Interview Mr Weill JP 51

Interview


Matthieu Weill,
Directeur général de l’Afnic (*)

Les noms de domaine en .fr s’ouvrent : les particuliers s’approprient internet !

Pourquoi avoir ouvert le .fr aux particuliers ? Y avait-il un besoin en ce domaine ?

En tant qu’organisme chargé de la gestion des noms de domaine en .fr (France), l’Afnic a décidé d’ouvrir le « .fr » aux particuliers à partir du 20 juin 2006. Bien qu’une grande partie des registres qui sont nos homologues en Europe soit ouverte aux particuliers depuis plus ou moins longtemps, notre logique n’a pas été de nous aligner mais bien de répondre à l’évolution des usages de l’internet en ce domaine. On est en effet passé d’un internet « collection de sites » et « espace économique » à un internet que les utilisateurs s’approprient. Ils ne se contentent plus de visiter des sites, ils sont devenus des producteurs de contenus, comme le montre l’émergence très forte des blogs, lieux dans lesquels on partage énormément en terme de communauté d’intérêt et d’échanges d’opinions. La démarche d’un particulier qui dépose son nom de domaine est différente de celle d’une entreprise, mais elle n’est pas moins légitime. Autant pour une entreprise, la logique première est de protéger son nom, pour les particuliers, il s’agira davantage de faire valoir une forme d’identité sur internet plus qu’une réelle protection du nom, qui risque d’ailleurs d’être un peu plus délicate compte tenu du nombre d’homonymes. Ces derniers devront donc faire preuve de créativité et d’imagination pour construire leur identité à travers leur nom de domaine personnalisé.

L’Afnic ne risque-t-elle pas d’avoir à faire face à un surcroît d’enregistrement ?

Oui, c’est pourquoi nous cherchons à avoir un système qui techniquement soit suffisamment prêt pour absorber un surcroît d’enregistrement. Celui-ci est difficile à évaluer puisqu’il dépend de l’engouement des particuliers. L’Afnic se prépare techniquement à être capable d’absorber d’ici deux ans, un doublement du nombre de noms en .fr qui est actuellement de l’ordre de 460 000. Pour sensibiliser les internautes, nous avons ouvert un site spécifiquement dédié à cette opération (**). A partir du 20 juin, les particuliers qui respectent les deux conditions d’éligibilité fixées (être majeur et disposer d’une adresse en France), pourront, après avoir vérifié que le nom de domaine est disponible, s’adresser à un prestataire de service internet membre de l’Afnic (dénommé bureau d’enregistrement ou registrar) chargé de commercialiser les noms de domaine (fournisseur d’accès, hébergeur de site…), la plupart du temps contre rémunération. L’Afnic profitera de l’ouverture pour baisser de plus de 30% le tarif de ses prestations en juin 2006.

Comment faire en cas d’homonymies ? Ne craignez-vous pas les détournements de noms ?

Aujourd’hui, le nombre de litiges sur le .fr est relativement mesuré et nous ne nous attendons pas à ce que l’arrivée des particuliers génère une croissance importante de ces cas. En effet les principaux responsables de détournement des noms de domaines se sont déjà organisés. Il y aura sans doute une légère augmentation « mécanique » liée à la hausse du nombre de noms en .fr. Au-delà de ce phénomène, il faut également savoir que le demandeur d’un nom de domaine est libre du choix du nom demandé mais que cette liberté est encadrée par un principe de responsabilité : le demandeur doit vérifier qu’il ne porte pas atteinte aux droits d’un tiers. C’est pourquoi nous allons mettre à sa disposition un maximum d’informations pour lui permettre de l’accompagner dans ces démarches. En aval, nous allons aussi encourager le développement des procédures alternatives de résolution des litiges (règlements amiables, recommandations en ligne ou arbitrages).

(*) Association Française pour le Nommage Internet en Coopération, http://www.afnic.fr/
(**) http://www.faites-vous-un-nom.fr/

Interview réalisée par Isabelle Pottier, avocat.

Parue dans la JTIT n°51/2006 p.10

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