Fintech et Bigtech : publication de l’enquête de concurrence

Fintech

L’Autorité de la concurrence publie son enquête sectorielle concernant les Fintech et Bigtech fournisseurs de services de paiement.

Par l’effet, notamment, de la deuxième directive sur les services de paiement de nouveaux services peuvent désormais être proposés grâce au statut juridique qu’elle donne à de nouveaux acteurs apparus sur le marché des services de paiement, dont les prestataires de services d’information sur les comptes (agrégateurs de comptes) et les prestataires d’initiation de paiement.

Les Fintech

Ceux-ci proposent des services offrant une vue consolidée des informations sur les comptes bancaires qu’une personne détient dans plusieurs établissements. Ces services lui permettent ainsi d’avoir une appréhension globale des soldes de ses comptes ; et, parfois, des dernières opérations réalisées sur chacun des comptes ainsi consolidés.

Sous réserve d’être prestataires de services de paiement, ces acteurs peuvent proposer des services de paiement entre lesdits comptes.

Les Bigtech

Ceux-là proposent des services qui permettent à leurs clients de demander la réalisation d’une opération de paiement à partir d’un compte détenu dans un établissement tiers.

Pour ces derniers, l’usage de certaines technologies (téléphone mobile, montre connectée, CB sans contact) ont contribué à leur essor rapide ; soutenu par ailleurs par la crise sanitaire et le respect des gestes barrière.

Blockchain et cryptomonnaies

De plus, le développement de la blockchain et des cryptomonnaies modifient considérablement la manière de payer. Elles contribuent à :

  • une désintermédiation des acteurs traditionnels du secteur financier et, potentiellement,
  • un affaiblissement, voire une disparition,

des protections légales et réglementaires instaurées au bénéfice des utilisateurs de ces moyens de paiement.

Autosaisie

Forte de ces constats, l’Autorité de la concurrence s’est autosaisie pour avis, le 13 janvier 2020, « pour évaluer la situation concurrentielle dans le secteur des nouvelles technologies appliquées aux activités financières et, plus particulièrement, aux activités de paiement ».

Les Fintech et Bigtech fournisseurs de services de paiement

Dans son enquête, l’Autorité de la concurrence distingue les Fintech, d’une part, et les Bigtech, d’autre part.

Les premières sont définies par l’Autorité comme étant, soit :

  • de petites entreprises, constituées ad hoc, soit
  • des entreprises
    • intervenant historiquement dans d’autres secteurs d’activité et
    • ayant choisi de se diversifier dans la fourniture de services de paiement.

Les secondes regrouperaient les grands acteurs américains et chinois du numérique, telles que :

  • Apple avec son service « Apple Pay » ou
  • Google au travers de son service « Google Pay ».

Le secteur est donc particulièrement bousculé par l’apparition de ces nouveaux acteurs, promoteurs de nouveaux usages grâce à leur maîtrise des technologies numériques ; ceci conduit les acteurs traditionnels à conclure avec les Fintech et les Bigtech des accords permettant :

  • à ces derniers d’accéder à la clientèle des premiers et
  • aux banques de s’appuyer sur les technologies nouvelles développées par ces nouveaux acteurs.

Le tout étant soutenu par une appétence évidente des utilisateurs pour ces nouvelles manières de payer, plus simples et rapides.

L’analyse concurrentielle menée par l’Autorité

L’Autorité a conduit une analyse du rapport concurrentiel existant entre les services fournis par les nouveaux entrants et ceux proposés par les acteurs bancaires traditionnels sur les deux axes habituels qui sont :

  • d’une part, celui de la complémentarité entre ces service et,
  • d’autre part, celui de leur substituabilité.

Sans oublier l’identification d’éventuelles barrières à l’entrée et à l’expansion, ainsi que les principaux avantages concurrentiels détenus par les différentes catégories d’acteurs.

Rapport concurrentiel

S’agissant du rapport concurrentiel entre les acteurs, l’Autorité constate que :

« Le secteur des paiements est caractérisé par des marchés bifaces et un fort dynamisme, ce qui se traduit par l’apparition d’une multitude de produits et services innovants, qui peuvent être combinés à d’autres services et ainsi disparaître en tant que services autonomes.

