Devoir de vigilance des sociétés mères et entreprises donneuses d’ordre

devoir de vigilance

Le 9 janvier 2023, trois ONG ont initié une action judiciaire à l’encontre d’une entreprise agroalimentaire pour non-respect de la loi sur le devoir de vigilance (1). Depuis 2017, cette loi oblige les grandes entreprises à s’assurer du respect des droits humains fondamentaux et de l’environnement.

A quels acteurs s’applique cette loi ?

La loi s’applique à toute société qui emploie, à la clôture de deux exercices consécutifs :

  • au moins 5 000 salariés en son sein et dans ses filiales directes ou indirectes en France ou
  • plus de 10 000 salariés en France et à l’étranger.

Quel est l’objectif de cette loi ?

L’objectif de cette loi est que les sociétés mettent en œuvre des mesures destinées :

« à identifier les risques et à prévenir les atteintes graves envers les droits humains et les libertés fondamentales, la santé et la sécurité des personnes ainsi que l’environnement ».

Quelles sont les mesures à mettre en œuvre ?

Les sociétés doivent mettre en œuvre un plan de vigilance. Ce plan doit comprendre les mesures suivantes :

  • Une cartographie des risques destinée à leur identification, leur analyse et leur hiérarchisation ;
  • Des procédures d’évaluation régulière de la situation des filiales, sous-traitants ou fournisseurs ayant une relation commerciale établie, au regard de la cartographie ;
  • Des actions adaptées d’atténuation des risques ou de prévention des atteintes graves
  • Un mécanisme d’alerte et de recueil des signalements relatifs à l’existence ou à la réalisation des risques, établi en concertation avec les organisations syndicales représentatives dans ladite société ;
  • Un dispositif de suivi des mesures mises en œuvre et d’évaluation de leur efficacité.

La loi impose de rendre public le plan de vigilance, lequel doit :

Les ONG ou associations examinent avec attention ces plans de vigilance.

Quelles sont les sanctions ?

Une société mise en demeure doit satisfaire à ses obligations (absence de publicité ou non-respect du plan de vigilance) dans un délai de 3 mois.

Toute personne ayant un intérêt à agir peut saisir la juridiction compétente ou le président du tribunal statuant en référé. Ils peuvent enjoindre à la société de respecter sous astreinte le manquement invoqué au titre du devoir de vigilance.

Le manquement au devoir de vigilance permet de saisir le tribunal judiciaire sous deux formes d’actions :

  • action préventive en cessation de l’illicite intentée dans un délai de 3 mois à compter de la mise en demeure qui peut s’accompagner d’une astreinte ;
  • action en responsabilité civile de droit commun.

A quel moment interviennent les ONG ?

Dans le cadre du devoir de vigilance, les ONG sont des tiers ayant intérêt à agir et peuvent mettre en œuvre les procédures judiciaires à l’encontre des sociétés ne respectant pas le devoir de vigilance.

A titre informatif, à propos des procédures d’alerte, les ONG peuvent intervenir dans deux situations :

  • accompagner et conseiller les lanceurs d’alerte (exemple : Maison des lanceurs d’alerte ). Dans ce cas elles sont qualifiées de facilitateurs et bénéficient de la protection légale du lanceur d’alerte ;
  • rendre publique l’information dénoncée par le lanceur d’alerte :
    • si aucune mesure n’a été prise pour remédier à l’objet du signalement prise après avoir effectué un signalement interne et/ou externe ;
    • en cas de danger grave et imminent (situation d’urgence ou un risque de préjudice irréversible) ;
    • lorsque la saisine de l’autorité compétente fait courir un risque de représailles à l’auteur de l’alerte ou qu’elle ne peut permettre de remédier efficacement à l’alerte en raison des circonstances particulières de l’affaire notamment si des preuves peuvent être dissimulées ou détruites ou si l’auteur du signalement a des motifs sérieux de penser que l’autorité peut être en conflit d’intérêts ou en collusion avec l’auteur des faits ou encore impliquée dans ces faits.

Action judiciaire engagée par des ONG

Le 9 janvier 2023, trois ONG (2) ont initié une action judiciaire à l’encontre d’une entreprise agroalimentaire. Elles lui reprochent de ne pas avoir :

  • inclus dans son plan de vigilance la pollution plastique et
  • prévu de mettre en œuvre des mesures pour identifier les risques et prévenir les atteintes en matière d’environnement.

Les trois associations demandent au tribunal judiciaire de Paris de condamner l’entreprise « à publier un nouveau plan de vigilance intégrant une trajectoire de déplastification sous peine d’une astreinte de 100 000 euros par jour de retard ». Elles réclament également la cessation du préjudice écologique.

Dans le cadre de ce contentieux, le tribunal devra :

  • identifier si l’utilisation du plastique par une société doit être un risque devant figurer au sein du plan vigilance ;
  • dans l’affirmative, si les mesures mises en œuvre par l’entreprise agroalimentaire sont suffisantes (recyclage).

Virginie Bensoussan-Brulé
Alix Janneau
Lexing Contentieux numérique

(1) Loi 2017-399 du 27 mars 2017 relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre.
(2) Zero Waste France, ClientEarth et Surfrider Foundation Europe.

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