Taxes Télécoms : Bruxelles poursuit la France

Taxes Télécoms Taxes Télécoms : Bruxelles remet en cause la taxe spéciale imposée aux fournisseurs de services de communications électroniques.

Le régime des taxes Télécoms en France et en Espagne

Le mécanisme de financement de l’arrêt de la publicité sur les chaînes de l’audiovisuel public (1) ne semblait pas contestées.

En effet, la Commission européenne avait validé sans réserve, en juillet 2010, sur le fondement de la législation applicable aux aides d’état, les deux taxes instaurées en 2009 (2). Elles avaient pour objectif d’éviter la surcompensation des coûts de la mission de service public de radiodiffusion par l’Etat (3).

La première de ces taxes, assise sur la publicité diffusée par les chaînes de télévision privées, ne subit pas de contestation. Mais ce n’est pas le cas de la seconde taxe, dite « taxe télécoms ». Son l’assiette repose sur le calcul de la base du produit des abonnements et autres sommes :

  • acquittés par les utilisateurs finals et
  • perçus par les fournisseurs de services de communications électroniques, au sens de l’article L. 32 du CPCE.

Ainsi, en septembre 2010, la Commission avait demandé à la France et à l’Espagne, de prendre des mesures, sous un délai de deux mois, afin d’abolir les « taxes télécoms » pour se conformer à la législation européenne. Cette phase suivait une lettre de mise en demeure du gouvernement français envoyée courant janvier 2010 (4).

A défaut de réponse satisfaisante de la France dans les délais impartis, la Commission européenne a publié sur son site internet un communiqué de presse (5) indiquant que la France sera attraite devant la Cour de Justice de l’Union Européenne, aux côtés de l’Espagne, en raison du maintien par ces deux Etats Membres de cette taxe spéciale imposée aux fournisseurs de services de communications électroniques.

La contestation des taxes Télécoms par la Commission européenne

Ces taxes seraient, selon la Commission, contraires aux dispositions de la Directive 2002/20/CE issue du Paquet Télécoms de 2002 (dite « Directive Autorisation »). Elles encadrent avec précision les taxes administratives que les Etats Membres peuvent prélever sur les opérateurs autorisés à fournir des services de communications électroniques.

En effet, l’article 12 de cette directive prévoit que les taxes administratives imposées aux opérateurs peuvent être prélevées uniquement pour couvrir les :

  • coûts administratifs occasionnés par la gestion, le contrôle et l’application des autorisations octroyées ;
  • frais de coopération, d’harmonisation et de normalisation internationales ;
  • coûts liés à l’analyse des marchés, au contrôle de conformité des opérateurs par rapport aux obligations découlant des analyses ;
  • frais afférents aux travaux de réglementation et ceux liés à l’élaboration et à l’application des décisions administratives :
    • par exemple, les décisions rendues par les autorités de régulation nationale sur les questions relevant de l’accès ou de l’interconnexion.

L’article 12 précise en outre que ces taxes « sont réparties entre les entreprises individuelles d’une manière objective, transparente et proportionnée qui minimise les coûts administratifs et les taxes inhérentes supplémentaires ».

La France a transposé cette disposition à l’article L.33-1 I. m) du CPCE. Ce dernier impose aux opérateurs déclarés l’acquittement des taxes dues pour couvrir les coûts administratifs occasionnés par la mise en œuvre des dispositions du CPCE, dans les conditions prévues par les lois de finances.

La taxe administrative perçue par l’Arcep est, sauf exceptions, comprise entre 20.000 et 80.000 euros annuels (6). Le revenu des opérateurs sur les marchés de détail s’élève à 44,7 milliards d’euros pour l’année 2009 (7). Ce sont donc près de 402 millions d’euros de recettes de la « taxe télécoms », sur les 440 millions nécessaires au financement de l’arrêt de la publicité sur les chaînes publiques, qui sont potentiellement remis en cause par cette procédure.

L’objet du débat porté devant la CJUE

L’objet du débat devant la CJUE portera dès lors sur la question de savoir :

  • si la taxe imposée aux opérateurs par la loi sur l’audiovisuel public repose sur une base légale solide et,
  • le cas échéant, si elle constitue ou non une taxe administrative au sens de l’article 12 de la « Directive Autorisation ».

En conséquence, la doctrine de la Commission, consistant à inclure la « taxe télécoms » dans la catégorie des taxes administratives, résistera-t-elle à l’examen de la Cour de justice des Communautés Européennes ?

A première vue, l’argument de la Commission semble disposer d’une certaine légitimité. En témoigne notamment un jugement du tribunal administratif de Paris qui avait annulé des décisions de l’Arcep (à l’époque, l’ART). Ces dernières avaient requis d’un opérateur de payer une taxe quatre fois supérieure au montant maximal de celle-ci (8).

En conclusion, il parait dès lors justifié de s’interroger sur la pérennité d’une taxe plus de 5000 fois supérieure au montant maximal de la taxe administrative.

Notes

(1) Loi 2009-258 du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision.
(2) Loi 2009-258 du 5 mars 2009, art. 32 et 33.
(3) Commission européenne, Décision du 1-9-2009
(4) Voir, à ce propos, notre article paru en février 2010
(5) Communiqué IP/11/309 du 14-3-2011
(6) Loi 2005-1719 du 30-12-2005 de finance pour 2006, art. 132
(7) Arcep, 1-2-2011, Observatoire annuel des marchés des communications électroniques en France, année 2009, résultats définitifs
(8) TA Paris, 19-3-2003, n°99205774/7, Sté Global Telesystem Europe BV

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