Expertise CHSCT : entre constance et réforme

Expertise CHSCT : entre constance et réformeL’avant-projet de réforme du droit du travail entend modifier la réglementation de l’ expertise CHSCT. Il convient dès lors de saisir cette occasion pour en rappeler les règles et exposer les changements envisagés par l’avant-projet de loi visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs, dit avant-projet de loi El Khomri.

Le Code du travail permet au comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (ci-après « CHSCT ») de recourir à un expert agréé dans deux cas :

  • soit lorsqu’un risque grave, révélé ou non par un accident du travail, une maladie professionnelle ou à caractère professionnel est constaté dans l’établissement ;
  • soit en cas de projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail, prévu à l’article L. 4612-8-1.

Ces deux hypothèses sont les seuls cas d’ouverture d’une demande d’expertise par le CHSCT. En d’autres termes, aucun autre motif que ceux visés à l’article L. 4614-12 du Code du travail ne justifie le recours à une expertise.

En outre, pour être valable, la décision de recourir à un expert doit impérativement être inscrite à l’ordre du jour de la réunion du CHSCT et votée à la majorité simple des membres présents à cette réunion. A défaut, la décision du CHSCT est nulle et l’expertise n’est pas valable.

Les frais d’expertise étant, jusqu’à présent, à la charge de l’employeur, le législateur lui a reconnu le droit de contester la décision du CHSCT de recourir à une expertise (art. L. 4614-13, C. trav.).

En pratique, l’employeur qui conteste l’expertise tend à assigner à la fois le CHSCT qui a pris la décision de recourir à l’expertise, ainsi que la société d’expertise, auteur de l’expertise objet de la contestation. L’action judiciaire intentée par l’employeur est donc susceptible de créer une situation tripartite, opposant l’employeur, d’une part, à l’expert et au CHSCT, d’autre part.

La contestation de l’expertise par l’employeur peut porter tant sur l’opportunité de l’expertise, c’est-à-dire sa nécessité, que sur la désignation de l’expert, le coût de l’expertise, son étendue ou son délai. La contestation peut être totale ou seulement partielle.

La contestation de l’expertise décidée par le CHSCT revêt une certaine originalité procédurale en ce qu’elle est portée devant le Président du tribunal de grande instance territorialement compétent qui statue en la forme des référés.

Cette procédure n’est ouverte que dans les cas expressément prévus par la loi. En l’espèce, c’est l’article R.4614-20 du Code du travail qui prévoit que le Président du tribunal de grande instance saisi d’une contestation d’expertise CHSCT par un employeur statue en la forme des référés. L’ordonnance rendue en la forme des référés a la nature d’un jugement au fond pour la contestation qu’elle tranche.

L’avant-projet de loi El Khomri n’a pas omis de réformer l’ expertise CHSCT. L’article 18 propose deux modifications majeures quant à l’ expertise CHSCT : d’une part, une modification relative au délai de jugement, d’autre part, une modification quant à la prise en charge des frais d’expertise.

Jusqu’à présent, en l’absence de texte spécifique, l’action de l’employeur est soumise au délai de prescription de droit commun de l’article 2224 du Code civil, soit 5 ans à compter du jour où il a eu connaissance de la décision du CHSCT de recourir à l’expertise (Cass. soc , 17-2-2016., n° 14-15.178).

En vertu de l’article 18 de l’avant-projet de loi, le Président du TGI saisi d’une contestation d’ expertise CHSCT par un employeur devra statuer dans un délai de 10 jours à compter de sa saisine. En outre, sa décision sera insusceptible d’appel, ce qui signifie que le pourvoi en cassation sera l’unique voie de recours ouverte.

Outre la fixation d’un délai de jugement, l’autre nouveauté de l’article 18 relève des conséquences de la saisine du Président du tribunal. Dès que celui-ci sera saisi, l’exécution de l’expertise sera suspendue, et ce jusqu’à l’expiration du délai de pourvoi en cassation, soit 2 mois à compter de la notification de l’ordonnance du tribunal. En revanche, en cas de pourvoi en cassation, il sera mis fin à la suspension de l’expertise et l’expert pourra reprendre le cours de sa mission.

Si à l’issue de la procédure, l’expertise est annulée, alors l’expert devra rembourser les sommes engagées. La pratique actuelle qui consiste dans le remboursement des sommes engagées par l’expert en cas d’annulation judiciaire de l’expertise, deviendra donc une obligation légale.

L’autre nouveauté de l’avant-projet de loi relève des frais d’expertise, lesquels ne seront plus supportés par l’employeur. En effet, il est prévu que le comité d’entreprise pourra décider de prendre en charge les frais d’expertise.

Il convient de préciser que la contestation du montant de l’expertise sera distincte des autres motifs de contestation puisqu’elle fera l’objet d’une disposition à part entière, introduite par le nouvel article L.4614-13-1 du code du travail.

Bien que l’examen de l’avant-projet de loi El Khomri ne cesse d’être reporté en raison des critiques virulentes dont il fait l’objet, il est nécessaire de rester vigilant quant aux modifications qu’il entend apporter relativement à la réglementation de l’ expertise CHSCT, qui est sans doute l’événement suscitant le plus de contentieux impliquant le CHSCT.

Emmanuel Walle
Clémentine Joachim
Lexing Droit Travail numérique

Retour en haut