Enjeux juridiques du BIM dans la construction immobilière

BIM dans la construction immobilière En reliant tous les acteurs, le BIM dans la construction immobilière modifie la manière de concevoir, de construire et d’exploiter les bâtiments.

Le terme BIM signifie Building information modeling ou building information model. Il est traduit en français par modélisation des données du bâtiment (MIB) ou encore maquette numérique du bâtiment (MNB).

Maquette numérique et BIM dans la construction immobilière

Le BIM ne doit pas être réduit à la maquette numérique. Une maquette 3D d’un ouvrage « comprend ses caractéristiques géométriques (coupes, plans, élévations, etc.) et des renseignements sur la nature de tous les objets utilisés (composition, propriétés physiques, mécaniques, comportement, etc.) ».

En revanche, le BIM renvoie à une « méthode de travail basée sur la collaboration autour d’une maquette numérique. Dans un processus de conception BIM, chaque acteur de la construction utilise cette maquette, initialement conçue par l’architecte, et en tire les informations dont il a besoin pour son métier. En retour, il alimente la maquette de nouvelles informations pour aboutir au final à un objet virtuel, parfaitement représentatif de la construction. La maquette numérique est actualisée tout au long de la vie de l’ouvrage, de la conception à la construction, de la livraison à sa déconstruction » (1).

Technologies et acteurs du BIM dans la construction immobilière

Le BIM cumule donc l’utilisation de multiples technologies : logiciel, traitement et bases de données, cloud, réalité augmentée et impression 3D.

Il fait aussi intervenir de nombreux acteurs, comme les grands groupes du BTP, mais aussi les TPE/PME, les bureaux d’études et cabinets d’architectes, les industriels impliqués dans la numérisation, les maîtres d’ouvrage et maîtres d’œuvre, les promoteurs et agents immobiliers. Le BIM permet en effet de rendre possibles et faciles les échanges entre ces différents acteurs. Google s’intéresse également au BIM puisqu’il a lancé la plateforme Flux qui permet de transférer des données entre les logiciels utilisés dans la construction.

Le droit des marchés publics et le BIM dans la construction immobilière

Les acteurs privés de la construction peuvent librement prévoir d’utiliser ou non le BIM. En revanche, dans le domaine des marchés publics de travaux, des règles précises doivent être respectées encadrant la passation de ces marchés. Concernant l’utilisation du BIM, l’article 22.4 de la directive 2014/24 du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics dispose que « pour les marchés publics de travaux et les concours, les États membres peuvent exiger l’utilisation d’outils électroniques particuliers tels que des outils de modélisation électronique des données du bâtiment ou des outils similaires ».

L’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics, qui transpose la directive 2014/24, ne fait aucune référence au BIM et à la maquette numérique. La transposition de cette directive est complétée par les décrets 2016-360 et 2016-361 du 25 mars 2016. L’article 42-III du décret 2016-360 précise, quant à lui, que « l’acheteur peut, si nécessaire, exiger l’utilisation d’outils et de dispositifs qui ne sont pas communément disponibles, tels que des outils de modélisation électronique des données du bâtiment ou des outils similaires. Dans ce cas, l’acheteur offre d’autres moyens d’accès au sens du IV, jusqu’à ce que ces outils et dispositifs soient devenus communément disponibles aux opérateurs économiques ». L’acheteur est ainsi réputé offrir d’autres moyens d’accès appropriés, notamment « lorsqu’il offre gratuitement un accès sans restriction, complet et direct par moyen électronique à ces outils et dispositifs (…) ; lorsqu’il veille à ce que les opérateurs économiques n’ayant pas accès à ces outils et dispositifs ni la possibilité de se les procurer dans les délais requis (…) puissent accéder à la procédure de passation du marché public en utilisant des jetons provisoires mis gratuitement à disposition en ligne ».

L’utilisation du BIM n’est donc qu’une possibilité pour l’acheteur public qui est de surcroît uniquement envisageable au stade de la passation du marché (l’article étant inséré dans le chapitre du décret sur les règles générales de passation). Cependant, au titre de la phase de réalisation, le pouvoir adjudicateur pourra inscrire dans le cahier des charge que le projet sera suivi grâce au BIM.

Diversité des référentiels légaux applicables

Le BIM n’est pas spécifiquement encadré par d’autres textes que le décret 2016-360. En revanche, comme il agrège de nombreuses technologies, il convient de respecter le référentiel légal applicable à chacune de ces technologies.

Il en est ainsi des dispositions relatives à la protection des données personnelles lorsque de telles données sont collectées et traitées (loi 78-17 du 6 janvier 1978 et règlement 2016/679 sur la protection des données personnelles à compter du 25 mai 2018), au droit des bases de données (articles L341-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle) et au droit d’auteur, applicables aux logiciels (articles L112-2 et suivants du CPI). Les acteurs du BIM doivent aussi et surtout intégrer dans l’utilisation de cet outil les règles du droit de la construction.

Encadrement contractuel du BIM dans la construction immobilière

Le BIM nécessite aussi une attention particulière à certaines clauses contractuelles, notamment celles relatives aux obligations du BIM Manager et à la gestion des évolutions des fonctionnalités. Dans la mesure où le BIM est un système collaboratif faisant intervenir de nombreux acteurs, la détermination des responsabilités, en cas de sinistre, peut s’avérer complexe. La clause de responsabilité devra régir précisément les éventuelles défaillances liées à aux interactions et évoquer le partage de responsabilité (entre les acteurs de la construction, le BIM Manager et l’éditeur du logiciel) et le risque lié aux échanges de données entre les divers intervenants.

Norme applicable au BIM dans la construction immobilière

Enfin, la norme ISO 16739:2013 (2) s’applique au BIM lorsque le format de fichier IFC (Industry Foundation Classes) est utilisé. Ce format de fichier est employé par l’industrie du bâtiment pour échanger et partager des informations entre les acteurs de la construction.

Face à la montée en puissance des outils numériques dans le domaine de la construction, tous les acteurs devront s’approprier les règles spéciales qui encadrent l’utilisation du BIM, afin de sécuriser les échanges d’informations, les actions et les relations contractuelles.

François Jouanneau
François Gorriez
Lexing Droit Marchés publics

(1) Mission Numérique Bâtiment, rapport de M. Bertrand DELCAMBRE pour le ministère du logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité, décembre 2014.
(2) ISO 16739:2013, Classes de fondation d’industrie (IFC) pour le partage des données dans le secteur de la construction et de la gestion des installations

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