Réforme des contrats spéciaux : le contrat de construction

L’avant-projet de réforme des contrats spéciauxcontrat de construction propose des évolutions concernant les dispositions relatives au contrat d’entreprise (1). A titre liminaire, il faut rappeler que parmi les dispositions propres à certains contrats d’entreprise. Ainsi, l’avant-projet fait une distinction entre le contrat d’entreprise mobilière et le contrat de construction.

L’avant-projet du droit des contrats spéciaux de la Commission Stoffel-Munck encadre le contrat de construction aux articles 1787 à 1789.

Définition du contrat de construction

A l’instar du contrat d’entreprise mobilière, l’avant-projet vient proposer une définition du contrat de construction au sein du Code civil. Ainsi, l’article 1790 dispose que : « Le contrat de construction est celui par lequel l’entrepreneur se charge de la construction d’un ouvrage immobilier ».

Elle rappelle les acquis jurisprudentiels relatifs au contrat d’entreprise portant sur la réalisation de travaux. Ainsi, elle affirme que la construction de l’ouvrage suppose l’immobilisation ou l’incorporation de matériaux dans le sol (2).  De même, la construction de l’ouvrage concerne non seulement les travaux de rénovation, mais aussi de surévaluation et de réhabilitation.

La Commission indique dans son commentaire qu’elle avait envisagé de couvrir au sein de cette définition d’autres hypothèses. Notamment, celles dans lesquelles le client dispose d’un pouvoir de construire sur le terrain sans en avoir la propriété. Toutefois, elle a jugé qu’une telle solution n’était pas opportune.

Le transfert de propriété de la construction 

Ensuite, il faut noter que l’avant-projet apporte une évolution importante en présence de la construction d’un ouvrage. En effet, la Commission a décidé de faire produire au contrat de construction un effet translatif de propriété. Ainsi, le premier alinéa de l’article 1791 dispose que : « Sauf clause contraire, le transfert de propriété de la construction s’opère au fur et à mesure de l’incorporation des matériaux dans le sol ».

Cette solution revient alors sur la conception traditionnelle de l’accession comme mode d’acquisition originaire. Elle explique cette décision par le fait que ce transfert de propriété permet de justifier l’action directe dans les chaînes de contrats hétérogènes. C’est-à-dire, l’abandon de la jurisprudence Besse. En effet, cette dernière retient la nature délictuelle de l’action du sous-traitant à l’égard du maître d’ouvrage.

La doctrine a vivement critiqué cet effet translatif de propriété dans le contrat de construction. Elle estime que l’avant-projet vient « opérer une réforme partielle du droit de biens qui n’apparaît pas opportune et pourrait être problématique » (4). Plus précisément, elle sous-entend qu’en remplaçant l’accession par un mode dérivé, cela provoquerait une mutation d’un meuble en immeuble. Cette mutation aurait alors surtout un effet important à l’égard des ayants en cause. En effet, car ce mode dérivé ne s’opère que dans la mesure de la propriété de l’auteur.

L’alinéa 2 de l’article 1791 prévoit que : « Les parties peuvent notamment convenir de retarder le transfert de la propriété jusqu’à la réception de l’ouvrage ou jusqu’au paiement du prix. La propriété retenue n’est opposable aux tiers qu’à compter de son inscription au fichier immobilier ». La Commission précise qu’il s’agit « d’une propriété immobilière qu’il n’a jamais eue, au moyen d’un droit de superficie » (3). Ce droit de superficie permettrait ainsi à l’entrepreneur de se constituer une garantie.

La doctrine soutient que ce droit de superficie ne neutralise pas totalement les éventuels conflits de propriété (4). Selon elle, au contraire, cela créerait un en ce que l’entrepreneur « n’a jamais eu » cette propriété immobilière. Elle retient que l’opposabilité de la publicité foncière ne devrait pas régir ces conflits mais le droit commun des biens (4).

La qualité de constructeur 

L’avant-projet de réforme des contrats spéciaux vient également préciser la qualité de constructeur.

