Nouveau régime fiscal des produits de la propriété industrielle

Les gains et produits tirés de la cession, concession ou sous-concession d’un brevet ou des droits de propriété industrielle assimilés bénéficiaient jusqu’alors, sous certaines conditions, d’un taux d’imposition réduit de 15% pour les entreprises soumises à l’impôt sur les sociétés et de 12,8% (majoré des prélèvements sociaux) pour celles relevant de l’impôt sur le revenu.

Cette taxation au taux réduit bénéficiait également aux produits tirés de la cession ou de la concession de logiciels originaux dont l’auteur est une personne physique (CGI, art. 93 quater, I).

La loi de finances pour 2019 a profondément modifié le régime d’imposition de ces revenus, en reprenant sous le nouvel article 238 du CGI (l’ancien article 39 terdecies, 1, du CGI étant désormais supprimé) l’approche « nexus » recommandée par l’OCDE et l’UE (L. 2018-1317 du 28-12-2018, art. 37).

En cas d’option à ce nouveau régime, le taux d’imposition applicable, à compter du 1er janvier 2019, est réduit à 10% que l’entreprise soit passible de l’impôt sur les sociétés ou relève de l’impôt sur le revenu, mais sur une nouvelle méthode de calcul de la base imposable.

Ce nouveau régime est, également, applicable aux logiciels protégés par le droit d’auteur ce qui impliquera de pouvoir démontrer que le logiciel en cause est « nouveau, non évident et utile », sachant que le bénéfice de l’ancien régime qui bénéficiait jusqu’alors aux seules personnes physiques a été étendu aux entreprises.

Les actifs éligibles au nouveau régime d’imposition des produits de la propriété industrielle

Le nouveau dispositif qui s’applique aux revenus nets des éléments d’actifs incorporels immobilisés, concerne les actifs suivants :

  • les brevets, les certificats d’utilité et les certificats complémentaires de protection rattachés à un brevet ;
  • les certificats d’obtention végétale ;
  • les logiciels protégés par le droit d’auteur ;
  • les procédés de fabrication industriels qui constituent le résultat d’opérations de recherche, qui sont l’accessoire indispensable de l’exploitation d’un brevet, d’un certificat d’utilité et d’un certificat complémentaire de protection rattachés à un brevet et qui font l’objet d’une licence d’exploitation unique avec l’invention ;
  • les inventions dont la brevetabilité a été certifiée par l’INPI sous réserve que le chiffre d’affaires mondial du groupe auquel appartient l’entreprise n’excède pas 50 millions d’euros et que les revenus bruts issus de la totalité des actifs incorporels constitués par des brevets, des certificats d’utilité et des certificats complémentaires de protection rattachés à un brevet ne dépassent pas 7,5 millions d’euros par an, en moyenne sur les cinq derniers exercices.

Le caractère optionnel du nouveau régime d’imposition des produits de la propriété industrielle

Ce nouveau dispositif est un régime optionnel en ce qu’il permet aux entreprises :

  • de délimiter elles-mêmes le périmètre de l’option, pour chaque actif, bien ou service ou famille de biens ou services concerné ;
  • de choisir la date à laquelle ce nouveau régime s’appliquera.

A défaut d’option a ce nouveau régime, les produits sont alors taxés au taux de droit commun et ne bénéficie pas du taux réduit de 10%.

Le nouveau régime d’imposition des produits de la propriété industrielle

De façon synthétique, ce nouveau régime consiste :

  • à déduire, dans un premier temps, des produits de cession, concession et sous-concession de la propriété industrielle les dépenses de recherche et développement correspondantes (résultat net) ;
  • à appliquer, dans un deuxième temps, à ce résultat net tiré de l’actif incorporel en cause le ratio nexus qui correspond au rapport entre les dépenses éligibles et les dépenses totales :
  • et, à soumettre, dans un troisième temps, le résultat net ainsi déterminé au taux réduit de 10%, que l’entreprise soit passible de l’impôt sur les sociétés ou relève de l’impôt sur le revenu.

Ces nouvelles modalités s’appliquent, dans les mêmes conditions en cas de concession ou de sous-concession d’un actif éligible.

En revanche, pour les produits de cession, l’application de ce nouveau régime demeure soumise à la condition que l’actif incorporel en cause n’ait pas été acquis depuis moins de deux ans et que la cession n’ait pas lieu entre deux entreprises liées.

