Condamnation pour injures publiques à caractère racial sur Twitter

injures publiques à caractère racialPar un jugement en date du 3 novembre 2021, le tribunal judiciaire de Paris a condamné sept jeunes personnes pour injures publiques à caractère racial, à la suite de propos antisémites tenus sur Twitter à l’encontre d’une candidate au concours de Miss France 2021.

Sur la demande du Procureur, plusieurs adresses IP de connexion avaient été communiquées par Twitter aux fins d’identification des auteurs. A l’occasion de cette affaire, dix organisations de défense des droits de l’homme, de lutte contre le racisme et l’antisémitisme s’étaient constituées partie civile.

Le cadre légal des injures publiques à caractère racial

L’article 29 de la loi du 29 juillet 1881 définit l’injure comme « toute expression outrageante, terme de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait ». L’injure publique est une injure pouvant être entendue ou lue par un public (1). Les propos tenus sur un réseau social peuvent être considérés comme une injure publique, notamment si les propos tenus sont diffusés sur un compte accessible à tous.

En l’espèce, la candidate avait fait l’objet d’injures publiques à caractère racial sur une pluralité de comptes Twitter. A titre d’exemple, le caractère public a été reconnu pour le propos « trop la haine que la représentante de ma région soit une feuj » diffusé sur un compte suivi par environ 400 personnes. La même qualification a été retenue pour un autre propos antisémite diffusé sur un compte suivi par une vingtaine de personnes seulement.

Par ailleurs, l’article 33 de la loi du 29 juillet 1881 punit par principe l’injure d’une amende de 12 000 euros. Toutefois l’alinéa 3 du même article punit d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende ceux qui auront commis une injure à l’égard d’une personne à raison de leur origine ou appartenance à une religion déterminée. Concernant le délai de prescription, la loi Perben II a institué un délai d’un an après la publication de l’injure commise envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou appartenance à […] une religion déterminée (article 65-3 de la loi du 29 juillet 1881).

La communication des données de connexion par Twitter

En l’espèce, dans le cadre de l’enquête, Twitter avait communiqué les données de connexion de 12 des 14 comptes dont le procureur de la République réclamait l’identification. Grâce à ces adresses IP, les auteurs avaient pu être identifiés et sept ont été à l’arrivée condamnés pour injures publiques à caractère racial.

A ce sujet, il convient de rappeler que le cadre des réquisitions des données de connexion en enquête préliminaire a évolué (2). En effet, l’article 77-1-1 du Code de procédure pénale ouvre la possibilité au procureur de la République de requérir par tout moyen la remise d’informations « y compris celles issues d’un système informatique ou d’un traitement de données nominatives […] de toute personne, de tout établissement ou organisme privé ou public […] qui sont susceptibles de détenir des informations intéressant l’enquête ». Néanmoins, dans une décision du 3 décembre 2021, le Conseil Constitutionnel a rappelé le rôle du législateur qui doit mettre en balance l’objectif de recherche des auteurs d’infraction et le droit au respect de la vie privée. En outre, les sages ont considéré que « les données de connexion fournissent sur les personnes […] des informations nombreuses et précises, particulièrement attentatoires à leur vie privée ». Ils ont dès lors déclaré inconstitutionnelles les dispositions du Code de procédure pénale précitées pour ne pas assurer une conciliation équilibrée entre le droit au respect de la vie privée et la recherche des auteurs d’infractions.

En l’espèce, la communication des adresses IP aux fins d’identification des auteurs ne semblait pas être de nature à porter une atteinte disproportionnée à leur vie privée. En effet, la communication de ces données aux enquêteurs permet uniquement de mettre à disposition des « informations utilisées à la manifestation de la vérité, […] contenues dans le ou les systèmes informatiques… » (article 60-2 du Code de procédure pénale).

La constitution de partie civile des associations

L’article 48-1 de la loi du 29 juillet 1881 prévoit que « toute association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits, se proposant, par ses statuts, […] de combattre le racisme ou religieuse, peut exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les infractions prévues par les articles 24 (dernier alinéa), 32 (alinéa 2) et 33 (alinéa 3) de la présente loi ». L’alinéa 2 de ce même article prévoit que lorsque « l’infraction aura été commise envers des personnes considérées individuellement, l’association ne sera recevable dans son action que si elle justifie avoir reçu l’accord de ces personnes ».

Cet accord a bien été donné par la victime en l’espèce. Enfin, pour pouvoir se constituer partie civile, l’association doit justifier de sa capacité juridique en vertu des règles de l’article 5 de la loi du 1er juillet 1901.

Dans cette affaire, une dizaine d’organisations s’étaient constituées partie civile pour avoir subi un préjudice du fait des injures publiques à caractère racial des différents auteurs. Deux d’entre elles n’ont pas été déclarées recevables. Pour la première, en raison d’une absence de communication d’un document autorisant le président de la structure à ester en justice prévu par les statuts de l’association. Pour la deuxième, aucun document aux fins de justifier de la recevabilité de son action n’avait été versé aux débats.

Au final, sept personnes ont été condamnées à une amende variant de 300 à 800 euros et pour certaines d’entre elles à un stage de citoyenneté d’une durée de deux jours.

Virginie Bensoussan-Brulé
Lexing, pôle Contentieux numérique
Marion Tête-Simler
Étudiante en droit Université Paris 1 Panthéon Sorbonne

(1) Direction de l’information légale et administrative, Ministère chargé de la justice « Injure », Service Public, 1er octobre 2020.
(2) Virginie Bensoussan-Brulé « Réquisition des données de connexion en enquête préliminaire », Lexing Alain Bensoussan Avocats, 13 décembre 2021.

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