Vers un marché européen intégré des paiements par carte

marché européen intégré des paiements par carteA la suite de la publication du Livre vert de la Commission européenne le 11 janvier 2012 intitulé « Vers un marché européen intégré des paiements par carte, par internet et par téléphone mobile » (1), le Comité économique et social européen (CESE) et la Fédération bancaire française (FBF) ont pu respectivement s’exprimer à ce sujet, et notamment, s’agissant du CESE, via un avis publié le 15 novembre 2012 (2).

Dans le cadre de la future mise en œuvre de l’espace unique des paiements (Sepa), soit le 1er février 2014, la Commission européenne dresse un bilan des différents moyens de paiement électroniques, c’est-à-dire des paiements par carte bancaire, par internet et par téléphone mobile, qui sont, en plus des virements et des prélèvements, les autres piliers du Sepa.

Afin que le passage au Sepa soit une réussite s’agissant du pilier des paiements électroniques, le pilier des virements et des prélèvements faisant, quant à lui, l’objet d’exigences techniques et commerciales (3), la Commission européenne met en avant les quatre facteurs qui, selon elle, permettraient des retombées positives pour une plus grande intégration des marchés, c’est à dire :

  • une concurrence accrue ;
  • davantage de choix et de transparence pour les consommateurs ;
  • une innovation renforcée ;
  • une sécurité de paiement accrue et des clients plus confiants.

Remarques et recommandations du CESE et de la FBF. Le CESE et la FBF ont tous les deux fait part de leurs remarques quant aux positions adoptées par la Commission européenne et ont pu formuler des recommandations. Dans son avis, le CESE se félicite de l’initiative de la Commission européenne de vouloir créer « des conditions propices à un environnement sûr, transparent et innovant pour les paiements dans toute l’UE ». La FBF, quant à elle, souligne que l’initiative de la Commission européenne vise à doter le marché européen intégré des paiements par carte et ainsi à compléter le travail entrepris par les banques depuis 2002.

Diminuer l’utilisation des espèces pour favoriser les moyens de paiement électroniques. S’agissant tout d’abord de l’encouragement à utiliser les moyens de paiement électroniques et notamment la carte bancaire, le CESE soutient la Commission européenne dans cette voie et souhaite que l’utilisation des espèces diminue.

Pour le CESE, l’utilisation aussi importante des espèces s’explique par le fait que les consommateurs ne connaissent pas les frais qui résultent de leur utilisation et qu’ils ont l’impression que ce moyen de paiement n’en génère aucun. C’est pourquoi, le CESE appelle à une transparence des frais, d’une part, pour que le consommateur soit mieux informé et qu’il fasse un choix raisonné grâce aux statistiques que les superviseurs nationaux sont appelés à publier, et d’autre part, pour que l’économie souterraine diminue.

Sur ce point, la FBF mentionne que si la transparence des coûts devait être retenue comme étant le critère principal au moment du choix du consommateur entre divers moyens de paiement, il conviendrait que cette transparence s’applique à tous les moyens de paiements et donc également aux espèces et aux cartes privatives. Or, la FBF souligne que la Commission européenne n’a jamais fait part du coût de l’utilisation des espèces, et ce, alors même qu’elle a lancé une étude à ce sujet il y a quelques années.

Commission d’interchange. Concernant l’utilisation de la carte bancaire, le CESE souligne que les commissions d’interchange pratiquées de manière hétérogène au niveau européen entravent l’essor des paiements électroniques. C’est pourquoi, le CESE mentionne qu’il ne devrait y avoir aucune différenciation des commissions, conformément aux objectifs du Sepa, ni d’autres exigences entre les opérateurs nationaux et les opérateurs transfrontières.

Normalisation et interopérabilité. En outre, concernant l’écosystème des cartes, ce dernier est marqué par son hétérogénéité au niveau européen, qui résulte, notamment, d’un manque de normalisation et d’interopérabilité. C’est pourquoi, le CESE encourage le secteur privé et les opérateurs concernés à s’organiser pour formuler rapidement des propositions vers un marché européen intégré des paiements par carte.

Sécurité et fraude. S’agissant de la fraude relative aux paiements sur internet, le CESE est d’avis à ce que des mesures de sécurité supplémentaires soient prises. Cependant, il rappelle l’importance de la neutralité de ces mesures, d’un point de vue technologique, si ces dernières devaient être proposées par les pouvoirs publics. A ce sujet, la FBF rappelle la hausse de la fraude relative aux paiements à distance, et notamment la fraude relative à la carte bancaire, et souligne que pour être efficaces, les mesures de sécurité doivent être globales.