Ainsi, à l’instar du groupe de travail Capitant, la Commission a jugé trop sévère l’assimilation au constructeur du vendeur profane de l’actuel article 1792-1 du Code civil. La Commission a tenté de trouver un équilibre entre intérêts du vendeur profane et de l’acheteur. Pour celle-ci : « La clef de voûte de l’équilibre entre ces divers intérêts reposait sur l’information de l’acquéreur, celui-ci devant disposer des éléments nécessaires pour agir directement contre les véritables constructeurs et leur assureur ». 

L’avant-projet propose une solution axée sur l’information de l’acheteur. Il n’assimile le vendeur profane que dans deux cas :

  • s’il ne communique pas à l’acheteur les informations relatives aux véritables constructeurs et leur assureur ;
  • s’il a contracté avec un constructeur en connaissance de l’absence d’assureur.

L’article 1792-1 de l’avant-projet, reprenant la jurisprudence, joute à la liste des constructeurs :

  • le vendeur d’immeuble à construire ;
  • le constructeur de maisons individuelles ;
  • le promoteur qui sont tous soumis à la garantie décennale.

La responsabilité du constructeur de l’ouvrage

A propos de la responsabilité du constructeur de l’ouvrage, l’avant-projet reprend en grande partie à droit constant les dispositions légales en vigueur. Ainsi, l’article 1792 de l’avant-projet réaffirme la responsabilité de plein droit du constructeur envers le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage.

Il reprend également la présomption de l’article 1792-2 concernant les dommages qui affectent la solidité des éléments d’équipement d’un ouvrage.

Sur les équipements affectant l’ouvrage, l’article 1792-7 vient exclure cependant deux types d’éléments d’équipement :

  • « les éléments d’équipement, y compris leurs accessoires, dont la fonction exclusive est de permettre l’exercice d’une activité professionnelle dans l’ouvrage »
  • « les éléments d’équipement installés sur existant ».

Ainsi, ces éléments ne relèvent pas de la responsabilité contractuelle du constructeur. La Commission vient reprendre la jurisprudence sur ce point. Ces éléments relèvent de la responsabilité décennale des constructeurs dès lors qu’ils rendent l’ouvrage dans son ensemble impropre à sa destination (5).

Ensuite, concernant les actions en responsabilité dirigées contre un sous-traitant, l’article 1792-4-2 réaffirme qu’elles se prescrivent par dix ans. Le point de départ du délai de prescription étant fixé au jour de la réception de l’ouvrage. Toutefois, il précise que ces actions sont réservées au maître d’ouvrage et à l’acquéreur sauf à l’exception des tiers à l’opération de construction.

Concernant les actions, à l’exception de celles prévues par articles 1792-3, 1792-4-1 et 1792-4-2, l’avant-projet précise vient apporter des précisions. Ainsi, l’article 1792-4-3 dispose que seul le maître de l’ouvrage ou l’acquéreur de l’ouvrage a qualité pour exercer ces actions.  Les actions d’un constructeur contre un autre constructeur ou son sous-traitant relèvent du droit commun.

La garantie de parfait achèvement

L’avant-projet traite également de la garantie de parfait achèvement de l’entrepreneur à l’article 1792-6. Il reprend à droit constant les dispositions actuelles de l’article 1792-6 mais supprimant les alinéas relatifs à la réception. Il ajoute le constructeur de maison individuelle, avec ou sans fourniture du plan, est tenu de cette garantie.

En conclusion, l’avant-projet de réforme vient distinguer de manière expresse au sein du Code civil le contrat de construction en reprenant la jurisprudence.

Marie-Adélaïde de Montlivault-Jacquot
Jessica Pereira Quaresma
Lexing Contentieux et expertise informatique

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Notes :

(1) Sur le contenu du contrat d’entreprise réformé, voir Notre post du 27 juin 2023.
(2) Cass. 3e civ. 10-11-2021 n° 20-20.294
(3) Avant-projet de réforme du droit des contrats spéciaux, version commentée, textes.justice.gouv.fr, juillet 2022.
(4) Tarik Lalssimi, « Les opérations complexes dans l’avant-projet de réforme du droit des contrats spéciaux », Recueil Dalloz 2023 p.1130 (réservé aux abonnés).
(5) Cass. 3e civ. 15-6-2017 n° 16-19.640

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