Marque et appellation géographique : la justice donne raison à Nestlé

La justice donne raison à Nestlé, la marque Perrier n’est pas associée à son lieu historique de production. C’est peut être la fin de la bataille judiciaire opposant la société Nestlé à la commune de Vergèze. Après six ans de procédure autour du nom de la Source Perrier, la Cour administrative d’appel de Marseille vient de donner gain de cause au Géant de l’Agro-alimentaire (1).

Par une délibération en date du 25 octobre 2006, le conseil municipal de la commune de Vergèze a modifié la dénomination du lieu-dit « Les Bouillens » en « Source Perrier – Les Bouillens ». En changeant de nom, la commune entendait ainsi rattacher la marque Perrier à son lieu de production et empêcher le Groupe Nestlé de délocaliser sa production.

Les sociétés du Groupe Nestlé, propriétaires de la marque commerciale  » Source Perrier « , exploitantes de la source, et propriétaires d’un terrain situé au lieu-dit  » Les Bouillens  » sur lequel est implantée l’usine d’embouteillage de l’eau minérale naturelle de marque Perrier, contestaient devant le tribunal administratif de Nîmes ladite délibération.

Les requérantes soutenaient que contrairement à d’autres sources, Perrier n’est pas le nom d’un lieu de production, mais le nom de celui qui eut l’idée d’embouteiller l’eau de source en 1898. Elles seraient ainsi libres de produire ailleurs, à partir d’autres sources minérales gazeuses. La décision municipale constituerait donc une expropriation, une entrave à la liberté d’entreprendre.

Par jugement du 11 janvier 2008, le tribunal administratif rejetait le recours pour excès de pouvoir formé par les sociétés Nestlé, considérant que la délibération par laquelle un conseil municipal entend modifier la dénomination d’un lieu-dit ne constitue pas une décision administrative. Par un arrêt du 10 décembre 2009 (2), la Cour annulait le jugement et la délibération contestés, au motif que la délibération municipale avait été prise par une autorité incompétente.

Par une décision rendue le 26 mars 2012 sur pourvoi de la commune de Vergèze (3), le Conseil d’Etat annule l’arrêt précité au motif que la Cour avait commis une erreur de droit en jugeant que la délibération du conseil municipal de Vergèze était entachée d’incompétence, sans rechercher si un intérêt public communal permettait au conseil municipal de procéder au changement de dénomination du lieu-dit situé sur le territoire de la commune sur le fondement des dispositions de l’article L.2121-29 du code général des collectivités territoriales, et a renvoyé l’affaire devant la Cour.

Par un arrêt du 14 février 2013, suivant les réquisitions du Rapporteur Public, la Cour administrative d’appel de Marseille met un terme au litige. Elle retient que le conseil municipal est compétent pour modifier le nom du lieu-dit « Les Bouillens » en « Source Perrier – Les Bouillens ». En effet, la Cour considère qu’il existe un « intérêt public local » à cette délibération municipale, notamment sur le plan économique.

A ce titre, elle relève notamment que « la source qui jaillit au lieu-dit « Les Bouillens » sur le territoire de la commune de Vergèze, eu égard à l’exploitation commerciale qui en a été faite depuis la fin du XIXème siècle à l’initiative du docteur Perrier qui en était alors propriétaire, constitue un élément fort du patrimoine historique et touristique de la commune. Dès lors, l’inscription dans la toponymie locale du nom sous lequel la source est aujourd’hui connue présente un intérêt public pour la commune de Vergèze ».

Toutefois, la preuve du respect des formalités légales de convocation aux réunions du conseil municipal n’étant pas rapportée, la Cour Administrative d’Appel annule la délibération municipale pour vice de forme. Le nom lieu-dit “Les Bouillens” ne sera donc pas modifié. Et la marque Perrier ne sera pas associée à son lieu historique de production.

Virginie Brunot,
Marine Delaporte
Lexing Droit des marques

(1) CAA Marseille 5e ch. n° 12MA01402 14 02 2013, Nestle Commune de Vergeze
(2) CAA Marseille n°08MA01766 10 12 2009, Nestlé Commune de Vergèze
(3) Conseil d’Etat n°336459 26 03 2012, Nestlé Commune de Vergèze

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