La faute lourde s’évalue au regard du comportement de l’assuré

faute lourde La faute lourde peut être assimilée à la faute dolosive en fonction du comportement de l’assuré. Elle peut donc empêcher l’application de la clause contractuelle limitative de responsabilité au même titre que la faute dolosive.

Dans cet arrêt, la première chambre civile de la Cour de cassation (1) maintient, dans un premier temps, la conception subjective d’une telle faute puis, l’assimile, dans un second temps, à la faute dolosive afin d’écarter la clause limitative de responsabilité contractuellement stipulée.

En l’espèce, une société spécialisée s’est vue confier le déménagement des biens d’un couple de l’île de la Réunion à Montpellier. Ces biens ont été transportés par voie maritime dans un conteneur. A l’arrivée, de très importants dommages de moisissures et d’humidité ont été constatés.

Après indemnisation partielle, l’assureur dommages a exercé un recours subrogatoire à l’encontre de divers prestataires dont la société de déménagement. Mais cette dernière lui a opposé la clause limitative de responsabilité figurant dans le contrat de déménagement.

Saisi de ce litige, la Cour d’appel de Montpellier a, le 22 mai 2013, caractérisé une négligence d’une extrême gravité confinant au dol et dénotant l’inaptitude du prestataire à l’accomplissement de son obligation contractuelle constitutive d’une faute lourde. Pour autant, elle a fait application de la clause limitative de responsabilité du contrat, estimant que la faute lourde ne pouvait être assimilée à une faute dolosive au sens de l’article 1150 du Code civil. Les clients ont alors formé un pourvoi en cassation.

La Cour de cassation a censuré l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Montpellier au visa de l’article 1150 du Code civil, considérant que la faute lourde « assimilable au dol, empêche le contractant de limiter la réparation ou de s’en affranchir ».

La conception subjective de faute lourde

Selon la Cour de cassation, la faute lourde s’apprécie subjectivement en tenant compte du comportement du débiteur de l’obligation et non pas par seule référence à l’inexécution, par ce dernier, d’une obligation essentielle du contrat.

Cette conception subjective de la faute lourde ouvre un large champ d’appréciation aux juges du fond qui peuvent désormais souverainement apprécier la faute lourde en s’affranchissant de la seule analyse du respect ou non d’une obligation essentielle du contrat. Lorsque le litige portera sur des obligations issues de contrats techniques, les juges du fond pourront alors se référer aux règles de l’art et aux normes édictés en matière informatique ainsi qu’aux avis d’expert.

C’est pourquoi, l’expertise, en ce qu’elle implique une analyse du comportement réelle des parties et de son impact sur les griefs invoqués, en se fondant notamment sur les règles de l’art et les normes en vigueur au jour de la réalisation du projet, aura une importance capitale dans la détermination de la faute lourde.

Par ailleurs, la Cour de cassation confirme sa position selon laquelle la faute lourde, assimilable au dol dans l’exécution du contrat (qu’il faut à l’évidence différencier du dol, vice du consentement énoncé à l’article 1116 du Code civil), serait, tout autant, efficace que la faute dolosive pour écarter les clauses limitatives de responsabilité et ce, même si la notion de faute lourde ne figure pas expressément à l’article 1150 du Code civil. L’article précité s’entend comme excluant, en matière contractuelle, la réparation des dommages imprévisibles sauf cas de faute lourde ou dolosive

En résumé

Le contrat doit donc préciser que les obligations mises à la charge de chacune des parties s’apprécient notamment au regard des règles de l’art et des normes en vigueur. Cela permet au juge d’apprécier concrètement les responsabilités de part et d’autre et l’éventuelle faute lourde ; étant rappelé qu’une telle faute a pour effet d’écarter l’application de la clause limitative de responsabilité.

Marie-Adélaïde de Montlivault-Jacquot
Alexandra Massaux
Lexing Contentieux informatique

(1) Cass. 1re civ. 29-10-2014 n°13-21980.

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