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Economie juridique

L’inexécution totale d’un contrat assimilé à une faute lourde

Le client qui paye le prix d’un service qui ne fonctionne pas…

Un fournisseur d’accès à internet situé en Grèce a signé avec une société française, un contrat de fourniture de capacité de transmission de données par le satellite Eutelsat W2. Alors que le contrat est entré en vigueur, le démarrage du service est retardé en raison du délai nécessaire à l’obtention d’une licence d’exploitation auprès de l’autorité de régulation grecque.

Pour pouvoir exercer son activité, le client doit conclure un contrat de substitution pour la fourniture d’une capacité de transmission à partir d’un autre satellite, exploité par une société disposant déjà de la licence nécessaire.

Après obtention de la licence d’exploitation, le client demande le transfert de la transmission du satellite de substitution au satellite Eutelsat W2. La transmission se révèle techniquement impossible à mettre en œuvre à partir de ce dernier satellite. Le client résilie alors ce contrat et poursuit son activité à partir du satellite de substitution, dont le coût est beaucoup plus élevé.

Le Tribunal de commerce de Paris a écarté ses demandes d’indemnisation en considérant que la rupture du contrat n’était pas imputable au fournisseur (1).

L’enjeu

    Une décision favorable au client sur la qualification de la faute lourde du fournisseur, de nature à écarter l’application des clauses limitatives de responsabilité.


…peut être indemnisé du prix payé sans contrepartie et du surcoût lié au service de substitution mis en place

La Cour d’appel de Paris (2) considère tout d’abord que le client ne peut formuler de demande au titre de la période précédant l’obtention de la licence, dès lors qu’il lui appartenait de l’obtenir et que les parties avaient convenu de l’entrée en vigueur du contrat en dépit du retard de délivrance de la licence.

Le fournisseur ne s’était engagé que sur une obligation de moyen, mais la Cour considère que l’absence de mise en service constitue une inexécution totale du contrat, assimilée à une faute lourde du fournisseur, car celui-ci ne rapporte pas la preuve d’avoir mis en œuvre les moyens nécessaires pour exécuter ses obligations contractuelles.

Pour la Cour, cette faute lourde fait échec à l’application des clauses limitatives de responsabilité contractuelles, de nature « à contredire la portée de l’engagement contractuel et « à priver le contrat de toute efficacité ».

Le client est indemnisé du surcoût du service de substitution (différence entre son prix et celui du service non mis en oeuvre), à partir de l’obtention de la licence, soit 315.965 €. La Cour lui accorde également la restitution du prix payé au fournisseur, de la date d’obtention de la licence à la date de suspension des paiements (99.650 €). Ces indemnisations reviennent à lui octroyer le bénéfice d’un service de transmission gratuit entre ces deux dates.

Par contre, la Cour écarte la réparation de la perte de marge et des investissements informatiques engagés, puisque le service a fonctionné normalement, depuis l’obtention de la licence, grâce au service de substitution.

Les conseils

    La mise en œuvre des moyens permettant de limiter le préjudice est non seulement une nécessité économique mais s’avère favorable dans le cadre de l’action en responsabilité.


(1) TC Paris, 17 février 2004, Com To Net c. France Telecom et Globecast France.
(2) CA Paris 25eme ch., section B, 28 avril 2006, Com To Net c. France Telecom et Globecast France

Bertrand Thoré

Directeur du Département Economie juridique

bertrand-thore@alain-bensoussan.com

Paru dans la JTIT n°58/2006

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