Publi-reportage et pratiques commerciales déloyales

²La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a rendu une décision en matière de publi-reportages qui vient préciser le champ d’application de la directive 2005/29/CE du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs. En l’espèce, un éditeur de journal allemand a attaqué l’un de ses concurrents relativement à la publication, par ce dernier, de deux articles en contrepartie d’un parrainage financier de l’annonceur (assimilés à des publi-reportages), sans une mention identifiant clairement leur nature publicitaire, en contravention d’une loi régionale allemande sur la presse.

L’éditeur attaqué a riposté en invoquant la violation, par cette disposition régionale, du droit de l’Union, et en particulier de la directive précitée sur les pratiques commerciales déloyales.

La juridiction allemande a alors posé une question préjudicielle à la CJUE, qui peut être résumée de la façon suivante : les dispositions de la directive 2005/29/CE s’opposent-elles à ladite disposition régionale qui vise non seulement à protéger les consommateurs contre les tromperies, mais également à garantir l’indépendance de la presse, et qui, dès lors, permet à tout concurrent d’exiger le respect de cette disposition ?

Pour y répondre, la Cour s’interroge sur le fait de savoir si les pratiques visées en l’espèce (la publication de contenus rédactionnels par un éditeur de presse) relèvent effectivement du champ d’application de la directive sur les pratiques commerciales trompeuses.

La Cour répond par la négative, cette pratique d’édition n’étant pas susceptible d’être qualifiée de « pratique commerciale » au sens de l’article 2, sous d), de la directive dans la mesure où elle ne vise pas à promouvoir le propre produit de l’éditeur de presse, mais les produits et services d’entreprises tierces (les annonceurs). Dès lors, et même si le point 11 de l’annexe I réprime expressément la pratique du publi-reportage sans indication claire du caractère promotionnel de l’article, celui-ci ne sanctionne que le professionnel qui a financé lui-même la campagne et n’impose pas aux éditeurs l’obligation de faire obstacle aux pratiques commerciales déloyales des annonceurs.

Dans la mesure où la pratique visée ne relève pas du champ d’application de ladite directive, celle-ci doit être interprétée en ce sens qu’elle ne s’oppose pas à la disposition telle que celle visée en l’espèce, imposant aux éditeurs de presse de faire figurer une mention spécifique sur toute publication dans leurs périodiques pour laquelle ils perçoivent une rétribution et pouvant être soulevée par l’éditeur concurrent.

La CJUE relève par ailleurs que la situation d’espèce s’apparenterait plutôt à l’article 10 de la directive 2010/13/UE dites « Services de médias audiovisuels » qui traite des programmes de parrainages de programmes audiovisuels. Néanmoins, celle-ci n’a pas encore d’équivalent pour la presse écrite. Dès lors, « les Etats membres demeurent compétents pour imposer aux éditeurs de presse des obligations tendant à signaler aux lecteurs l’existence de parrainages de contenus rédactionnels, dans le respect toutefois des dispositions du traité, notamment celles relatives à la libre prestation de services et à la liberté d’établissement ».

Céline Avignon
Mathilde Alzamora
Lexing Droit Marketing électronique

CJUE 3e ch. 17-10-2013 aff.  C-391/12

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