Revenge porn et vie privée : nouvelle condamnation au civil

Revenge porn et vie privée

Revenge porn et vie privée. Une personne diffuse des contenus à caractère sexuel d’une autre personne pour se venger. Cette pratique se retrouve de plus en plus appréhendée par les tribunaux.

En l’espèce, à la suite de leur rupture, la maîtresse d’un homme marié a adressé à sa femme et à son entourage des photographies intimes de ce dernier, notamment de son sexe, ainsi que des captures d’écran des messages qu’ils ont pu s’échanger (1).

Le mari a ainsi assigné son ex-maitresse afin d‘obtenir la réparation du préjudice qu’il a subi pour atteinte à sa vie privée et à son droit à l’image, ainsi que pour solliciter la cessation de la diffusion de tout contenu le représentant ou de toute correspondance.

Revenge porn et atteinte à la vie privée

C’est au visa de l’article 9 du Code civil, selon lequel « chacun a droit au respect de sa vie privée », que le demandeur distinguait l’atteinte au secret de son intimité par la diffusion des correspondances intimes du déshonneur causé par la diffusion des photographies à caractère sexuel.

La première diffusion caractérisait pour lui une atteinte à la vie privée et la seconde une atteinte au droit à l’image.

Le droit à l’image se rattache à la vie privée en tant qu’attribut de la personnalité et au titre duquel chaque individu a un droit exclusif sur son image.

Dès lors, le déshonneur et le préjudice moral subi par le demandeur au titre de son droit au respect de la vie privée et au droit à l’image, même si distingués, relevaient tous deux de l’article 9 du Code civil.

En l’espèce, le tribunal n’a ainsi pas repris cette distinction et a considéré que les photographies intimes, notamment du sexe du demandeur, ainsi que les correspondances privées échangées entre ce dernier et son ex-maitresse, relevaient bien de la vie privée du demandeur, en ce qu’elles portent sur sa vie sexuelle et sentimentale.

Dès lors, la diffusion de ces dernières à l’entourage du demandeur, sans l’accord de ce dernier, emportait bien violation du droit à la vie privée.

Les utilisation dérivées

Cette solution se rapproche ainsi de celles rendues en matière de revenge porn. Elle fait prévaloir le fait que le consentement donné, ou non, à la prise de photographies ou de vidéos n’emporte pas consentement à leur diffusion. Toute utilisation dérivée doit ainsi donner lieu à une condamnation en l’absence d’autorisation.

Le jugement contient, toutefois, une spécificité, dans la mesure où la circonstance particulière, selon laquelle la femme du demandeur était déjà au fait de sa relation extra-conjugale, a eu comme conséquence de diminuer l’importance de son préjudice moral.

L’atteinte à l’honneur du demandeur a ainsi été atténuée, donnant lieu à l’attribution d’une somme de 800 euros de dommages et intérêt au lieu des 4.000 euros demandés.

Par ailleurs, la défenderesse soutenait, elle aussi, que le demandeur aurait également diffusé des images d’elle portant atteinte à son droit au respect de la vie privée. A défaut de preuve, sa demande a été rejetée.

Revenge porn et cessation de diffusion de contenus spécifiques

L’alinéa 2 de l’article 9 du Code civil permet, notamment, aux victimes d’obtenir du juge le retrait de contenu litigieux portant atteinte à la vie privée d’une personne.

Cette demande judiciaire est, par ailleurs, autonome de celle qui peut être faite auprès de l’hébergeur du contenu litigieux au titre de la loi n°2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique.

En l’espèce, le demandeur sollicitait du Tribunal de grande instance de Bobigny d’ordonner à son ex-maitresse de lui faire interdiction de diffuser tout contenu le représentant ou de toutes correspondances qu’il a pu échanger avec elle sur tout support et à quelque personne que ce soit.

Le tribunal n’a pas fait droit à cette demande, dans la mesure où elle n’est pas précise, dès lors qu’elle ne vise aucun contenu ou correspondance de manière spécifique.

Revenge porn : le choix d’une action au civil ou au pénal

Le fait que le demandeur ait caractérisé les contenus litigieux comme comportant un « caractère sexuel » permet de faire un parallèle avec l’article 226-2-1 du Code pénal, spécifiquement créé pour incriminer la pratique du revenge porn et qui comporte exactement ces mêmes termes.

En effet, cet article punit des mêmes faits, le délit d’atteinte à la vie privée :

« en l’absence d’accord de la personne pour la diffusion, de porter à la connaissance du public ou d’un tiers tout enregistrement ou tout document portant sur des paroles ou des images présentant un caractère sexuel, obtenu, avec le consentement exprès ou présumé de la personne ou par elle-même ».

Le demandeur aurait ainsi pu introduire une action au pénal, au visa de l’article 226-2-1 du Code pénal, qui punit la diffusion d’image à caractère sexuel de deux ans d’emprisonnement et de 60.000 euros d’amende.

Que ce soit au civil ou au pénal, pas besoin de mobile pour caractériser l’atteinte. Seul compte l’acte de diffusion, par quelque support que ce soit, d’un contenu à caractère sexuel sans le consentement de la victime.

Toutefois, le jugement du 20 novembre 2018 soulève la question du retrait définitif de la diffusion du contenu litigieux, ainsi que de son effectivité. En effet, même si la demande est précise et est acceptée par les tribunaux, ce retrait définitif reste encore difficile à appliquer en matière de revenge porn, où les moyens de diffusion sont démultipliés.

Chloé Legris-Dupeux
Annabelle Moreaux
Lexing Pénal numérique et e-réputation

(1) TGI Bobigny, ch. 5 sec. 3, 20-11-2018.

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