Le préjudice de perte de chance et la condamnation in solidum

perte de chance et la condamnation in solidum

Cet arrêt évoque les difficultés liées à l’indemnisation du préjudice de perte de chance et la condamnation in solidum qui peut en découler. Il a en effet été jugé qu’en présence d’une condamnation in solidum, le montant du préjudice lié à la perte de chance ne peut correspondre qu’à une fraction du préjudice accordé à la victime et à non à son intégralité.

La perte de chance et la condamnation in solidum : l’affaire en cause

En l’espèce, suite à des difficultés survenues au cours d’une intervention médicale, un patient a assigné, après avoir sollicité une expertise en référé, un praticien, une clinique et son assureur aux fins d’obtenir la réparation de son préjudice.

La clinique a été condamnée à indemniser le patient à raison du préjudice corporel subi par ce dernier lors de l’intervention médicale. Le praticien a, quant à lui, été condamné à indemniser le patient à raison de la perte de chance pour ce dernier de stopper l’infection et ses conséquences. Enfin, faute de garantir la responsabilité civile de cette dernière, l’assureur de la clinique a été mis hors de cause.

Le praticien et la clinique ont été condamnés in solidum par les juges du fond à indemniser le patient.

Or, estimant que « le dommage consécutif à une perte de chance correspond à une fraction des différents chefs de préjudice subis qui est déterminée en mesurant la chance perdue et ne peut être égale aux atteintes corporelles résultant de l’acte médicale », la première chambre civile de la Cour de cassation a censuré la décision des juges du fond (1).

La notion de perte de chance

La notion de perte de chance est définie par la jurisprudence comme la privation d’une potentialité présentant un caractère de probabilité raisonnable et non un caractère certain (2).

Dès lors qu’elle doit être mesurée à la chance perdue, dont le montant est souverainement apprécié par les juges du fond, et ne peut, en aucun cas, être égale à l’avantage qu’aurait procuré cette chance si elle s’était réalisée (3), le préjudice en résultant ne se répare pas intégralement mais se limite à une certaine somme (4).

La perte de chance et la condamnation in solidum : quelle incidence sur l’indemnisation

Cette situation a nécessairement une incidence sur la condamnation in solidum.

L’obligation in solidum permet d’apporter une solution à la victime d’un fait dommageable commis par plusieurs personnes à la fois sans qu’elle soit contrainte de diviser son action entre les divers responsables (5).

Ainsi, lorsque deux débiteurs ont concouru, par leurs fautes respectives, à la réalisation du même dommage, chaque coresponsable est obligé pour le tout, sans considération à l’égard de la victime de leur part de responsabilité à chacun (6).

Or, comment concilier la condamnation in solidum entre deux personnes dont l’une est tenue à réparer un préjudice corporel et l’autre un préjudice lié à la perte de chance ?

La Cour de cassation a répondu à cette question en estimant qu’une condamnation in solidum ne pouvait être prononcée sur l’intégralité du préjudice accordé à la victime mais à concurrence de la partie du préjudice au concours duquel chacun des coresponsables a contribué.

Autrement dit, l’auteur du préjudice lié à la perte de chance ne peut être tenu qu’à l’indemnisation de ce préjudice et à l’intégralité de celui-ci.

Cette décision semble conforme au principe fondamental de la responsabilité civile de la réparation intégrale selon lequel l’indemnisation due par l’auteur d’un dommage doit couvrir tout le dommage mais seulement le dommage (sans qu’il ne résulte ni un appauvrissement, ni un enrichissement de la victime) ; ce dont il résulte l’impossibilité de contraindre son auteur à réparer un préjudice plus important que celui résultant de sa propre faute.

Marie-Adélaïde de Montlivault-Jacquot
Alexandra Massaux
Lexing Contentieux informatique

(1) Cass. 1e civ., 08-2-2017, n°15-21528.
(2) Cass. 3e civ., 07-4-2016, n°15-14888.
(3) Cass. 1e civ., 30-10-2008, n°07-11331.
(4) Cass. 3e civ., 07-4-2016, n°15-11342.
(5) T.Confl, 14-2-2000, n°00-02929.
(6) Cass. com. 4-3-1997 n° 95-10756.

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