Recours pour les victimes de pratiques anticoncurrentielles

victimes de pratiques anticoncurrentiellesUn nouveau cadre juridique permettant d’indemniser les victimes de pratiques anticoncurrentielles a été mis en place en droit français. Il s’agit de l’ordonnance 2017-303 du 9 mars 2017 et du décret n°2017-305 du 9 mars 2017, qui transposent la directive 2014/104/UE, créent un nouveau cadre juridique visant à protéger les entreprises.

Les recours des victimes de pratiques anticoncurrentielles

L’objectif est double : d’une part, faciliter l’indemnisation des entreprises victimes de pratiques anticoncurrentielles qui subissent un préjudice économique et, d’autre part, renforcer l’effet dissuasif du droit de la concurrence.

Depuis 2014, les entreprises victimes de pratiques anticoncurrentielles peuvent saisir les juridictions nationales compétentes afin de demander le paiement de dommages et intérêts aux personnes sanctionnées pour des pratiques anticoncurrentielles.

Toutefois, cette possibilité reste à l’heure actuelle peu utilisée essentiellement à cause de la difficulté, pour les victimes de pratiques anticoncurrentielles, de démontrer la violation du droit de la concurrence par l’entreprise auteur de la pratique illicite.

Consciente de ces difficultés, l’Union européenne a élaboré ce nouveau cadre juridique, entré en vigueur en France le 11 mars 2017, afin notamment d’aménager les règles de preuve.

Aménagement de la preuve

Afin d’accélérer et de simplifier les actions en paiement de dommages et intérêts, le nouveau cadre juridique aménage les règles de preuve relatives aux infractions au droit de la concurrence.

En effet, l’article L.481-2 du Code de commerce dispose qu’une pratique anticoncurrentielle est présumée établie de manière irréfragable à l’égard de l’entreprise fautive dès lors que son existence est constatée par une décision de l’Autorité de la concurrence.

En conséquence, lorsqu’une entreprise est condamnée pour violation du droit de la concurrence par l’Autorité de la concurrence, le juge est lié par cette décision et ne peut donc pas, sauf preuve contraire, aller à son encontre. Le fait générateur ne pourra pas être remis en question.

En revanche, l’ordonnance indique que les décisions de la Commission européenne ne constituent qu’un moyen de preuve de la pratique, sans pour autant avoir la même force probante que les décisions de l’autorité française.

En France, la preuve d’une pratique anticoncurrentielle sanctionnée par l’Autorité de la concurrence, est donc facilitée par le renversement de la charge de la preuve au détriment de l’entreprise auteur de l’infraction ainsi que par le poids de la preuve, présumée irréfragable, qu’il sera impossible de contredire.

Présomption de non-répercussion des coûts

L’une des défenses communément développée par les entreprises soupçonnées d’avoir commis une pratique anticoncurrentielle consiste à indiquer que la ou les entreprises, victimes de pratiques anticoncurrentielles, n’ont pas, en réalité, subi de préjudice puisqu’elles auraient nécessairement répercuté le surcoût dû à la violation du droit de la concurrence sur leurs propres clients.

En d’autres termes, lorsqu’une entreprise compense le surcoût lié à une violation du droit de la concurrence par une augmentation de ses prix sur le marché, les effets de cette pratique s’annulent.

Pourtant, cette pratique de répercussion des surcoûts est, en réalité, peu fréquente. C’est pourquoi, l’article L.481-4 du Code de commerce prévoit une présomption de non-répercussion des surcoûts par l’acheteur direct ou indirect, sauf preuve contraire apportée par le défendeur.

C’est donc au défendeur de démontrer que l’entreprise ayant subi une pratique anticoncurrentielle a effectivement répercuté totalement ou partiellement les effets de cette pratique sur le marché afin d’en compenser les surcoûts.

Ainsi, en complément d’une simplification de la procédure de recours contre l’entreprise fautive, l’ordonnance renforce également la protection des entreprises victimes par un autre renversement de la charge de la preuve.

La protection du secret des affaires

Les informations nécessaires à l’établissement, par la victime, de la preuve du manquement d’une pratique anticoncurrentielle peuvent être, pour partie, des informations relevant du secret des affaires.

Il est donc essentiel de prévoir un équilibre entre, d’une part, les droits des victimes de pratiques anticoncurrentielles et, d’autre part le respect du secret des affaires des auteurs de la pratique illicite.

Les articles L.483-2 et suivants du Code de commerce mettent en œuvre une procédure permettant au juge de prévoir d’office ou sur demande que les débats aient lieu à huis clos dès lors qu’il est fait état que la communication ou la production d’une pièce porte préjudice au secret des affaires.

En outre, le juge peut déroger au principe du contradictoire en limitant la communication ou la production de pièces qui relèveraient du secret des affaires.

Encadrement des procédures de réparation solidaire

En plus d’aménager les règles de preuve, l’ordonnance aménage également les règles régissant la réparation solidaire des entreprises victimes.

Ainsi, l’ordonnance encadre également les relations entre les auteurs de l’infraction lorsque plusieurs personnes ont concouru à la réalisation d’une pratique anticoncurrentielle.

En effet, les articles L.481-9 et suivants du Code de commerce mettent désormais en place une procédure de réparation solidaire des préjudices.

Toutefois, l’ordonnance limite la portée de cette réparation solidaire lorsqu’elle pourrait mettre en péril des TPE/PME, dont la part de marché est inférieure à 5%. Dans cette hypothèse, ces entreprises devront uniquement réparer le préjudice de leurs contractants directs ou indirects.

De même, afin de ne pas décourager les entreprises effectuant une mesure de clémence, l’ordonnance prévoit que les entreprises utilisant ce mécanisme ne devront réparer le préjudice que de leurs cocontractants directs ou indirects.

Alain Bensoussan Avocats
Lexing Télécoms et droit

(1) Ordonnance 2017-303 du 9-3-2017 relative aux actions en dommages et intérêts du fait des pratiques anticoncurrentielles (JORF du 10-3-2017)
(2) Décret 2017-305 du 9-3-2017 relatif aux actions en dommages et intérêts du fait des pratiques anticoncurrentielles (JORF du 10-3-2017)
(3) Directive 2014/104/UE du Parlement européen et du Conseil du 26-11-2014 relative à certaines règles régissant les actions en dommages et intérêts en droit national pour les infractions aux dispositions du droit de la concurrence des États membres et de l’Union européenne (JOUE L 349 du 5-12-2014, p. 1-19)

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