Etape n°1 : détermination du résultat net de l’actif éligible

Sous l’ancien régime d’imposition, seules les dépenses de gestion étaient imputées aux revenus bruts pour la détermination du résultat net imposable au taux réduit.

Désormais, le résultat net est déterminé par différence entre les revenus, acquis au cours de l’exercice, tirés des actifs éligibles et les dépenses de recherche et de développement qui se rattachent directement à ces actifs et réalisées, directement ou indirectement (confiées à des prestataires extérieurs) par l’entreprise, au cours du même exercice.

Toutefois, au titre du premier exercice pour lequel le résultat net est calculé, celui-ci pourra être diminué de l’ensemble des dépenses de recherche antérieurement engagées à compter de la date d’option au nouveau régime et directement liées à la création, l’acquisition et le développement de l’actif éligible.

Si le résultat net ainsi déterminé est négatif, il sera imputé sur les résultats nets du même actif, du même bien ou service ou de la même famille de biens ou services réalisés au cours des exercices suivants.

Etape n°2 : détermination du ratio nexus

Le résultat net déterminé à l’issue de l’étape n°1 doit ensuite être multiplié par le rapport existant entre :

  • au numérateur, 130% des dépenses de recherche et de développement en lien direct avec la création et le développement de l’actif incorporel réalisées directement par l’entreprise ou par des entreprises sans lien de dépendance avec elle ;
  • au dénominateur, l’intégralité des dépenses de recherche et de développement ou d’acquisition en lien direct avec la création, l’acquisition et le développement de l’actif incorporel et réalisées directement ou indirectement par l’entreprise.

Le rapport ainsi obtenu est arrondi au nombre entier supérieur et ne peut pas excéder 100%.

Ce rapport est calculé au titre de chaque exercice et tient compte des dépenses réalisées par l’entreprise au titre de cet exercice ainsi que de celles réalisées au titre des exercices antérieurs.

Toutefois, l’entreprise, au titre des dépenses réalisées au cours des exercices antérieurs, peut ne tenir compte que de celles réalisées au titre des exercices ouverts à compter du 1er janvier 2019.

En raison de circonstances exceptionnelles et après obtention d’un agrément, l’entreprise peut substituer au ratio nexus un rapport de remplacement représentant la proportion de la valeur de l’actif éligible effectivement attribuable aux activités de recherche et développement réalisées directement par l’entreprise ou par des entreprises sans lien de dépendance avec elle.

Cet agrément, qui est valable pour une période de cinq exercices à condition de satisfaire aux deux conditions ci-après à la clôture de chacun des exercices concernés, est délivré lorsque :

  • le ratio nexus est supérieur à 32,5% ;
  • le rapport de remplacement est significativement supérieur au ratio nexus du fait de circonstances exceptionnelles indépendantes de la volonté de l’entreprise.

Etape n°3 : application du taux réduit de 10%

Après application du ration nexus (ou du rapport de remplacement) au résultat net tiré de l’actif incorporel, le résultat ainsi déterminé ne relève plus du régime des plus-values à long terme comme précédemment mais est soumis au taux réduit de 10% que l’entreprise soit passible de l’impôt sur les sociétés ou relève de l’impôt sur le revenu.

Pour les inventeurs personnes physiques, ceux-ci ne sont pas concernés par le nouveau mode de calcul des étapes 1 et 2 mais bénéficient du nouveau taux réduit de 10%.

Les obligations déclaratives

L’option à ce nouveau régime est formulée pour chaque actif, bien ou service ou famille de biens ou de services dans la déclaration de résultat de l’exercice au titre duquel l’option est exercée.

Une annexe jointe à la déclaration de résultat détaille, pour chaque actif, bien ou service ou service ou famille de biens ou services, les calculs réalisés pour l’étape 1 et 2 ci-dessus

Cette annexe doit faire apparaitre distinctement la liste des inventions dont la brevetabilité a été certifiée par l’INPI ainsi que la somme des résultats nets issus de cette catégorie d’actifs.

Le cas échéant, cette annexe doit faire apparaitre distinctement la liste des actifs pour lesquels le résultat net imposé a été calculé en faisant usage du rapport de remplacement aux lieu et place du ratio nexus et la somme des résultats nets issus de cette catégorie d’actifs.

L’entreprise qui cesse d’appliquer ce nouveau régime au titre d’un exercice donné en perd définitivement le bénéfice pour chaque actif, bien ou service ou famille de biens ou services concerné.

Pierre-Yves Fagot
Lexing Droit de l’entreprise

Retour en haut