Les conditions de rupture de relations commerciales établies

Les conditions de rupture de relations commerciales établiesLa Cour de cassation s’est à nouveau prononcée sur les conditions de cessation de relations commerciales établies.

La rupture brutale d’une relation commerciale établie, sans préavis écrit d’une durée suffisante, est un délit civil en application des dispositions de l’article L. 442-6 du Code de commerce. Si les parties à une relation commerciale conservent la liberté de rompre, elles doivent annoncer, par écrit et suffisamment tôt, leur intention d’exercer cette liberté.

L’article 446-6-I 5° du Code de commerce : le délit de rupture des relations commerciales établies

Le délit de rupture des relations commerciales établies est prévu à l’article L. 446-6 I-5° du Code de commerce (1). Cet article a pour objectif d’assurer la pérennité des relations d’affaires entre professionnels. Il a fait l’objet d’une jurisprudence dense, notamment sur les contours du caractère « brutal » de la rupture d’une relation commerciale.

Jurisprudence constante sur l’absence de lien entre brutalité et prévisibilité dans la rupture des relations commerciales établies

En particulier, la chambre commerciale de la Cour de cassation a précisé qu’il n’y a pas de corrélation entre la brutalité de la rupture et son caractère inattendu.

En effet, dans un arrêt du 15 mai 2007, elle consacré le fait qu’une rupture prévisible pouvait être brutale (2). Dans cette affaire, les relations entre les parties s’étaient dégradées et les courriers échangés laissaient pressentir la fin de la relation. Les juges ont toutefois estimé que cela était insuffisant à supprimer le caractère brutal de la rupture dès lors qu’aucun préavis écrit n’avait été notifié, seule la faute grave ou la force majeure pouvant justifier une rupture sans préavis.

La Cour d’appel de Paris est même allée plus loin en énonçant qu’une rupture annoncée pouvait être brutale. Ont ainsi été qualifiées de brutales des ruptures annoncées oralement (3), voire par mél (4), ou portées à la connaissance du créancier du préavis par des filiales de la société cocontractante (5).

L’arrêt du 16 septembre 2016 de la Cour de cassation

La Cour de cassation a récemment confirmé l’absence d’incidence du caractère prévisible de la rupture sur la caractérisation du délit de rupture brutale des relations commerciales établies dans un arrêt du 16 septembre 2016 (6). En l’espèce, il était question de la rupture d’une relation commerciale établie depuis 7 ans entre un distributeur et son fournisseur. Le distributeur ayant cessé ses commandes sans préavis, le fournisseur l’a poursuivi en justice pour rupture brutale de relations commerciales établies.

Le distributeur, condamné en appel à indemniser son fournisseur, a formé un pourvoi en cassation. Il soutenait notamment que la rupture des relations commerciales établies ne peut être brutale lorsqu’elle est prévisible.

Le pourvoi est cependant rejeté, la Cour de cassation déclarant que « le caractère prévisible de la rupture d’une relation commerciale établie ne prive pas celle-ci de son caractère brutal si elle ne résulte pas d’un acte du partenaire manifestant son intention de ne pas poursuivre la relation commerciale et faisant courir un délai de préavis ».

Elle réitère ici, de manière plus explicite, que le caractère prévisible de la rupture est insuffisant pour échapper au délit de rupture brutale des relations commerciales établies. Elle énonce ainsi très clairement l’obligation pour la partie qui souhaite rompre la relation commerciale d’adresser impérativement à l’autre partie une lettre de rupture ou un préavis écrit. A défaut, la partie verra sa responsabilité engagées au titre du délit de rupture brutale des relations commerciales établies.

Virginie Bensoussan-Brulé
Marion Catier
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(1) C. com., art. L. 442-6-I 5°
(2) Cass. com., 15-5-2007, n°05-19370 Sté Giedam c/Sté Auchan France
(3) Cass. com., 6-9-2016, n°14-25891 Sté US import export c/ Sté Sniw
(4) CA Paris, 7-3-2012, RG n° 09/15757
(5) CA Paris, 7-3-2013, n° 12/04392
(6) CA Paris, 20-3-2014, n° 12-01371

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