquer le droit du for (droit local).

La prudence recommande de faire application d’un règlement d’arbitrage comme celui de la chambre de commerce internationale plutôt qu’un arbitrage « ad hoc », sauf à prendre le risque de paralysie en cas de difficulté dans la mise en œuvre de la clause d’arbitrage. Dès lors que la clause d’arbitrage est retenue, les parties s’engagement irrévocablement à abandonner les voies de recours contentieuses ordinaires. Toutefois, il convient de prévoir le cas de l’urgence voire de l’expertise afin d’éviter que le juge national puisse connaître du différend ou, à tout le moins, d’avoir expressément envisagé cette hypothèse afin d’éviter de se retrouver confronté à un conflit de juridiction, chacune des parties prétendant alors que seule la juridiction nationale de son pays serait compétente. A cet effet, il convient de signaler qu’un certain nombre de règlements d’arbitrage prévoient des référés pré-arbitraux qui, combinés avec un arbitrage au fond, permettent ainsi de faire totalement abstraction de la voie judiciaire ordinaire tout en répondant à l’exigence de l’urgence. En pareil cas, il peut être utile de prévoir que les contentieux soient exclusivement gérés, au nom et pour le compte des filiales, par les signataires de l’accord cadre, voire que ces derniers se portent garants de l’exécution de la sentence afin d’éviter la procédure d’exequatur dès lors que le lieu d’arbitrage coïncide avec leurs sièges sociaux respectifs.

Frédéric Forster

Avocat, Directeur du pôle Constructeurs Informatique, Télécoms et Electronique

frederic-forster@alain-bensoussan.com

Philippe Ballet

Avocat, Directeur du département Internet

philippe-ballet@alain-bensoussan.com

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