PARL DU 27 02 2008

WIPO Centre d’arbitrage et de médiation de l’OMPI

Société Transvoie contre Monsieur Frédéric L.
Transmission au profit du Requérant du nom de domaine

DÉCISION DE L’EXPERT

Société Transvoie contre Monsieur Frédéric L.

Litige n° DFR2007-0061

1. Les Parties

Le Requérant est Transavoie, société anonyme à conseil d’administration, dont le siège est situé à Chambéry, France, représenté par DS Avocats, Paris, France.

Le Défendeur est Frédéric L., Paris, France.

2. Nom de domaine et prestataire Internet

Le litige concerne le nom de domaine enregistré le 16 mai 2007.

Le prestataire Internet est la société EuroDNS S.A.

3. Rappel de la procédure

Une demande déposée par le Requérant auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci après désigné le “Centre”) a été reçue le 28 décembre 2007, par courrier électronique et le 9 janvier 2008, par courrier postal.

Le 31 décembre 2007, le Centre a adressé à l’Association Française pour le Nommage Internet en Coopération (ci après l’“Afnic”) une demande aux fins de vérification des éléments du litige et de gel des opérations.

Le 2 janvier 2008, l’Afnic a confirmé l’ensemble des données du litige.

Le Centre a vérifié que la demande répond bien au Règlement sur la procédure alternative de résolution des litiges du “.fr” et du “.re” par décision technique (ci après le “Règlement”) en vigueur depuis le 11 mai 2004, et applicable à l’ensemble des noms de domaine du “.fr” et du “.re” conformément à la Charte de nommage de l’Afnic (ci après la “Charte”).

Conformément à l’article 14(c) du Règlement, une notification de la demande, valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au Défendeur le 10 janvier 2008. L’envoi électronique ayant échoué en raison d’une erreur dans l’adresse électronique du Défendeur, cette notification lui a été adressée le 1er février 2008 à son adresse électronique corrigée. L’envoi postal a quant à lui été réceptionné par le Défendeur le 16 janvier 2008. Le Défendeur n’ayant adressé aucune réponse, le Centre a notifié le défaut du Défendeur en date du 7 février 2008.

Le 13 février 2008, le Centre nommait Alain Bensoussan comme Expert dans le présent litige. L’Expert constate qu’il a été nommé conformément au Règlement. L’Expert a adressé au Centre une déclaration d’acceptation et une déclaration d’impartialité et d’indépendance, conformément à l’article 4 du Règlement.

4. Les faits

Le Requérant, la société Transavoie, intervient dans le transport à destination et en provenance de différentes stations de ski des Alpes françaises. Dans le cadre de cette activité, il a enregistré le nom de domaine en 1999 et déposé la marque française ALTIBUS en 2000.

Le Défendeur a enregistré le nom de domaine en mai 2007 et l’exploite pour présenter des liens commerciaux concernant les services de transport et de tourisme en montagne.

5. Argumentation des parties

A. Requérant

Le Requérant expose être titulaire des droits sur la dénomination “altibus” au titre de :

  • la marque française verbale ALTIBUS n° 00 3 036 771 déposée le 26 juin 2000 en classes 12, 38, 39 et 41 notamment pour désigner les services de “transport” (la marque est enregistrée le 8 décembre 2000);
  • le nom de domaine enregistré le 26 octobre 1999.

Le Requérant a constaté que le nom de domaine avait été enregistré et qu’il était exploité en relation avec des services identiques à son activité.

Après avoir obtenu communication des coordonnées du titulaire du nom de domaine , le Requérant a adressé au Défendeur une mise en demeure le 21 septembre 2007 de supprimer ou de lui transmettre le nom de domaine, restée vaine. Le Requérant a donc initié la présente procédure.

Le Requérant fait valoir que le nom de domaine reproduit à l’identique la dénomination sur laquelle il jouit de droits pour des services identiques, générant ainsi un risque de confusion.

Il en conclut que l’enregistrement et l’exploitation du nom de domaine constituent des actes de contrefaçon de sa marque et une atteinte à ses droits sur le nom de domaine .

Le Requérant souligne la mauvaise foi du Défendeur qui ne pouvait ignorer ses droits et a ainsi cherché à détourner les internautes en tirant indûment profit de la connaissance de la dénomination “altibus”.

Le Requérant considère en conséquence que l’enregistrement et l’utilisation du nom de domaine constituent une atteinte à ses droits de propriété intellectuelle et caractérisent un comportement déloyal et fautif de la part du Défendeur.

Le Requérant sollicite la transmission du nom de domaine à son profit.

B. Défendeur

Le Défendeur n’a adressé aucune réponse au Centre.

