Dispositifs médicaux : de nouvelles règles européennes

Dispositifs médicaux : de nouvelles règles européennesLe Conseil européen a adopté les deux règlements européens sur les dispositifs médicaux, lesquels impactent le régime applicable à l’ensemble des entreprises du secteur.

Dispositif actuel

La réglementation actuelle relative aux dispositifs médicaux est issue d’une harmonisation européenne par l’adoption de plusieurs directives sur les dispositifs médicaux implantables actifs, les dispositifs médicaux, ainsi que les dispositifs médicaux de diagnostic in vitro.

L’essence de cette harmonisation était d’assurer un haut niveau de sécurité et de protection de la santé au sein du marché européen.

En France, ces directives ont été transposées dans le Code de la santé publique aux articles L. 5211-1 et suivants, ainsi que R. 5211-1 et suivants de ce code.

Les projets de règlements européens relatifs aux dispositifs médicaux

Un projet de règlement européen relatif aux dispositifs médicaux (1) ainsi qu’un second projet relatif aux dispositifs de diagnostic in vitro (2), visant à remplacer les directives actuelles, ont été proposés en 2012.

Ces textes ont fait l’objet d’un accord du Conseil et du Parlement européen le 15 juin 2016.
Le 22 février 2017, le Conseil européen a publié la version finale des deux projets de règlement européen et a procédé à l’adoption des textes le 7 mars 2017 (3).

La publication des règlements européens devrait intervenir après le vote du Parlement européen prévu au mois d’avril 2017 et la traduction des textes dans les différentes langues officielles européennes.

Le régime applicable aux dispositifs médicaux étant fortement impacté par les textes, la présente étude est consacrée aux principales évolutions apportées par le règlement européen relatif aux dispositifs médicaux à savoir :

  • le champ d’application ;
  • la classification ;
  • les exigences générales de sécurité et de performance ;
  • les obligations des fabricants et des distributeurs ;
  • la nécessité de désigner une personne chargée de veiller au respect de la réglementation ;
  • le renforcement des exigences et contrôles des organismes notifiés ;
  • la traçabilité des dispositifs médicaux.
Extension du champ d’application de la réglementation

Le champ d’application des dispositifs médicaux est élargi afin notamment d’intégrer dans la définition des dispositifs médicaux tous les dispositifs destinés à être utilisés à des fins de prévision et de pronostic d’une maladie (5).

Ainsi, concernant les logiciels, un logiciel destiné aux fins médicales exposées à cet article est qualifié de dispositif médical.

Seuls les logiciels destinés à des usages généraux, en particulier liés au mode de vie ou au bien-être, n’entrent pas dans le champ d’application de la réglementation relative aux dispositifs médicaux.

Toutefois, certains produits, pour lesquels seule la fonction esthétique ou non médicale est mise en avant, peuvent relever du règlement européen lorsqu’ils sont semblables à des dispositifs médicaux. En effet, conformément à l’article 1 du règlement relatif aux dispositifs médicaux, des spécifications communes seront appliquées aux dispositifs n’ayant pas de fonction médicale mais qui figurent sur une liste établie en annexe du règlement (ex. équipements émettant des rayonnements électromagnétiques à haute intensité tels que les équipements à lumière pulsée utilisés pour la suppression des tatouages ou l’épilation).
Les dispositifs qui ont à la fois une destination médicale et non médicale sont également mentionnés comme faisant partie du champ d’application du règlement.

Classification plus sévère des dispositifs médicaux

Plusieurs modifications sont apportées aux règles de classification des dispositifs médicaux.
Concernant les logiciels, la classification des logiciels dispositifs médicaux est intégrée à la réglementation.

En effet, celle-ci ne faisait l’objet que de recommandations émises, d’une part, par l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des Produits de Santé (ci-après l’« ANSM ») et, d’autre part, par la Commission européenne dans le cadre des guides Meddev (6).

Dorénavant, la réglementation prévoit expressément qu’un logiciel qui commande un dispositif médical ou agit sur son utilisation relève de la même classe que ce dispositif (7).
De plus, la règle 11 de l’annexe VIII, laquelle concerne les logiciels autonomes, énonce que :

  • si le logiciel est destiné à apporter des informations qui sont utilisées dans le cadre de la prise de décisions à des fins diagnostiques ou thérapeutiques, celui-ci appartient à la classe IIa. Toutefois, si ces décisions peuvent provoquer des conséquences graves sur l’état de santé du patient, le logiciel appartient aux classes suivantes :
    • à la classe III, lorsque la décision peut provoquer le décès du patient ou une détérioration irréversible de l’état de santé de ce dernier ;
    • à la classe IIb, si la décision peut provoquer le décès du patient ou une détérioration irréversible de l’état de santé de ce dernier.

