Première amende infligée pour abandon de débris spatiaux

débris spatiauxLundi 2 octobre 2023, la Commission américaine des communications (FCC) a infligé une amende de 150 000 dollars (environ 143 000 euros) à un opérateur de satellites pour abandon de débris spatiaux sur une orbite jugée dangereuse (1).

La Commission américaine des communications

L’autorité de régulation américaine (FCC) régule au niveau fédéral à la fois le contenant et le contenu des télécommunications.

En cela, les États-Unis d’Amérique se distinguent de l’Union européenne au sein de laquelle les régulations des communications demeurent substantiellement au niveau des États membres de l’Union. Ainsi, les Etats membres font, généralement, la distinction entre :

  • les institutions de régulation du contenant et
  • les institutions de régulation du contenu.

Par exemple, en France, il existe notamment :

  • l’Arcep qui assure la régulation des secteurs des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse. Elle s’assure ainsi que les dynamiques et intérêts des opérateurs privés se concilient avec les objectifs :
    • de connectivité du territoire,
    • de compétitivité et
    • de concurrence effective et loyale entre les opérateurs, au bénéfice des utilisateurs finals ;
  • l’Arcom qui :
    • attribue les fréquences assignées à l’audiovisuel,
    • garantit la qualité de réception pour le public et des conditions optimales d’utilisation pour les professionnels.

L’Arcom est aussi amenée à intervenir sur des problématiques liées à l’activité des plateformes en ligne en matière notamment de lutte contre la manipulation de l’information ou contre la haine en ligne.

En outre, la FCC se caractérise par une large compétence. Elle impose des principes substantiels aux opérateurs télécoms, comme celui de la « décence », qu’elle contrôle elle-même (2).

L’abandon de débris spatiaux en droit de l’espace

Depuis que le Comité des utilisations pacifiques de l’espace extra-atmosphérique (CUPEEA) a publié son rapport technique sur les débris spatiaux en 1999, on s’accorde à penser que la situation actuelle en matière de débris présente un risque pour les engins spatiaux en orbite autour de la Terre.

A ce titre, en 2003, le Comité de coordination inter institutions sur les débris spatiaux a adopté des directives relatives à la réduction des débris spatiaux (3).

Dans ces directives, il recommande aux organismes souhaitant mettre en œuvre un projet spatial de définir pour chaque programme et projet :

  • un plan de réduction des débris spatiaux qui doit comporter un certain nombre d’éléments dont notamment :
    • un plan concernant l’élimination du système spatial à l’issue de la mission.

Le CUPEEA a bien compris l’intérêt que présenterait une série de lignes directrices qualitatives de haut niveau, bénéficiant d’une acceptation plus large au sein de la communauté spatiale mondiale.

En 2007, le CUPEEA a donc aussi mis au point un ensemble de sept lignes directrices (4). La 7ème ligne directrice porte notamment sur la limitation des perturbations prolongées provoquées par :

  • des engins spatiaux et
  • des étages orbitaux de lanceurs dans la région de l’orbite géosynchrone (5) après la fin de leur mission.

Cette 7ème ligne directrice précise que :

« Les engins spatiaux et étages orbitaux de lanceurs qui ont achevé leurs phases opérationnelles sur des orbites traversant la région de l’orbite géosynchrone devraient être mis sur des orbites telles qu’ils ne provoqueraient pas de perturbations prolongées dans cette région. »

Le contexte technique de l’abandon de débris spatiaux effectué par l’opérateur de satellites

Aux Etats-Unis d’Amérique, selon la section 25.102 du titre 47 du Code des règlements fédéraux :

  • nul ne peut utiliser ou faire fonctionner un appareil de transmission d’énergie, de communications ou de signaux par des stations spatiales ou terrestres,
  • sauf en vertu d’une autorisation appropriée accordée par la Commission.

Or, l’opérateur de satellites n’a pas respecté les exigences de l’autorisation accordée par la Commission concernant son plan de réduction des débris orbitaux. Il n’a pas été en mesure de transférer son satellite, ayant achevé sa phase opérationnelle, dans une orbite ne provoquant pas de perturbations (communément appelée « orbite cimetière »).

En effet, le satellite objet du délit, a été placé en orbite géostationnaire (cas particulier d’orbite géosynchrone) en 2002.

Dix ans après, l’opérateur de satellites a consenti à ce que, une fois sa mission terminée le satellite soit déplacé à une altitude située 300 kilomètres plus haut.

Ainsi, il a pu réduire le risque de collision avec d’autres satellites toujours en service.

Cependant, il s’est rendu compte en 2022 que les réserves de carburant du satellite étaient insuffisantes pour atteindre cette « orbite cimetière ».

Par conséquent, le satellite n’a réussi à atteindre qu’une altitude de 122 kilomètres au-dessus de son altitude opérationnelle. Il n’a pas atteint les 300 kilomètres requis et n’a donc pas rempli les exigences de son autorisation. Ce qui a justifié la sanction infligée par la Commission.

L’accumulation des débris en orbite

L’Agence spatiale européenne a d’ores et déjà dénombré 640 cas de :

  • « ruptures, d’explosions, de collisions ou d’événements anormaux ayant entraîné une fragmentation ».

Quant aux débris, elle en a recensé 36 000 de plus de 10 centimètres, dont 5 000 sont des satellites inactifs. Les plus petits objets, inférieurs au centimètre voire au millimètre, sont quant à eux estimés à 130 millions (6).

L’accumulation des débris en orbite est d’autant plus préoccupante que, quelle que soit leur taille, ils peuvent infliger de graves dégâts ; y compris à des engins spatiaux habités tels que la station spatiale internationale (ISS).

Le Centre national d’études spatiales (CNES) alerte que :

  • « Si rien n’est fait, les portes de l’espace, trop encombrées, pourraient bien se fermer et rendre tout voyage hors de la Terre impossible » (7).

Frédéric Forster,
Carl Buffiere,
Lexing Département télécoms

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Notes :

(1) Voir Le texte de la décision (en anglais)  https://www.fcc.gov/document/fcc-takes- DEBRIS MITIGATION first-space-debris-enforcement-action
(2) Voir à titre d’exemple la sanction de la FCC (en anglais) envers une chaîne de télévision pour avoir afficher du contenu pornographique, quand bien même cet affichage était purement involontaire et que l’image en question était petite et en dehors de la zone de visualisation de l’écran de montage vidéo
(3) Voir les lignes directrices du Comité de coordination inter-institutions sur les débris spatiaux
(4) Voir les lignes directrices du CUPEEA
(5) L’orbite géosynchrone est une orbite géocentrique (orbite autour de la planète Terre) sur laquelle un satellite se déplace dans le même sens que la planète
(6) « Space debris by the numbers »
(7) Extrait du « [DOCU] « ALERTE EN ORBITE : LA MENACE DES DÉBRIS SPATIAUX » (25/05) »

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