Si les services innovants proposés par les nouveaux acteurs sur des segments de niche semblent plutôt complémentaires des services des acteurs traditionnels lorsqu’ils sont introduits sur le marché (exemple : les services d’agrégation de compte qui permettent d’avoir une vision consolidée de l’ensemble de ses comptes bancaires), ce lien peut rapidement évoluer, notamment par l’intégration de ces services dans l’offre des banques ou, à l’inverse, par le développement par les Fintech d’offres bancaires complètes. Ce dynamisme peut rendre difficile l’identification durable et précise du périmètre des produits ou services et ainsi rendre plus complexe l’exercice de définition des marchés pertinents, notamment dans le contexte de l’analyse prospective des opérations de concentration ».

Barrières

Concernant les barrières à l’entrée et à l’expansion, l’Autorité de la concurrence rappelle qu’elles sont principalement constituées par les contraintes légales et réglementaires dont le secteur est affecté, expliquant notamment comment les Fintech entrent sur le marché.

L’Autorité observe que, par ailleurs, des barrières peuvent exister au travers :

  • de la maîtrise des infrastructures techniques et
  • des conditions mises à l’accès à celles-ci.

Avantages

Enfin, concernant les avantages concurrentiels des différents acteurs du secteur, l’Autorité note que :

  • les banques disposent d’un avantage concurrentiel majeur, lié à leur présence historique sur le marché, à leur « (…) expérience inégalée dans la maîtrise de la conformité aux différentes réglementations applicables » et au fait qu’elles bénéficient « (…) d’une forte notoriété ainsi que d’une bonne réputation en matière de sécurité et de protection des données de leurs clients, à un moment ou les pratiques de certains grands acteurs du numérique à cet égard font parfois débat. » ;
  • les Fintech, quant à elles, bénéficient d’un avantage concurrentiel lié à leur agilité technologique, à une structure de coûts bien plus légère que celle des banques traditionnelles et d’un savoir-faire particulier en termes de simplification du parcours client ;
  • les Bigtech, enfin, peuvent s’appuyer sur une base d’utilisateurs considérable, constituée grâce à leurs activités « cœur de métier », au volume de données sur lequel ils peuvent s’appuyer pour améliorer leur connaissance client, d’une puissance financière extrêmement importante rendant marginaux les investissements qu’ils consentent dans ces nouveaux services par rapport à ceux qu’ils consacrent au déploiement de leurs infrastructures techniques et aux outils qu’ils commercialisent.

Les points de vigilance identifiés par l’Autorité concernent plusieurs risques possibles

  • le renforcement du pouvoir de marché des Bigtech et de verrouillage des consommateurs :
    • En raison des données :
      • qu’elles collectent grâce à leurs activités « cœur de métier » et
      • à leur croisement possible avec celles collectées au travers des services de paiement qu’elles proposent.
    • De plus, ce renforcement pourrait être accru par :
      • la maîtrise des Bigtech sur des éléments technologiques (antenne NFC des téléphones mobiles) que certaines d’entre elles se réservent et qui leur donne un monopole sur le paiement sans contact mobile ou encore
      • la préinstallation d’applications ad hoc, particulièrement adaptées à l’ergonomie des téléphones qu’elles fabriquent.
  • la détention de données par les prestataires de services de paiement gestionnaires de comptes qui pourraient instaurer ou maintenir des barrières à l’entrée sur le marché de l’initiation de paiement, défavorables au développement des Fintech ;
  • l’utilisation de la blockchain, sur le terrain des ententes ou des abus de position dominante, de la part des acteurs contrôlant l’accès à la chaîne de blocs, notamment ;
  • la remise en cause du modèle de banque universelle.

Ce dernier point vise les banques fournissant des services non rentables comme le dépôt ou l’encaissement de chèques ou d’espèces ; souvent au bénéfice d’une population peu bancarisée et ayant peu accès aux nouvelles technologies du paiement.

Les acteurs traditionnels pourraient ainsi :

  • se voir cantonnés à un rôle d’exécution des opérations initiées grâce aux services fournis par les Fintech ou les Bigtech, et
  • se retrouver dans une situation que les opérateurs de communications électroniques ont connue il y a une vingtaine d’années.

Tel a été le cas lorsque Google, Apple puis Samsung sont apparus sur le marché et ont évincé les opérateurs de fonctions telles que la conception des téléphones mobiles ou la définition des services qui leur étaient accessibles, les transformant largement en fournisseurs de « tuyaux »

Frédéric Forster
Lexing Banque électronique

Retour en haut