Ces règles relatives aux logiciels d’aide à la prise de décision sont nouvelles et pourront impacter la classification de certaines applications (ex. application d’aide à l’observance médicamenteuse ou permettant de gérer une maladie chronique).

A cet égard, l’ANSM a pu indiquer, dans le cadre d’une présentation du projet de règlement, qu’en application de ces nouvelles règles, un logiciel de diagnostic d’un mélanome pourrait appartenir à la classe IIb et qu’un logiciel d’aide au calcul de doses d’insuline pourrait appartenir à la classe III :

  • si le logiciel est destiné à la surveillance de processus physiologiques, il appartient à la classe IIa. Cependant, ce dispositif relève de la classe IIb dans l’hypothèse où cette surveillance concerne des paramètres vitaux et que la nature des variations est telle qu’elle peut traduire un danger immédiat pour le patient ;
  • tous les autres logiciels dispositifs médicaux appartiennent à la classe I.

Enfin, en application de la règle 22 de la même annexe, les dispositifs actifs thérapeutiques ayant une fonction de diagnostic intégrée ou incorporée, laquelle est déterminante dans la prise en charge du patient, tels que les systèmes en circuit fermé ou les défibrillateurs automatisés externes, relèvent de la classe III (ex. système de pancréas artificiel).

Exigences générales sur la sécurité et la performance

Les exigences essentielles des directives sont remplacées par des exigences générales sur la sécurité et la performance des dispositifs médicaux. Celles-ci établissent des objectifs auxquels les dispositifs médicaux doivent se conformer afin d’être mis sur le marché.

Des spécifications communes, ainsi que des normes, seront prises afin d’établir les moyens à mettre en œuvre pour se conformer aux exigences.

En particulier, l’article 14.2 de l’annexe I énonce que les logiciels dispositifs médicaux doivent être conçus et fabriqués afin de réduire ou d’éliminer « autant que possible » les risques liés aux interactions entre le logiciel et son environnement informatique.

De plus, conformément à l’article 17 de la même annexe, la conception des dispositifs médicaux comportant des logiciels, ainsi que des logiciels autonomes, doit garantir la répétabilité, la fiabilité, ainsi que les performances conformes à l’usage qui en est prévue. Des mesures doivent ainsi être prises afin d’éliminer ou de réduire tous les risques ou dégradations des performances de ces dispositifs.

Des exigences liées à l’état de la technique, notamment en matière de gestion des risques et de sécurité de l’information, doivent être respectées.

De plus, lorsque le logiciel dispositif médical est utilisé à l’aide d’un smartphone, la conception du logiciel doit tenir compte des caractéristiques techniques et des facteurs externes, tels que la taille de l’écran, la luminosité ou encore l’environnement sonore.

Enfin, le fabricant est tenu de mentionner les exigences techniques d’utilisation du logiciel (ex. matériel informatique requis, qualité du réseau nécessaire pour utiliser le logiciel, etc.).

Précisions sur le contenu de la documentation technique

La documentation technique que le fabricant doit établir est précisée et détaillée à l’annexe 2 du règlement européen, notamment en ce qui concerne les éléments suivants :

  • description et spécification du dispositif, y compris ses variantes et ses accessoires. Les éléments fonctionnels clés, tels que les logiciels y sont notamment précisés ;
  • informations relatives aux étiquettes et notices d’utilisation des dispositifs médicaux ;
  • informations sur la conception et la fabrication ;
  • exigences générales en matière de sécurité et de performance ;
  • analyse bénéfice-risque et gestion des risques ;
  • vérification et validation du produit (résultats et analyses des études et essais, etc.).
Rapport de surveillance après commercialisation

Concernant la matériovigilance, les fabricants sont dorénavant tenus d’établir un plan de surveillance après la commercialisation des dispositifs médicaux.

Un rapport périodique actualisé de sécurité doit ainsi être élaboré par les fabricants des dispositifs de classe IIa, IIb et III et mis à jour au moins une fois par an ou tous les deux ans pour les dispositifs de classe IIa (8).

De plus, les fabricants de dispositifs de classe I sont également tenus d’élaborer un rapport de surveillance après commercialisation (9).

Ces nouvelles mesures impliquent que les fabricants mettent en place des méthodes efficaces de surveillance de leurs dispositifs médicaux.

