Rémunération des inventions de salariés : l’état des lieux

Rémunération des inventions de salariés : l’état des lieux

Une enquête de l’Inpi est l’occasion de rappeler les règles en matière de rémunération des inventions de salariés.

Le régime juridique des inventions de salariés relève de l’article L. 611-7 du Code de la propriété intellectuelle.

Conditions préalables

Deux conditions doivent être réunies pour déclencher l’application du régime juridique de l’article L. 611-7 du Code de la propriété intellectuelle. D’une part, l’inventeur doit revêtir le statut de salarié, ce qui signifie que les stagiaires, prestataires, fournisseurs et partenaires de l’employeur sont exclus du bénéfice de l’article L. 611-7. D’ autre part, l’invention doit être brevetable, c’est-à-dire qu’elle doit être une solution technique nouvelle, relevant d’une activité inventive et permettant une application industrielle (1).

Catégorisation des inventions de salariés

Le droit français distingue trois catégories d’inventions de salariés :

  • l’invention de mission : elle découle naturellement de l’exécution de ses fonctions par le salarié et appartient, de ce fait, à l’employeur ;
  • l’invention hors mission attribuable à l’employeur : réalisée à l’initiative du salarié au cours de l’exécution de ses fonctions, ou dans le domaine d’activité de l’entreprise, ou grâce aux moyens fournis par celle-ci, elle appartient en principe au salarié. Cependant, l’employeur n’est pas totalement absent du processus de réalisation, par exemple lorsque l’invention a été réalisée par le salarié grâce aux moyens fournis par l’employeur. C’est la raison pour laquelle l’employeur peut en demander l’attribution ;
  • l’invention hors mission non attribuable à l’employeur : dépourvue de tout lien avec l’entreprise, elle appartient au salarié, qui est toutefois tenu d’en informer son employeur.
Déclaration d’invention

En toutes circonstances, le salarié auteur d’une invention doit adresser une déclaration d’invention à son employeur, par laquelle il lui propose le classement de l’invention dans l’une des trois catégories susvisées.

Contrepartie financière

Seules les deux premières catégories d’inventions de salariés doivent être rémunérées : l’invention de mission et l’invention hors mission attribuable à l’employeur.

Rémunération supplémentaire en cas d’invention de mission

Au terme de l’article L. 611-7-1° du Code de la propriété intellectuelle, le salarié auteur d’une invention de mission doit bénéficier d’une « rémunération supplémentaire ». Le législateur a renvoyé les conditions de détermination de ladite rémunération aux conventions collectives, aux accords d’entreprise ou aux stipulations contractuelles.

Juste prix en cas d’invention attribuable à l’employeur

Quant aux inventions hors mission attribuables à l’employeur, si le législateur français exige que le salarié bénéficie d’un « juste prix », il renvoie également aux conventions collectives, aux accords d’entreprise ou aux contrats de travail le soin de déterminer les conditions de fixation de cette contrepartie (2).

Faiblesse des règles législatives en matière de rémunération du salarié inventeur

Au regard de la jurisprudence de la Cour de cassation, la marge de manœuvre que le législateur accorde aux conventions collectives, aux accords d’entreprise ou aux stipulations contractuelles quant aux modalités de détermination de la rémunération issue de l’invention salariée n’est pas sans écueil. En effet, certaines conventions collectives comportent des dispositions contraires à la loi en ce qu’elles ajoutent des conditions à la rémunération du salarié, que le législateur n’a pas prévu. A titre d’exemple, certaines conventions collectives conditionnent la rémunération d’une invention salariée par un intérêt exceptionnel de l’invention (3) ; d’autres plafonnent le montant de la rémunération supplémentaire (4).

Mode de calcul de la rémunération

Le mode de calcul majoritairement retenu par l’employeur pour déterminer la rémunération supplémentaire à accorder au salarié auteur d’une invention est la prime forfaitaire. Parfois, elle s’accompagne d’une rémunération complémentaire liée aux résultats de l’exploitation de l’invention.

Montant

La loi ne fixe pas de montant minimal ni maximal. Le montant de la rémunération de l’invention salariée dépend donc du mode de calcul choisi. En 2016, le montant moyen de la rémunération de l’invention salariée est de 2.200 euros par invention. Ce montant peut parfois atteindre jusqu’à 11.00 euros.

Exclusion des stagiaires du dispositif légal

Le droit français n’impose pas à l’employeur de rémunérer le stagiaire à l’origine d’une invention. Néanmoins, il ressort de l’étude de l’Inpi que 28,2 % des employeurs font bénéficier les stagiaires du même régime que les salariés. Certains employeurs prévoient un régime spécifique de rémunération des inventions de stagiaires, tandis que cd’autres ne leur accordent aucune contrepartie.

Contentieux restreint

Malgré les lacunes du régime juridique fixé par l’article L. 611-7 du Code de la propriété intellectuelle, notamment quant aux modalités de fixation de la rémunération de l’invention salariée, le contentieux lié aux inventions de salariés demeure limité. Plus de 65 % des employeurs ayant participé à l’étude de l’Inpi affirment ne pas connaître de litiges en la matière. Le rôle confié à la Commission nationale des inventions de salariés (Cnis) participe de la réduction des contentieux. La Cnis intervient préalablement à la saisine des tribunaux aux fins de concilier les parties. La rapidité de sa saisine, le coût réduit de son intervention et le caractère confidentiel de ses décisions justifient son succès, et par nature, la limitation des contentieux en matière d’inventions de salariés.

De l’état des lieux issu de l’étude de l’Inpi ressortent les principales motivations des entreprises dans la mise en place de la rémunération des salariés auteurs d’inventions. L’écrasante majorité des employeurs affirme rémunérer les inventions salariées en vue de se conformer à la loi et d’éviter tout litige. Parmi les autres raisons du respect de l’obligation de rémunérer les inventions salariées, on relève l’incitation des salariés à communiquer leurs inventions et à participer au développement du portefeuille de brevets. Ces motivations sous-tendent un intérêt commun des entreprises : augmenter leur compétitivité et leur attractivité en favorisant l’innovation.

Emmanuel Walle
Clémentine Joachim
Lexing Droit Social numérique

(1) CPI, art. L.611-10.
(2) CPI, art. L.611-7-2°.
(3) Cass. com. 12-2-2013 n° 12-12.898 Sté PDPR c/ M. X.
(4) Cass. com. 22-2-2005 n°03-11.027  Sté ADG c/ M. X.

Retour en haut