La réglementation du robot de livraison dans l’espace public

Crédit photo Starship Technologies Delivery robot - Robot de livraison

L’usage de robot de livraison sur l’espace public français ne fait l’objet d’aucune réglementation spécifique. Ni expressément interdit, ni expressément autorisé, quel usage sur l’espace public d’un robot de livraison en 2017 ?

Les nouveaux usages de robot dans l’espace public urbain

Les usages de robot de livraison dans l’espace public urbain ne cessent de se multiplier avec les développements de briques technologiques, la maturité des technologies, les capacités offertes par les technologies robotiques et l’autonomie dont dispose les robots : robot-livreur, robot policier à Dubaï, robot de sécurité dans l’espace urbain, robots de propreté urbain.

Le marché du robot de livraison sur l’espace public pourrait bien prendre son envol, avant même le drone aérien, en raison d’une évolution de notre perception des objets en général.

Le robot de livraison de nourriture ou de médicament compte tenu de son utilité et de son aspect facilitateur de la vie quotidienne pourrait bien y contribuer en l’absence de toute réglementation spécifique.

L’enjeu de l’appropriation sociale du robot dans l’espace public urbain et son acceptabilité sociale

Pour le Professeur Stéphane Hugon de l’Université Paris-Descartes-Sorbonne « les appropriations symbolique et sociale de la technique passent par des cycles de déconstruction-reconstruction. De manière plus générale, au-delà de la technique, le consommateur veut déconstruire, s’approprier, détourner, etc. ». Le robot de livraison participe également au « resurgissement d’une forme d’animisme contemporain, qui nous vient des cultures orientales. Tout un imaginaire, toute une littérature, tout un ensemble de représentations permettent de prêter une âme aux objets ».

Qu’en est-il pour le robot de livraison ?

Comme cela a pu être constaté dans l’évolution des technologies, l’arrivée de robots dans l’espace public urbain modifie notre rapport à l’environnement et à ce qui nous entoure. Pour les technophobes, l’arrivée du robot dans l’espace public pourrait modifier les relations sociales que cela pourrait induire. Au contraire pour les technophiles, le robot sera capable d’être un facilitateur dans notre vie quotidienne.

Et dès lors que l’on accepte l’idée d’être environné d’objets qui peuvent « agir » de manière autonome, l’être humain n’est plus le maître de l’univers et le robot peut exister en tant que tel.

Les robots de livraison divulgués au public et utilisés pour la livraison de produits consommables ou de médicaments sont le plus souvent des objets motorisés à roues, souvent électriques, se déplaçant de manière autonome ou suivi par un être humain, à des vitesses n’excédant pas pour les plus rapides les 20 km/heure. La limitation maximale de la vitesse n’est pas un obstacle résultant de la maturité technologique mais d’un choix délibéré des concepteurs et fabricants afin de se rapprocher des réglementations existantes qui font référence à un seuil à 6 km/heure (vitesse d’un bon marcheur).

Il en est ainsi pour le robot de livraison développé par la société européenne Starship Technologies. Ce robot autonome est capable de se déplacer à une vitesse de 16 km/heure (10 mph) même si sa vitesse a été limitée volontairement à 6 km/heure de même que le robot DRU (Domino’s Robotic Unit) développé par la société Domino’s Pizza.

Le statut du robot de livraison dans l’espace public urbain français

Le premier constat est qu’il est difficile de classer le robot de livraison dans une des catégories définies à l’article R.311-1 du code de la route.

Les robots de livraison pourraient éventuellement relever de la catégorie « véhicules de catégorie N » qui concernent tous les véhicules à moteur conçus et construits pour le transport de marchandises à la condition que le véhicules est au moins quatre roues ».

Mais en revanche, il ne semble pas opportun de les rattacher à l’une des trois sous-catégories de la catégorie N, même si compte tenu de leur masse, DRU et le robot de Starship Technologie entre dans la catégorie N1. En effet, les trois sous-catégories de la catégorie N concernent tout véhicule conçu et construit pour le transport de marchandise ayant respectivement un poids maximal inférieur ou égal à 3,5 tonnes (catégorie N1, un poids maximal supérieur à 3,5 tonnes et inférieur ou égal à 12 tonnes (catégorie N2) ; un poids maximal supérieur à 12 tonnes (catégorie N3).

Les robots de livraison qui comportent au moins quatre roues pourraient également être classés dans la « catégorie L6e » (article R.311-1 du Code de la route) qui vise tout véhicule à moteur à quatre roues dont le poids à vide n’excède pas 425 kilogrammes, la vitesse maximale par construction est égale ou supérieure à 6 km/ h et ne dépasse pas 45 km/ h ( …).

Il existe une sous-catégorie à cette catégorie L6e, qui est la sous-catégorie L6e-A qui regroupe en effet tout véhicule de la catégorie L6e autre que L6e-B et équipé d’un moteur d’une puissance maximale ne dépassant pas 4 kW, cette dernière catégorie pourrait s’adapter au moteur électrique qui équipent les robots de livraison dont la puissance est inférieure ou égale à 4kW.

En France, les robots de livraison pourraient être assimilés à des « véhicules à roue » au sens de l’accord concernant l’adoption de prescriptions techniques uniformes adopté à New York le 16 octobre 1995.

L’accord de New York du 16 octobre 1995 précise que les termes « véhicules à roue » recouvrent tous véhicules à roues dont les caractéristiques ont un rapport avec la sécurité routière, la protection de l’environnement et les économies d’énergie.

L’accord de New York de 1995 distingue deux types de véhicules à roues, ceux qui sont homologués et ceux qui ne le sont pas.

