Photographies et marchés publics : juge compétent

Photographies et marchés publics : juge compétentPhotographies et marchés publics – Par deux arrêts du 7 juillet 2014 (1), le Tribunal des conflits a décidé qu’en application de l’article L. 331-1 du Code de la propriété intellectuelle, le juge judiciaire demeure exclusivement compétent pour connaître des litiges portant sur la propriété littéraire et artistique et ce, nonobstant la présence d’un marché public en cours.

En l’espèce, un photographe avait conclu un contrat de cession de droits de reproduction et diffusion des photographies avec le département de Meurthe-et-Moselle. Estimant que ce dernier et la maison départementale des personnes handicapées avaient exploité des photographies sur lesquels il n’avait pas cédé de droit et en avait diffusé d’autres sans mentionner qu’il en était l’auteur, le photographe avait engagé une action en justice à leur encontre devant le tribunal administratif de Nancy.

Le Conseil d’Etat, saisi d’un pourvoi formé à l’encontre du jugement en première instance, a renvoyé l’affaire au Tribunal des conflits sur la question de savoir si le litige relevait ou non de la compétence du juge administratif.

Les tribunaux de grande instance exclusivement compétents. L’article L. 331-1 du Code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction issue de la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d’amélioration de la qualité du droit dispose :

« Les actions civiles et les demandes relatives à la propriété littéraire et artistique, y compris lorsqu’elles portent également sur une question connexe de concurrence déloyale, sont exclusivement portées devant des tribunaux de grande instance, déterminés par voie réglementaire. »

A ce jour, 9 tribunaux de grande instance ont été désignés pour connaître des actions en matière de propriété littéraire et artistique (notamment les photographies), de dessins et modèles, de marques et d’indications géographiques, à savoir, les tribunaux de grande instance de Bordeaux, Lille, Lyon, Marseille, Nanterre, Nancy, Paris, Rennes et Fort-de-France (2).

Dérogation à la loi MURCEF – S’agissant des marchés publics, l’article 2 de la loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001 portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier (dite « loi MURCEF ») dispose que « les marchés passés en application du code des marchés publics ont le caractère de contrats administratifs », attribuant implicitement la compétence pour connaître des litiges survenant dans le cadre des marchés publics au juge administratif.

Mais le Tribunal des conflits considère que l’article L. 331-1 du Code de la propriété intellectuelle précité déroge au principe de la compétence du juge administratif posé par la loi MURCEF, de sorte que « la recherche de la responsabilité contractuelle des personnes morales de droit public en matière de propriété littéraire et artistique relève (…) de la compétence des juridictions de l’ordre judiciaire. »

Dérogation au droit commun – De même, s’agissant de la responsabilité des personnes publiques en raison des dommages imputés à ses services publics administratifs, cette dernière est soumise à un régime de droit public relevant des juridictions administratives (3).

Le Tribunal des conflits confirme cependant qu’en présence de la disposition législative expresse attribuant la compétence exclusive au juge judiciaire en matière de propriété littéraire et artistique, « la recherche d’une responsabilité fondée sur la méconnaissance par ces derniers de droits en matière de propriété littéraire et artistique relève, (…), de la compétence des juridictions de l’ordre judiciaire.»

Le « bloc de compétence » du juge judiciaire – Cette jurisprudence a pour effet d’aligner les règles de répartition de compétence applicables en matière de propriété littéraire et artistique à celles applicables en matière de dessins et modèles. En effet, par un arrêt du 2 mai 2011, le Tribunal des conflits avait décidé que le juge judiciaire était seul compétent en matière de contrefaçon des dessins et modèles, même dans l’hypothèse où cette contrefaçon était imputée aux personnes morales de droit publique.

Quant aux marques et brevets, la compétence du juge judiciaire résultant dès l’entrée en vigueur des lois du 31 décembre 1964 et du 2 janvier 1968 respectivement est affirmée de longue date par le Tribunal des conflits (4).

Marie Soulez
Viraj Bhide
Lexing Contentieux Propriété intellectuelle

(1) Trib. conflits 07-07-2014, n° 3954 et Trib. conflits 07-07-2014, n°3955.
(2) Code de l’organisation judiciaire, art. D. 211-6-1, art. annexe tableau VI.
(3) Trib. Conflits, 08-02-1873, n° 00012.
(4) Trib. Conflits, 27-06-1988 n°2542 (en matière de marques) et Trib. Conflits, 06-06-1989 (en matière de brevets).

Retour en haut