De nouvelles obligations à la charge des distributeurs

Le projet de règlement introduit des obligations générales à la charge de différents acteurs économiques présents sur la chaine de distribution, y compris à la charge des distributeurs de dispositifs médicaux.

Les distributeurs sont les personnes physiques ou morales chargées d’acquérir, de détenir et d’offrir les dispositifs médicaux.

L’inclusion de ces nouveaux acteurs est destinée à assurer un meilleur respect des règles relatives aux dispositifs médicaux.

En effet, avant la mise sur le marché d’un dispositif médical, les distributeurs sont tenus de vérifier les éléments suivants relatifs à la conformité du dispositif au règlement (10) :

  • marquage CE et déclaration de conformité du dispositif ;
  • présence des instructions d’utilisation fournies par le fabricant ;
  • dans l’hypothèse de dispositifs importés, l’indication de l’identité et des coordonnées de l’importateur sur le dispositif, son emballage ou un document accompagnant le dispositif ;
  • l’attribution par le fabricant d’un identifiant unique au dispositif (IUD).

A défaut de conformité, le distributeur est tenu de ne pas mettre le dispositif sur le marché. De plus, il doit informer le fabricant, son mandataire, l’importateur et l’autorité compétente s’il considère ou a des raisons de penser que le dispositif présente un risque grave ou est falsifié.
Le distributeur est également tenu de respecter les conditions de stockage et de transport fixées par le fabricant.

Enfin, cet acteur économique doit tenir un registre des plaintes des professionnels de santé, patients et utilisateurs ainsi que des produits non-conformes et des rappels de produits. Ces informations sont transmises au fabricant et, le cas échéant, au mandataire et à l’importateur.
A cet égard, l’ANSM a déjà indiqué que ces obligations ont vocation à s’appliquer aux stores d’application, dans la mesure où ceux-ci ont la qualité de distributeur (11).

Désignation d’une personne chargée de veiller au respect de la réglementation

Le projet indique que les fabricants désignent une personne qualifiée chargée de veiller au respect de ces nouvelles règles.

La personne désignée doit, en principe, justifier (12) :

  • soit, de diplômes dans le domaine du droit, de la médecine, de la pharmacie ou de l’ingénierie ou toute autre discipline scientifique ;
  • soit, d’une expérience professionnelle d’au moins quatre années dans le domaine de la réglementation ou des systèmes de gestion de la qualité en rapport avec les dispositifs médicaux.

Concernant les fabricants de dispositifs médicaux sur mesure, une expérience professionnelle d’au moins deux années est suffisante.

Des dispositions allégées sont prévues pour les micro et petites entreprises.

Il appartient à la personne désignée de veiller à ce que la conformité des dispositifs soit correctement contrôlée, la documentation technique et la déclaration de conformité soient établies et mises à jour, les obligations de surveillance post-marché ou de notification de matériovigilance soient respectées, les déclarations de conformité des dispositifs médicaux faisant l’objet d’une investigation soient effectuées.

Il est également prévu que les mandataires désignent eux aussi une personne qualifiée chargée de veiller au respect de la réglementation.

Mise en place d’un système d’identification unique des dispositifs pour une meilleure traçabilité

Il est prévu la mise en œuvre d’un système d’identification unique des dispositifs (IUD) pour l’ensemble des dispositifs médicaux, sauf les dispositifs sur mesure. Il s’agit d’une « série de chiffres ou de lettres créée selon des normes d’identification et de codification internationales et qui permet l’identification formelle de dispositifs donnés sur le marché » (16).

Ce système permet de mettre en œuvre la traçabilité des dispositifs médicaux et une meilleure sécurité des dispositifs postérieurement à leur commercialisation (notification, mesures correctives de sécurité, contrôle).

Ce système permettra également d’améliorer la lutte contre la contrefaçon de dispositifs médicaux mais aussi les politiques d’élimination des déchets par les acteurs médicaux.
Les codes d’identification unique (IUD) devront apparaître sur l’étiquette et sur tous les niveaux d’emballage des dispositifs médicaux.

Concernant les logiciels dispositifs médicaux, cette identification unique doit apparaitre sur le support physique contenant le logiciel mais également au niveau du système logiciel (ex. dans un onglet « en savoir plus » ou sur une page d’accueil pour les logiciels avec interface utilisateur).

