Aide d’Etat et réseau d’ initiative publique de très haut débit

initiative publiqueAide d’Etat et réseau d’ initiative publique de très haut débit. Le tribunal de l’Union européenne confirme la validité du financement public de 59 millions d’euros du projet de réseau de très haut débit dans le département des Hauts-de-Seine (THD 92), revêtant la forme de délégation de service public.

Dans trois arrêts du 16 septembre 2013 (1), le tribunal a rejeté le recours introduit par les sociétés Iliad, Free, Free Infrastructure, Colt Télécommunications France et Orange (anciennement France Télécom), visant à annuler la décision de la Commission européenne du 30 septembre 2009 qui a approuvé le projet du département des Hauts-de-Seine (2).

Validité des projets intégrés. La question posée au tribunal était de savoir s’il est possible pour une collectivité territoriale d’intervenir au travers d’un projet public subventionné si ce projet couvre, entre autres, des zones rentables, c’est-à-dire dans lesquelles des opérateurs ont déjà déployé leur propre infrastructure de réseau ou envisagent de le faire dans un proche avenir.

La question de savoir si un projet intégré de réseau à très haut débit porté par une collectivité territoriale peut être compatible avec le droit dépend de la qualification juridique qui pourra être donnée à ce projet au regard des règles communautaires des aides d’Etat. En l’espèce, le tribunal a jugé que les critères permettant d’échapper à la qualification d’aide d’État posés par la jurisprudence Altmark (3) avaient été respectés par la décision de la Commission européenne et a donc confirmé sa décision.

Encadrement communautaire. Pour rappel, la Commission européenne permet depuis plusieurs années déjà le financement public des « projets intégrés » des collectivités (couvrant à la fois des zones rentables et non rentables, en vue d’établir une péréquation), à condition que ne soient subventionnées que les zones non rentables de ces projets.

Plus précisément, la Commission envisage explicitement dans ses lignes directrices sur les aides d’Etat que le fournisseur d’un service d’intérêt économique général (SIEG) déploie une infrastructure de réseau non seulement dans les zones non rentables mais également dans les zones rentables (4).

Il appartient aux États membres d’élaborer, compte tenu des spécificités de chaque cas, la méthodologie la plus appropriée pour faire en sorte que la compensation octroyée ne couvre que les coûts de fourniture du SIEG dans les zones non rentables, en tenant compte des recettes y relatives ainsi que d’un bénéfice raisonnable.

Calcul de la compensation. En l’espèce, s’agissant du THD 92, la compensation octroyée est fondée sur une comparaison entre les recettes générées par l’exploitation commerciale de l’infrastructure dans les zones rentables déjà couvertes par les opérateurs et les recettes générées par l’exploitation commerciale dans les zones non rentables. Les bénéfices excédant le bénéfice raisonnable (bénéfice excédant le rendement sectoriel moyen des capitaux engagés) sont affectés au financement du SIEG dans les zones non rentables, le solde faisant l’objet de la compensation financière à octroyer.

Cependant, le retour d’expérience est aujourd’hui limité s’agissant de la compatibilité des projets NGA (next-generation access ou réseaux d’accès de nouvelle génération) avec les règles de concurrence. La pratique décisionnelle des autorités communautaires reste en effet peu développée puisque le régime d’aide destiné aux réseaux d’ initiative publique à haut débit n’a été considéré comme un SIEG que dans de très rares affaires.

La solution serait la reconnaissance par le législateur d’un droit à la réalisation de projets intégrés qui associent dans un même déploiement des zones rentables et des zones non rentables, plaçant ainsi les collectivités au cœur de l’aménagement numérique.

Frédéric Forster
Edouard Lemoalle
Lexing Droit Télécoms

(1) TPICE 16-9-2013 aff. T-79/10 ; TPICE 16-9-2013 aff. T-325/10 ; TPICE 16-9-2013 aff. T-258/10
(2) Commission européenne 30-9-2013 aff. N 331/2008, Réseau d’ initiative publique à très haut débit en Hauts-de-Seine
(3) CJCE 24-7-2003 aff. C-280/00, Altmark Trans GmbH
(4) Lignes directrices 2013/C 25/01 du 26-1-2013 pour l’application des règles relatives aux aides d’État dans le cadre du déploiement rapide des réseaux de communication à haut débit

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