La controverse des caméras intelligentes ou augmentées

caméras intelligentesCes dernières années, certains directeurs de supermarché ont mis en place un dispositif de caméras intelligentes (ou « augmentées ») dans le but de détecter les vols plus rapidement à partir des caméras de vidéosurveillance.

Un logiciel d’IA est branché au système de vidéosurveillance permettant d’analyser les mouvements des individus dans les rayons d’un supermarché. En cas de comportement suspect, le système alerte.

Les systèmes d’intelligence artificielle en expansion

Ce nouveau système de vidéosurveillance s’inscrit dans la continuité de la création de nouveaux systèmes d’intelligence artificielle.

Depuis la crise sanitaire, l’installation des systèmes de vidéosurveillance dans les lieux publics a particulièrement augmenté. Or, cette collecte d’informations est souvent réalisée sans le consentement de l’individu concerné.

La position de la Cnil

La Cnil a soumis à consultation publique un projet de position visant :

  • la présentation des outils de vidéos « intelligentes » ;
  • les enjeux et les risques pour les droits et libertés des personnes ;
  • la proposition de textes qui pourraient encadrer ce nouveau dispositif.

La consultation a duré 8 semaines et a pris fin le 11 mars 2022.

Elle a publié sa position le 19 juillet 2022, dans le cadre de laquelle elle :

  • établit ce que recouvre la notion de  dispositifs de vidéo augmentée, en l’illustrant par des cas d’usage et expose un état des lieux du marché ;
  • souligne le risque pour les droits et libertés des personnes que le recours à ces technologies génère. Ces dernières peuvent en effet être le support d’une analyse généralisée des personnes. La Cnil souligne notamment que :
    • « les personnes ne sont donc plus seulement filmées par des caméras mais analysées de manière automatisée afin d’en déduire, de façon probabiliste, certaines informations permettant, le cas échéant, une prise de décisions ou de mesures concrètes les concernant » ;
  • expose l’existence de conditions de licéité différenciées en fonction des :
    • objectifs,
    • conditions de mise en œuvre et
    • risques des dispositifs de vidéo « augmentée ». A ce titre elle mentionne le fait que « La mise en œuvre de ces dispositifs nécessitera en principe la réalisation d’une analyse d’impact relative à la protection des données (AIPD), en raison du caractère innovant de cette technologie » ;
  • rappelle que le droit d’opposition doit être garanti à tout moment et effectif. En conséquence, à l’exception des traitement de données à des fins statistiques qui bénéficient d’un régime dérogatoire au droit d’opposition, la Cnil indique que « La plupart des dispositifs nécessitent, pour pouvoir être légalement mis en œuvre, l’existence d’un texte de nature législative ou réglementaire les autorisant ou les encadrant ».

Les usages variables des caméras intelligentes ou « augmentées »

La Cnil identifie un « potentiel de versatilité ». Ce dispositif est issu d’algorithmes des caméras vidéo traditionnelles mais le traitement des données opéré change la nature des informations collectées.

« De tels algorithmes multiplient les capacités des dispositifs vidéo classiques ».

En conséquence, ces nouveaux systèmes permettent d’obtenir instantanément des informations, entraînent une automatisation de l’exploitation des images et une certaine puissance d’analyse qui ne relève pas de la capacité de l’œil humain.

Cette technologie offre de multiples usages dans le secteur :

  • public (pour les missions de police)
  • privé (sécurité des personnes et des biens, analyse de fréquentation de lieux).

Les différents risques existants en matière de droits et libertés des individus

Différent des caméras de surveillance classiques qui captent l’image et l’enregistre pour une certaine durée, le dispositif des caméras dites « intelligentes » traite des données sensibles qui peuvent mener à des prises de décisions ou de mesures.

En d’autres termes, lorsque les dispositifs ont pour objectif ou pour effet une prise de décision ou des conséquences au niveau individuel, le risque direct est assez élevé relevant d’une « intrusivité particulière ».

Les risques variant en fonction de l’utilisation des données traitées.

La nécessaire mise en balance des intérêts

Le droit à la protection des données à caractère personnel n’est pas un droit absolu. Il nécessite une mise en balance avec d’autres droits fondamentaux, conformément au principe de proportionnalité. Il s’agit ici de mettre en balance les droits et libertés des individus et les intérêts du responsable de traitement.

L’utilisation du système de vidéo augmentée peut se justifier s’il n’y a pas de moyens moins intrusifs pour atteindre les finalités envisagées. Que celles-ci soient proportionnées, légitimes et déterminées au regard des droits et libertés des personnes concernées.

La Cnil exclu l’intérêt légitime comme base légale :

« des dispositifs qui analysent le comportement et les émotions des personnes sur la base de la détection de leurs gestes et expressions, ou de leurs interactions avec un objet ».

A défaut évidemment d’un consentement des personnes concernées.

C’est pour cela, afin d’éviter toute atteinte, que le responsable de traitement doit respecter les principes d’information et de transparence envers les personnes concernées.

L’objectif de la Cnil

Les traitements algorithmiques sur lesquels repose la vidéo augmentée, relèvent du cadre général de la réglementation Informatique et libertés. Le régime de la vidéoprotection issu du Code de la sécurité intérieure, n’interdit pas toute utilisation de la vidéo augmentée.

Virginie Bensoussan-Brulé
Raphaël Liotier
Lexing Contentieux numérique

Retour en haut