Amélioration du fonctionnement de la base de données européenne publique « Eudamed »

Les fabricants et toute autre personne doivent utiliser une nomenclature spécifique et internationale relative aux dispositifs médicaux. Cette obligation engendrera un meilleur fonctionnement de la banque de données européenne des dispositifs médicaux (Eudamed) (17).

Renforcement des exigences et contrôles des organismes notifiés

Chaque Etat membre doit désigner une autorité chargée d’évaluer les organismes notifiés (En France, le LNE/G-MED est le seul organisme notifié français au titre des directives européennes applicables aux dispositifs médicaux) (13).

Cette autorité est tenue d’évaluer les organismes notifiés, filiales et sous-traitants compris, au moins une fois par an (14), et procède à une évaluation complète de l’organisme trois ans après la notification, puis tous les quatre ans (15).

De plus, par l’intermédiaire du Groupe de Coordination en matière de Dispositifs Médicaux (ci-après le « GCDM »), la Commission participe désormais à la désignation des organismes notifiés :

  • la Commission et le GCDM désignent une équipe d’évaluation de l’organisme ;
  • le GCDM émet une recommandation sur le projet de désignation. L’autorité doit tenir compte de cette recommandation lorsqu’elle statue sur la désignation de l’organisme notifié ;
  • l’équipe d’évaluation participe à l’évaluation complète de l’organisme notifié qui doit être réalisée trois ans après notification, puis tous les quatre ans.
Conclusion

Les deux projets de règlements européens fixent des normes élevées de qualité et de sécurité des dispositifs médicaux, notamment en termes d’exigences à respecter, de vigilance post marché mais aussi de traçabilité.

Il est prévu que tous les acteurs économiques jouent un rôle afin de garantir le bon fonctionnement du marché intérieur des dispositifs médicaux.

Ainsi, de nouvelles obligations sont mises à charge de l’ensemble des acteurs présents sur la chaîne de distribution.

Tant les fabricants que les distributeurs, importateurs ou mandataires sont impactés.
Ces nouvelles règles engendreront des coûts humains et financiers supplémentaires, notamment dans le cadre de l’élaboration de la documentation technique et de la vigilance postérieure à la mise sur le marché.

Ces nouvelles règles entreront en vigueur dans un délai de trois ans pour le règlement relatif aux dispositifs médicaux et cinq ans en ce qui concerne les dispositifs médicaux de diagnostic in vitro, sauf dispositions contraires.

Toutefois, les acteurs économiques du secteur doivent dès à présent se préparer à l’arrivée de ces nouveaux règlements européens.

Marguerite Brac de La Perrière
Chloé Gaveau
Lexing Droit Santé numérique

(1) Projet de règlement relatif aux dispositifs médicaux, version du 6-3-2017
(2) Projet de règlement relatif aux dispositifs médicaux de diagnostic in vitro, version du 6-3-2017
(3) UE, Communiqué de presse du 7-3-2017 ; Position du Conseil en première lecture
(4) Projet de Règlement relatif aux dispositifs médicaux, Article 120 « Dispositions transitoires » et 123 « Entrée en vigueur et date d’application »
(5) Projet de règlement relatif aux dispositifs médicaux, Article 2 « Définitions », 1)
(6) MEDDEV 2.1/6, Qualification and Classification of stand alone software, 7-2016
(7) Projet de règlement relatif aux dispositifs médicaux, Annexe VIII, règle 3.3
(8) Projet de règlement relatif aux dispositifs médicaux, Article 86 « Rapport périodique actualisé de sécurité »
(9) Projet de règlement relatif aux dispositifs médicaux, Article 85 « Rapport sur la surveillance après commercialisation »
(10) Projet de règlement relatif aux dispositifs médicaux, Article 14 « Obligations générales des distributeurs »
(11) Rapport GT 28 CSF : Impact du nouveau règlement européen sur les logiciels DM, page 206
(12) Projet de règlement relatif aux dispositifs médicaux, Article 15 « Personne chargée de veiller au respect de la réglementation »
(13) Projet de règlement relatif aux dispositifs médicaux, Chapitre IV « Organismes notifiés »
(14) Projet de règlement relatif aux dispositifs médicaux, Article 44 « Surveillance et réévaluation des organismes notifiés », §4
(15) Projet de règlement relatif aux dispositifs médicaux, Article 44 « Surveillance et réévaluation des organismes notifiés », §10
(16) Projet de règlement relatif aux dispositifs médicaux, Article 2 « Définitions », 15)
(17) Projet de règlement relatif aux dispositifs médicaux, Article 30 « Système électronique d’enregistrement des opérateurs économique » et suivants

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