Bases de données : une décision en faveur du site seloger.com

Bases de données : une décision en faveur du site seloger.comL’arrêt de cassation « seloger.com » semble témoigner d’une tendance à améliorer la protection des bases de données.

Par une décision du 12 novembre 2015 (1), la Cour de cassation a cassé l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris le 15 novembre 2013 (2), qui avait refusé la protection revendiquée par la société Pressimmo On Line pour son site internet « seloger.com » d’annonces immobilières, site constitutif d’une base de données.

La société Pressimmo on line reprochait à l’exploitant d’un moteur de recherche d’avoir développé un outil permettant de référencer automatiquement et de mettre à disposition des internautes le contenu des annonces immobilières de son site seloger.com, ce qui selon elle constitue un acte d’extraction illicite d’une partie substantielle d’une base de données, ainsi qu’un acte de concurrence parasitaire par pillage du travail et des efforts d’autrui.

La société Pressimmo on line dénonçait encore au titre de la concurrence parasitaire la méconnaissance par cet exploitant d’une charte posant l’interdiction d’exploiter sans son consentement tout ou partie des données du site seloger.com, que ce soit off line ou on line, à titre gratuit ou onéreux. La Cour d’appel de Paris l’avait déboutée tant sur le fondement du droit sui generis du producteur de bases de données (Art. L 341-1 du code de la propriété intellectuelle) que sur celui du parasitisme.

La Cour de cassation a écarté à son tour le premier moyen tiré du parasitisme. Elle a relevé à cet égard que le site litigieux référençait automatiquement les annonces immobilières sans mentionner les coordonnées du vendeur ou de son mandataire, de sorte que l’internaute intéressé devait consulter le site de la société Pressimmo vers lequel il était invité à se diriger, et que l’affichage de la page résultat n’excédait pas la simple prestation technique d’indexation de contenus.

Quant à l’atteinte alléguée au droit sui generis du producteur de base de données, la Cour d’appel avait jugé la demande de la société Pressimmo on line irrecevable faute par celle-ci d’apporter la preuve des investissements substantiels qui conditionnent cette protection. Sur ce moyen, la Cour de cassation a sanctionné la Cour d’appel pour avoir employé une formulation ambiguë selon laquelle « la société Pressimmo se doit de rapporter la preuve d’investissements spécifiques qui ne se confondent pas avec ceux qu’elle consacre à la création des éléments constitutifs de sa base de données et à des opérations de vérification, purement formelle, pendant cette phase de création consistant à les collecter auprès de professionnels et à les diffuser tels que recueillis de ses clients ».

Pour la Cour de cassation, cette formule ne permettrait pas de savoir si « les investissements liés à la collecte des données et à leur diffusion, telles que recueillies, relevaient de la création des éléments constitutifs du contenu de sa base et ne devaient donc pas être pris en considération ou si, au contraire, ils faisaient partie des investissements « spécifiques » dont la société Pressimmo devait rapporter la preuve pour justifier la protection qu’elle sollicitait. »

Cette sanction d’une rédaction sans doute maladroite peut apparaître sévère. Peut-être faut-il y voir une volonté d’atténuer les effets négatifs d’une jurisprudence rendue par la CJUE dans ses décisions fondatrices du 9 novembre 2004 (3), qui imposent une acception très étroite des éléments susceptible d’être pris en compte au titre de l’investissement substantiel. A force de rigueur, le droit du producteur de base de données, issu d’une construction complexe au niveau international, dont l’objectif était précisément d’offrir aux producteurs de bases de données une protection juridique efficace, pourrait finir par rester lettre morte.

C’est le même esprit qui semble avoir présidé à la cassation sur le moyen tiré de la méconnaissance de la charte d’utilisation de la société Pressimmo. La Cour d’appel avait estimé que la société Pressimmo ne pouvait se prévaloir de ladite charte au motif qu’elle s’y présentait comme titulaire de droits de propriété intellectuelle sur sa base de données, alors que ce droit de propriété intellectuelle lui était dénié.

La Cour de cassation n’a pas suivi ce raisonnement. Tout au contraire, elle a sanctionné les juges du fond pour ne pas avoir recherché si l’exploitant du site concurrent n’avait pas commis une faute en méconnaissant l’interdiction d’exploitation prévue dans cette charte.

Cette décision s’inscrit dans la lignée de la jurisprudence Ryan Air , qui en début d’année avait consacré le droit d’interdire par la voie contractuelle toute utilisation commerciale d’une base de données protégeable ni par le droit d’auteur ni par le droit du producteur de base de données.

Elle pourrait témoigner d’une volonté de la Cour suprême de rétablir une meilleure protection des bases de données.

Laurence Tellier – Loniewski
Lexing Droit Propriété intellectuelle

(1) Cass. civ. 1, 12-11-2015, n°14-14501, société Pressimmo On Ligne.
(2) CA Paris Pôle 5, ch. 2, 15-11-2013, société Pressimmo On Ligne.
(3) CJCE 09-11-2004, C-203/02, British Horeracing Board Ltd c. William Hill Organization Ltd.

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