L’interdiction du magnétoscope numérique en ligne

Propriété intellectuelle

Audiovisuel

L’interdiction du magnétoscope numérique en ligne

Le Tribunal de grande instance de Paris a eu à se prononcer, pour la première fois, sur la licéité d’un service d’enregistrement d’œuvres audiovisuelles à la demande (1). Ce nouveau service, correspondant à celui d’un magnétoscope numérique en ligne, est exploité par la société Wizzgo, qui, sur son site internet, propose au public, via un logiciel gratuit iWIZZ, l’enregistrement d’œuvres audiovisuelles à choisir parmi les programmes disponibles de la TNT. A la demande de l’intéressé, mais en dehors de toute autorisation des titulaires de droits sur les œuvres en cause, celles-ci sont enregistrées par la société Wizzgo sur ses serveurs. Le fichier est ensuite transmis à l’internaute qui peut, à son tour, le stocker sur son disque-dur. Par une ordonnance de référé du 6 août 2008, le Président du Tribunal de grande instance de Paris a jugé que le fait de permettre une copie d’œuvre sans rétribution des titulaires de droits est illicite.

La société Wizzgo invoquait le bénéfice des exceptions de copie privée et de copie provisoire pour justifier les actes de reproduction effectués dans l’accomplissement du service en cause. Cette défense n’a pas prospéré. Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante (2), ne peuvent bénéficier de l’exception pour copie privée (3) que les copies réalisées par l’usager lui-même, ce qui suppose l’identité entre le copiste et l’usager. Tel n’est pas le cas de la copie effectuée par un prestataire de services sur ses serveurs au bénéfice de l’usager. De plus, la jurisprudence considère que le bénéfice de l’exception de copie privée est subordonné à un accès licite à l’œuvre, ce qui ne serait pas non plus le cas en l’espèce de la reproduction réalisée par l’usager sur son disque-dur, de la copie illicite que lui adresse le prestataire.

L’acte de reproduction du prestataire ne peut pas davantage constituer une exception pour copie provisoire, partie intégrante et essentielle d’un procédé technique, sans valeur économique propre (4), dans la mesure notamment où la copie réalisée par la société Wizzgo ne s’inscrit pas dans une finalité purement technique et qu’elle a bien une valeur économique propre.

Enfin, la communication de l’œuvre copiée à l’usager sans autorisation des ayant-droits constitue une atteinte au monopole de ces derniers, sauf à ce que cette communication s’effectue dans le cadre stricte du cercle de famille (5), ce qui n’est manifestement pas le cas en l’espèce. Mais ce ne sont pas des considérations fondées sur les exceptions au droit d’auteur qui ont conduit le Tribunal à condamner la société Wizzgo. En effet, le Tribunal s’est exclusivement fondé sur des considérations d’ordre économique, retenant notamment le risque de détournement des téléspectateurs et jugeant qu’un tel service « qui n’est pas de l’ordre du don, [et] qui permet la réalisation par son utilisateur d’une copie [d’œuvre,] est illicite quel que soit le montage technologique employé », dans la mesure où il s’agit « de créer et de s’approprier une richesse économique à partir d’un service de copies d’œuvres ou de programmes audiovisuels qui se soustrait à la rémunération des titulaires des droits de propriété intellectuelle ». La société Wizzgo a déclaré interjeter appel de cette décision.

(1) TGI Paris, 6 août 2008
(2) Cass. 1ère civ. 7 mars 1984 et CA Grenoble, 18 janvier 2001
(3) Art. L122-5, 2° du CPI
(4) Art. L122-5, 6° du CPI
(5) Art. L122-5, 1° du CPI

(Mise en ligne Novembre 2008)

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