Google Suggest soumis à la loi Informatique et Libertés

Google Suggest soumis à la loi Informatique et Libertés françaisePar une décision en date du 28 janvier 2014, le tribunal de commerce de Paris a condamné Google Inc. pour ne pas avoir donné de suite favorable au droit d’opposition exercé par un commerçant qui souhaitait ne plus voir son nom associé à des termes faisant référence à son passé pénal sur le moteur de recherche Google via l’outil Google Suggest. 

En l’espèce, un commerçant s’était aperçu que ses nom et prénom étaient automatiquement associés à certains termes liés à une condamnation pénale antérieure, dont il avait fait l’objet dans la fonctionnalité Google Suggest, mais aussi dans l’espace « Recherches associées » du moteur de recherche.

Celui-ci, par deux fois, a adressé à la société Google Inc. (copie à Google France) un courrier afin de voir l’association de termes litigieuse supprimée.

En l’absence de réponse positive, le demandeur a saisi le tribunal de commerce de Paris afin d’obtenir la suppression effective de l’association des termes litigieux à son identité et la condamnation des deux sociétés solidairement à lui verser la somme de 10 000 euros de dommages et intérêts.

Dans sa décision, le tribunal de commerce met d’abord hors de cause la société Google France, considérant que le demandeur ne démontre pas son intervention dans le fonctionnement du moteur de recherche ni dans la fonctionnalité Google Suggest.

Il ajoute que les fonctionnalités Google Suggest et « Recherches associées » constituent, comme le soutient le demandeur, un traitement de données à caractère personnel au sens de la loi Informatique et Libertés.

Au visa des articles 2 et 3 de la loi n°78-17 du 6 janvier 1978, le tribunal de commerce estime que Google Inc. ayant élaboré, s’agissant de Google Suggest, un algorithme procédant au traitement des données personnelles, elle a bien décidé quelles seraient les données traitées et dans quel but (notamment par un tri préalable des requêtes), ce dont il résulte la qualification de responsable de traitement de cette dernière.

Puis, au visa de l’article 5-2 de la même loi, s’agissant du champ d’application territorial de ce texte, le tribunal estime que la loi Informatique et libertés est applicable à Google Inc. pour ce qui concerne les fonctionnalités Google Suggest et « Recherches associées », dans la mesure où elle a recourt à des moyens de traitement situés sur le territoire français ; en témoigne le site www.google.fr, site accessible en langue française, sur le sol français à destination d’usagers y résidant et accédant aux services au moyen de leurs ordinateurs hébergeant des cookies et autres logiciels similaires.

Ainsi, de par ces constatations, le tribunal conclut à l’application de la loi Informatique et libertés française à la société Google Inc.

Dès lors, Google Inc. aurait dû donner suite à la demande d’opposition exercée par le commerçant, dans la mesure où le mot clé litigieux associé à ses nom et prénom, comportant une connotation négative et renvoyant au passé pénal du demandeur, nuisait à sa réputation et à son activité professionnelle et lui créait un préjudice et une atteinte à sa notoriété, ainsi qu’à sa réputation dans son domaine d’activité.

Le tribunal condamne donc Google Inc., entre autres, à supprimer, dans un délai de 30 jours calendaires à compter de la signification du jugement, les termes litigieux des suggestions proposées par les fonctionnalités du moteur de recherche, notamment via la fonctionnalité Google Suggest. De plus, le tribunal assortit cette interdiction d’une astreinte de 1000 euros par infraction constatée et condamne la société à payer au demandeur la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

Alain Bensoussan
Pauline Binelli-Waintrop
Lexing Droit Informatique et libertés

TC Paris 1e ch. du 28-1-2014

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