Les robots de livraison ne sont pas assimilés à des véhicules à roues homologués, dans la mesure où à notre connaissance il n’existe pas encore d’homologation de type délivrée par une autorité compétente en France pour un robot de livraison.

L’absence de réglementation spécifique en France et en Europe pour les robots-livreurs dans l’espace public

En France et en Europe, il n’existe pas, à notre connaissance de réglementation spécifique, sur l’usage des robots-livreurs sur l’espace public urbain.

En effet, il n’existe pas de définition légale applicable au robot-livreur circulant sur l’espace public urbain, qu’il circule sur la chaussée ou sur le trottoir, avec un moteur électrique ou un moteur à combustion ou compression.

En conclusion, à notre connaissance, il n’existe pas en France d’homologation de type pour les robots-livreurs, permettant leur usage sur la chaussée ou sur le trottoir.

L’assimilation du robot-livreur dont la vitesse est inférieure ou égale à 6km/heure à un piéton ?

Les robots-livreurs dont la vitesse de déplacement a été limitée volontairement à 6 km/ heure pourraient-ils être assimilables à un piéton ?

L’article R.412-34 du code de la route prévoit que « lorsqu’une chaussée est bordée d’emplacements réservés aux piétons ou normalement praticables par eux, tels que trottoirs ou accotements, les piétons sont tenus de les utiliser, à l’exclusion de la chaussée ».

A défaut de réglementation spécifique sur les robots de livraison ou d’une homologation de type adoptée par la France pour les robots de livraison, les robots de livraison dont la vitesse n’excède pas 6 km/heure ne sont pas assimilables en l’état de notre réglementation à des piétons.

Cette assimilation avec un piéton ne semble aujourd’hui admise ou tolérée que pour d’autres dispositifs de déplacement personnel tels que les monocycles, les trottinettes électroniques non homologuées, prévues pour fonctionner à une vitesse maximale inférieure ou égale à 6 km/heure.

Le statut des robots de livraison dans la réglementation américaine

Aux Etats-Unis, certaines autorités de police ont assimilé initialement les robots de livraison à des palettes de livraison.

Il n’existe pas à notre connaissance de législation fédérale sur les robots de livraison ou sur les dispositifs électriques de livraison personnelle.

Mais, un premier Etat américain, la Virginie, a déjà adopté une loi qui entrera en vigueur le 1er juillet 2017 (Electric personal delivery devices) pour permettre aux dispositifs de livraison personnelle d’opérer sur tout le territoire de l’Etat du Commonwealth.

Les robots de livraison sont qualifiés par la loi de l’Etat de Virginie de « dispositifs électriques de livraison personnelle ». La loi de l’Etat de Virginie permet l’utilisation de ces dispositifs « sur les trottoirs et les chemins d’utilisation partagés et sur les routes sur les passages pour piétons dans le Commonwealth, sauf interdiction contraire d’une localité ». La loi de de l’Etat de Virginie précise que ces dispositifs ne doivent pas être considérés comme des véhicules et sont exemptés des dispositions du titre 46.2 (relatifs aux Véhicules automobiles).

D’autres législations similaires ont été adoptées par l’Idaho et en Floride.

La ville de San Francisco qui s’est pourtant construite sur l’image d’une ville High Tech comme d’autres villes de l’ouest américain, au point que certains lui ont attribué le titre de « Mecque de l’innovation ». Malgré cela, un conseiller municipal a déposé le 16 mai 2017, un projet de loi ayant pour objet l’interdiction des robots de livraison sur les trottoirs de San Francisco.

Ce projet de loi a été déposé lorsque le robot de livraison Marble, a été aperçu dans certains quartiers de San Francisco. Bien qu’à ce stade, le robot Marble ne se déplace pas de manière autonome puisqu’il est suivi par un opérateur humain, et qu’il soit doté de capteurs lui permettant d’éviter les obstacles et donc les piétons, le conseiller municipal, Norman Yee, auteur du projet de loi considère qu’il pourrait représenter un risque d’accident important, accident qui surviendra nécessairement. D’autres villes américaines, ont adoptées des postures radicalement opposées, les villes de Washington, de Redwood City ont au contraire faciliter les expérimentations de déploiement de robots-livreurs sur leur espace urbain.

L’enjeu de la livraison du dernier kilomètre par des robots de livraison

Incontestablement, la livraison du dernier kilomètre de produits par robot-livreur autonome et la place du robot-livreur dans l’espace public urbain implique de prendre en compte l’ensemble des problématiques : la question de l’usage des trottoirs et espaces réservés aux piétons, les questions de responsabilité en cas d’accident et d’assurance.

L’utilisation de l’espace urbain public par des robots de livraison implique pour les concepteurs et industriels de réaliser une analyse de risque dans sa globalité, s’il ne souhaite pas voir se développer de mauvais retours d’expérience ou des conflits d’utilisation de l’espace public urbain réservé aux piétons.

L’accumulation de catégories d’usage de l’espace public urbain est en effet susceptible d’engendrer un encombrement de l’espace public urbain, voire le détournement de l’espace réservé aux piétons par des usagers privés.

La question de la place des robots de livraison dans l’espace public devra nécessairement être prise en considération par le législateur afin qu’un cadre légal puisse permettre le développement harmonieux de nouveaux usages des robots de livraison dans l’espace public urbain.

Didier Gazagne
Lexing Défense-Sécurité-Systèmes autonomes-Risques

(1) Le robot de Startship Technologie dispose de 6 roues et est alimenté par batterie. La facture d’énergie est d’environ 50 W et la batterie dure 2 à 2.5 heures, ce qui suffit pour compléter la plupart des livraisons. Startship Technologie ne précise pas la puissance en kW de son robot de livraison.

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