La fin du cumul des poursuites pour délit et manquement d’initié

La fin du cumul des poursuites pour délit et manquement d’initiéLe Conseil constitutionnel s’est prononcé sur la conformité de dispositions permettant le cumul des poursuites pour délit d’initié et manquement d’initié avec les principes énoncés par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (DDHC) de 1789.

Jusqu’à cette décision du 18 mars 2015, les utilisations et communications d’informations privilégiées lors de transactions boursières pouvaient être poursuivies et sanctionnées conjointement ou alternativement par deux voies différentes :

  • la voie pénale, par laquelle une personne peut être condamnée pour délit d’initié à des peines allant jusqu’à deux ans d’emprisonnement et une amende de 1.5 millions d’euros dès lors que son comportement entre dans l’uns des cas de figure déterminés par l’article L. 465-1 du Code monétaire et financier ;
  • la voie administrative, qui permet à l’Autorité des marchés financiers (AMF), après avoir constaté un manquement d’initié contraire à son Règlement général, de prononcer une sanction financière sur le fondement de l’article L. 621-15 du Code monétaire et financier.

Les sages ont mis fin au cumul des poursuites considérant qu’il était contraire à la disposition constitutionnelle de nécessité des délits et des peines.

Pour parvenir à cette solution, le Conseil, après avoir énoncé que l’article 8 de la DDHC n’empêche pas l’engagement de poursuites différentes aux fins de sanctions différentes devant des organes distincts pour les mêmes faits commis par une même personne, a ensuite analysé si les procédures de délit et de manquement d’initié entraient dans cette configuration.

Il a alors constaté que :

  • les deux articles contestés définissent et qualifient de la même manière le manquement d’initié et le délit d’initié ;
  • les répressions respectives du délit et du manquement d’initié protègent les mêmes intérêts sociaux et visent la même finalité de bon fonctionnement et d’intégrité des marchés financiers ;
  • les faits réprimés par les articles L. 465-1 et L. 621-15 sont susceptibles de faire l’objet de sanctions qui ne sont pas de nature différente, dès lors qu’elles sont pour l’essentiel financières ;
  • dans la presque totalité des cas, les auteurs du manquement d’initié sont également coupables de délit d’initiés.

Cet examen a conduit la haute juridiction a constaté que « les sanctions du délit d’initié et du manquement d’initié ne peuvent être regardées comme de nature différente en application de corps de règles distincts devant leur propre ordre de juridiction » et qu’en conséquence le cumul des poursuites sur ces deux fondements devait être regardé comme contraire à la Constitution.

La date du 1er septembre 2016 a été fixée pour abroger les dispositions inconstitutionnelles au regard du cumul des poursuites. En attendant, les poursuites pour délit ou manquement d’initié devront être engagées selon la règle du « premier qui poursuit, premier servi », autrement dit la procédure qui trouve à s’appliquer dépend de la personne à l’initiative des poursuites, l’AMF d’un côté, le parquet ou la victime de l’autre.

Virginie Bensoussan-Brulé
Julien Kahn
Lexing Droit pénal numérique

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