Clause de conciliation préalable : régularisation impossible

Caractère obligatoire de la clause de conciliation préalable renforcéStipuler une clause de conciliation préalable, très présente en matière de contrat informatique, peut avoir de lourdes incidences, que les parties n’anticipent  pas nécessairement.

L’actualité jurisprudentielle en témoigne : à l’occasion de la conclusion d’un contrat d’architecte, un maître d’ouvrage et un maître d’oeuvre s’étaient obligés à saisir pour avis le Conseil régional de l’Ordre des architectes dont relevait le maître d’œuvre avant d’initier toute procédure judiciaire ; les velléités procédurales des parties étaient ainsi subordonnées à l’avis d’un tiers devant favoriser l’émergence d’une solution négociée à leur litige ce qui constituait bien une clause de conciliation préalable.

Ce que l’on savait déjà, c’est que faire fi de la clause de conciliation préalable entraîne l’irrecevabilité de la demande, pour défaut de droit d’agir, dès lors que la liste des causes d’irrecevabilité que porte l’article 122 du Code de procédure civile n’est qu’exemplative (1) et que les parties peuvent convenir d’en instituer de nouvelles.

Ce que l’on savait par ailleurs, c’est qu’en vertu de l’article 126 du Code de procédure civile, la situation donnant lieu à fin de non-recevoir est susceptible d’être régularisée si la cause d’irrecevabilité a disparu au moment où le juge statue, étant précisé que la régularisation peut intervenir au stade de l’appel, et ce même si la fin de non-recevoir avait été relevée par le tribunal (2).

La Cour de cassation, réunie en formation solennelle, témoignant ainsi de l’importance de la question de droit évoquée et de la large publicité qu’elle entend attacher à sa décision, devait résoudre la question suivante : la violation initiale de la clause de conciliation préalable, résultant de la saisine prématurée des juridictions judiciaires, est-elle neutralisée par sa mise en œuvre effective, au cours de l’instance mais antérieurement à la décision du juge ? En d’autres termes, tenter de se concilier en cours d’instance est-il de nature à régulariser la cause d’irrecevabilité découlant du non-respect de la clause de conciliation préalable ?

A cette question, la Haute juridiction a répondu par la négative, dans un attendu de principe, qui ne laisse pas la place au doute : « la situation donnant lieu à la fin de non-recevoir tirée du défaut de mise en œuvre d’une clause contractuelle qui institue une procédure, obligatoire et préalable à la saisine du juge, favorisant une solution du litige par le recours à un tiers, n’est pas susceptible d’être régularisée par la mise en œuvre de la clause en cours d’instance » (3).

Pour rejeter le moyen de cassation dont elle était saisie, la Cour de cassation a procédé à un arbitrage entre le texte de l’article 126 du Code de procédure civile – qui plaide pour la possibilité d’une régularisation – et la faveur que le droit positif accorde aux modes alternatifs de règlement des conflits. C’est cette dernière exigence qui l’a emportée.

Dans le cadre de cette affaire, il est très douteux que les parties parviendront à trouver un accord négocié mettant fin à leur litige ; il en résulte que les enjoindre d’initier, en bonne et due forme cette fois, une conciliation conforme aux termes de leur accord, ne soit qu’une perte de temps (à moins qu’elles aient entre-temps atteint la limite de l’effort financier qu’elles étaient susceptibles de fournir). Mais la solution posée par cette chambre mixte de la Cour de cassation s’inscrit, au-delà du particularisme du pourvoi dont elle a été saisie, dans une politique jurisprudentielle cohérente initiée il y a plus d’une dizaine d’années.

Du point de vue de la technique contractuelle notamment informatique, il ne peut qu’être conseillé aux parties de rester attentives aux réelles implications que la stipulation d’une clause de conciliation préalable peut avoir et de ne pas y voir une simple clause de style.

Jérémy Bensoussan
Lexing Contentieux informatique

(1) Ch. mixte 14-2-2003, n° 00-19423 et 00-19424.
(2) Cass. civ. 3e 15-11-1989, Bull. civ. III n° 215 ; Cass. civ. 2e 12-6-2008, n° 07-12.510.
(3) Ch. mixte 12-12-2014, n° 13-19684, P+B+R+I.

 

 

 

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