6. Discussion

L’Expert rappelle que, conformément à l’article 20(c) du Règlement, il “fait droit à la demande lorsque l’enregistrement ou l’utilisation du nom de domaine par le défendeur constitue une atteinte aux droits des tiers telle que définie à l’article 1 du présent règlement et au sein de la Charte et, si la mesure de réparation demandée est la transmission du nom de domaine, lorsque le requérant a justifié de ses droits sur l’élément objet de ladite atteinte et sous réserve de sa conformité avec la Charte”.

L’article 1 du Règlement dispose que l’on entend par “atteinte aux droits des tiers, au titre de la Charte, une atteinte aux droits des tiers protégés en France et en particulier à la propriété intellectuelle (propriété littéraire et artistique et/ou propriété industrielle), aux règles de la concurrence et du comportement loyal en matière commerciale et au droit au nom, au prénom ou au pseudonyme d’une personne”.

L’Expert doit vérifier, au vu des arguments et pièces soumis par le Requérant, que l’enregistrement et/ou l’utilisation du nom de domaine par le Défendeur portent atteinte aux droits du Requérant au titre de ses marques et de ses noms de domaine, ainsi qu’aux règles de la concurrence et du comportement loyal en matière commerciale. Il doit également s’assurer que le Requérant, qui sollicite la transmission du nom de domaine à son profit, justifie de droits sur cette dénomination, en conformité avec la charte.

A. Enregistrement ou utilisation du nom de domaine litigieux en violation des droits des tiers et des règles de la concurrence et du comportement loyal en matière commerciale

(i) Atteinte aux droits de marque

L’Expert doit s’attacher à comparer les signes en présence et les produits et services qu’ils désignent, afin de déterminer s’il existe une atteinte aux droits du Requérant sur sa marque et son nom de domaine.

L’adjonction de l’extension “.fr” ou “.com” est une contrainte technique; elle n’est pas pertinente dans la comparaison des signes.

L’Expert déduit donc l’identité du nom de domaine enregistré par le Défendeur avec la marque ALTIBUS et le nom de domaine du Requérant.

L’Expert constate que la marque ALTIBUS est protégée pour les services de transport et que le nom de domaine est exploité pour présenter les transports par car offerts par le Requérant.

Or, le nom de domaine est exploité pour un site en français qui comprend des liens commerciaux en rapport notamment avec le domaine des transports aériens et propose à l’internaute une “recherche apparentée” à partir de la dénomination “Baby bus”.

L’Expert considère que les services désignés par ces différents signes sont identiques.

Ayant constaté l’identité des signes et l’identité des services désignés, l’Expert relève que l’exploitation du nom de domaine constitue une contrefaçon de la marque ALTIBUS sur le fondement de l’article L. 713 2 du Code de la Propriété Intellectuelle.

Pour ces mêmes raisons, l’Expert conclut qu’il existe un risque de confusion entre les noms de domaine et .

Dès lors, l’Expert estime que l’utilisation du nom de domaine génère un risque de confusion et constitue donc une atteinte aux droits du Requérant.

(ii) Atteinte aux règles de la concurrence et du comportement loyal en matière commerciale

En l’absence de toute réponse du Défendeur, l’Expert estime que le Défendeur ne justifie d’aucun droit ni intérêt légitime sur la dénomination “altibus”.

Dans ces conditions, le choix d’un néologisme tel que la dénomination “altibus” ne semble pas être le fruit du hasard et incite l’Expert à penser que le Défendeur avait connaissance des droits du Requérant lorsqu’il a procédé à l’enregistrement du nom de domaine .

En outre, le Défendeur tire indûment profit des investissements du Requérant pour faire connaître ses services, en réalisant des gains à partir des clics effectués par les internautes recherchant les services du Requérant sur les liens commerciaux présentés sur le site “www.altibus.fr”. La passivité du Défendeur face à la mise à demeure reçue du Requérant lui a d’ailleurs permis de bénéficier de cette exploitation purement commerciale du nom de domaine jusqu’à ce jour.

Dans ces conditions, l’Expert considère que le Défendeur a violé les règles de la concurrence et du comportement loyal en matière commerciale, en enregistrant et en utilisant le nom de domaine .

B. Justification des droits du Requérant

Au regard des différentes pièces produites par le Requérant, l’Expert estime qu’il a suffisamment justifié de ses droits sur la dénomination “altibus” au titre de sa marque ALTIBUS et de son nom de domaine .

Il fait donc droit à sa demande.

7. Décision

Conformément aux articles 20(b) et (c) du Règlement, l’Expert ordonne la transmission au profit du Requérant du nom de domaine .

Alain Bensoussan
Expert

Le 27 février 2008

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