Pratique commerciale trompeuse : Le Bon Coin condamné

Pratique commerciale trompeuse : Le Bon Coin condamnéLa société exploitante du site internet « www.leboncoin.fr » condamnée pour pratique commerciale trompeuse.

Les faits étaient les suivants : la société Goyard St-Honoré, célèbre malletier français de luxe, a constaté la mise en ligne de petites annonces proposant ouvertement la vente d’imitations de ses produits.

Les annonces ne laissaient aucun doute quant à la nature des produits vendus : « pochette Goyard fausse », pochette et porte passeport « imités parfaitement » ou encore « sac inspi Goyard ».

Après deux lettres de mise en demeure et des signalements de contenus illicites restés sans effet, la société Goyard St-Honoré a assigné la société LBC pour pratique commerciale trompeuse, de la contrefaçon de ses marques et de l’atteinte à sa dénomination sociale, son enseigne et son nom de domaine.

Le tribunal a considéré que la société LBC avait commis une pratique commerciale trompeuse de nature à induire le consommateur en erreur sur la portée de son engagement aux motifs :

  • qu’elle alléguait sur son site que « toutes les annonces sont relues avant mise en ligne afin de s’assurer de leur qualité et du respect des règles de diffusion » et que « toute annonce contenant des éléments du texte qui sembleraient contraires aux dispositions légales (…) sera refusée par Le Bon Coin » ;
  • alors qu’elle n’avait manifestement pas procédé à un contrôle préalable concernant les annonces litigieuses et qu’elle n’avait pas supprimé lesdites annonces malgré les signalements effectués par la société Goyard St-Honoré.

Sur le terrain de la contrefaçon de marque et de l’atteinte aux signes distinctifs, le tribunal a, sur le fondement de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN) et des arrêts de la CJUE Google et L’Oréal , qualifié la société LBC d’hébergeur de contenus de tiers, ne jouant qu’un rôle d’intermédiaire, non rémunéré, entre les particuliers.

Il a débouté la société Goyard St-Honoré de ses demandes considérant que les mises en demeure et les signalements effectués directement sur la plateforme du site ne valaient pas notification au sens de l’article 6-I 5° de la LCEN, ceux-ci ne comprenant pas l’ensemble des conditions requises par ce texte.

Cette décision se situe dans la lignée de la jurisprudence actuelle, initiée par les arrêts rendus par la CJUE dans l’affaire Google, qui semble plus pencher vers la protection des consommateurs que celles des titulaires de marque.

Par ailleurs, le raisonnement du tribunal, s’il est juridiquement fondé, paraît éthiquement injuste. En effet, d’une part, la société LBC est sanctionnée pour n’avoir pas tenu son rôle de modérateur des annonces publiées, ce qui par nature lui confère un rôle actif dans la mise en ligne desdites annonces, alors que, d’autre part, elle est qualifiée d’hébergeur de contenus de tiers, qualification qui sous-tend un rôle d’intermédiaire neutre.

Virginie Brunot
Eve Renaud
Lexing Droit Propriété industrielle

(1) TGI Paris, 4-12-2015, Goyard St-Honoré c/ LBC France.
(2) CJUE, aff. C-236/08, 23-3-2010, Google ; CJUE, aff. C-324/09, 12-7-2011, L’Oréal.

 

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