A ce titre, la FBF fait mention des recommandations émanant du Forum européen sur la sécurité des paiements de détail, le SecuRePay, et souligne en particulier le fait que la généralisation de l’authentification non rejouable du porteur, soit le 3D –Secure, soit encouragée en fonction du risque de la solution afin d’éviter tout alourdissement inutile de la transaction.

De plus, la FBF rejoint l’avis du CESE et mentionne que les prestataires de services de paiement doivent rester libres de choisir les solutions techniques et plus généralement la façon d’atteindre les objectifs fixés par les autorités compétentes.

Paiements mobiles. Par ailleurs, s’agissant des paiements mobiles, le CESE met en garde la Commission européenne afin que les paiements mobiles respectent les principes d’un accès ouvert aux plates-formes, la portabilité des applications et la sécurité et qu’il n’y ait pas de duplication des coûts pour les opérateurs qui accepteraient le paiement mobile.

Nouveaux entrants dans le marché européen intégré des paiements par carte. Selon la Commission européenne, une plus grande concurrence favoriserait la venue de nouveaux entrants des Etats-membres. Cela aurait pour conséquence de baisser les coûts et les prix des services de paiement et d’atténuer la domination des deux systèmes de cartes internationales existants, c’est-à-dire les systèmes Visa et Mastercard.

A ce sujet, la FBF s’interroge sur le fait de savoir si l’objectif de la Commission européenne est de limiter le développement de Visa et de MasterCard. De plus, la FBF souligne que la Commission européenne ne démontre pas en quoi ces deux réseaux dominent le marché européen intégré des paiements par carte ni en quoi l’arrivée de nouveaux entrants entrainera la baisse des coûts et des prix.

Pour illustrer son propos, la FBF fait référence à l’arrivée de l’acteur Paypal et au fait que les coûts associés pour les utilisateurs sont supérieurs à ceux de la carte. La FBF en conclut que, pour elle, le prix n’est pas le seul critère de choix des utilisateurs et que la facilité d’utilisation, la sécurité, la flexibilité, la confiance et la nouveauté sont également à prendre en compte.

Accès aux informations bancaires par des acteurs non-bancaires. Par ailleurs, le CESE revient sur la possibilité avancée par la Commission de modifier le cadre juridique actuel et souligne le risque que cela ferait peser sur les systèmes de paiement existants si les prestataires de service de paiement et en particulier les établissements de paiement et de monnaie électronique venaient à accéder aux systèmes de paiement.

Le CESE rappelle que concernant l’accès à l’information sur la disponibilité des fonds sur les comptes bancaires, il convient de veiller à ce que les entités qui pourraient y avoir accès fassent l’objet d’une réglementation et d’un contrôle correspondant à leur profil de risque afin que la sécurité et la protection des données à caractère personnel soient assurées.

Le CESE ajoute que le cadre juridique européen doit indiquer clairement les obligations et les responsabilités des opérateurs concernés. Sur ce point, la FBF partage l’avis du CESE et conteste l’idée émise par la Commission européenne selon laquelle les banques seraient de simples « instances d’hébergement des comptes bancaires » assurant une fonction de « passerelle » avec d’autres acteurs non bancaires.

Pour la FBF, cela ne serait pas possible. Elle rappelle à ce sujet que le droit bancaire vise à protéger les intérêts privés d’une personne et que le banquier est garant de la protection des données personnelles, ce à quoi ces acteurs non bancaires ne sont pas soumis. Par conséquent, cette possibilité n’aurait pour conséquence que de remettre en cause la confiance des utilisateurs dans l’utilisation de moyens de paiement électroniques.

Gouvernance Sepa. Concernant la mise en œuvre du Sepa, le CESE soutient la volonté de confier son contrôle au Conseil Sepa.

L’ensemble de ces mesures et leur mise en œuvre permettraient alors de former le socle de services de paiement plus sûrs et plus intégrés et de permettre le renforcement de la sécurité des paiements et la confiance des consommateurs dans ces moyens de paiement électroniques. Pour finir ce tour d’horizon du marché européen intégré des paiements par carte, il convient de mentionner que le Parlement européen a adopté une proposition de résolution qu’il a transmis au Conseil, à la Commission et à l’ensemble des parlements nationaux le 20 novembre 2012.

Lexing Alain Bensoussan Avocats
Lexing Droit Banque électronique

(1) Livre vert Commission Européenne paiement carte internet téléphone mobile
(2) Avis CESE du 15-11-2012 sur le livre vert du marché européen intégré des paiements par carte, par internet et par téléphone mobile.
(3) Règlement UE n°260-2012 du 14-03-2012

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