Réseaux 5G, ou l’histoire d’un PPP à l’échelle européenne

Réseaux 5G, ou l’histoire d’un PPP à l’échelle européenneLe développement sans précédent des objets connectés et des téléphones intelligents préfigure celui des réseaux 5G.

De nouveaux défis sont posés aux autorités et opérateurs. Ces défis sont, notamment, liés à la capacité que devront nécessairement avoir les réseaux de communications électroniques à accepter la présence de plusieurs milliards d’objets connectés, échangeant entre eux et avec des serveurs informatiques des données, souvent peu volumineuses, sur une durée tout aussi souvent très courte, mais de manière quasiment permanente.

Or, les réseaux de communications électroniques, lorsqu’ils utilisent des fréquences radioélectriques, sont contraints par un élément absolument incontournable qui est le caractère fini et limité du nombre de fréquences utilisables à un instant donné en un lieu donné.

Cette contrainte tient, tout d’abord, au partage des bandes de fréquences qui est opéré au plan international et, en conséquence, au plan national. Toutes les fréquences ne sont pas utilisables par tout le monde, pour n’importe quel usage. Chacun doit donc utiliser les fréquences radioélectriques en tenant compte de son statut (les bandes réservées à la défense nationale ne peuvent être utilisées que par les militaires par exemple) et en fonction de l’usage qu’il poursuit, certaines de ces fréquences étant dites « libres » (elles ne sont pas affectées à un usage précis ou à un statut d’utilisateur particulier), d’autres nécessitant de respecter des conditions d’octroi et d’utilisation (comme cela peut être le cas, par exemple, pour les fréquences utilisées par les opérateurs de téléphonie mobile).

La contrainte est, par ailleurs, liée à des considérations physiques : d’une part, le spectre radioélectrique n’est pas extensible à merci, le nombre de fréquences n’étant pas infini et. D’autre part, les fréquences radioélectriques obéissent à des règles de propagation dans l’espace, de couverture géographique, de faculté de rebond ou non liées à leurs caractéristiques physiques : plus la longueur d’une onde radioélectrique est grande, plus sa fréquence est basse dans le spectre, plus elle porte loin, plus elle est « pénétrante » mais moins elle est facilement réutilisable par plusieurs acteurs sauf à créer entre eux des brouillages. A l’inverse, plus l’onde est courte, plus sa fréquence est élevée, mois elle est « pénétrante » mais plus elle est facilement réutilisable par un grand nombre d’utilisateurs, puisque son parcours dans l’espace est limité.

C’est là l’un des enjeux des réseaux du futur : être capables d’accueillir un nombre jamais atteint jusqu’à présent de terminaux, connectés en même temps, et échangeant des quantités faibles mais intenses de données peu gourmandes en bande passante utilisée.

Les réseaux 4G actuellement en cours de déploiement permettent, naturellement, ce type d’usage, tout comme les réseaux utilisant des fréquences basses, comme ceux déployés par Sigfox ou mettant en œuvre la technologie LoRaWan.

Pour autant les réseaux 4G ne permettront pas, en raison de leurs limitations technologiques intrinsèques, de faire face à cette explosion des usages.

C’est l’une des raisons pour laquelle les nouveaux réseaux 5G ne doivent pas rater ce coche de l’internet des objets. Ils devront être capables de constituer l’épine dorsale des réseaux radioélectriques du futur.

La Commission européenne est persuadée que la 5G devrait changer la donne actuelle. Elle considère, en conséquence, qu’elle doit favoriser les liens entre les acteurs afin de les aider à construire le futur marché des produits et des services 5G.

Pour ce faire, elle favorise, par exemple, des coopérations entre elle et les entreprises représentant les acteurs de la logistique, du transport, de l’énergie, de la santé, les industriels, afin de définir les mesures et les incitations qui pourraient être mises en place pour développer l’investissement dans le déploiement des infrastructures 5G.

Cette initiative constitue une forme tout à fait originale de coopération, proche de celle qui est de plus en plus souvent mise en œuvre entre décideurs publics et entreprises privées sur des projets structurants et innovants : le partenariat public-privé, ou PPP (1).

S’agissant des réseaux 5G, il s’agit aussi pour la Commission européenne, de s’appuyer sur les investissements de l’Union européenne en matière de recherche et de développement en matière de 5G pour s’assurer que les entreprises privées européennes soient prêtes à lancer leurs offres de produits et de services 5G à l’horizon 2020.

Dans ce cadre, la Commission européenne a lancé, début février 2016, une proposition en vue de coordonner, au niveau européen l’utilisation de la bande des 700 MHz avec, comme objectifs de :

  • favoriser une utilisation sans couture, donc sans interruptions, des services sur l’ensemble du territoire de l’union européenne ;
  • développer, en conséquence, une offre de produits et de services interopérables en Europe ;
  • permettre des débits supérieurs à 100 Mb/s pour l’internet mobile (donc proches de ceux proposés sur les réseaux très haut débit fixes en fibre optique) (2.)

La France, tout comme l’Allemagne, ont déjà pris un certain nombre de mesures allant dans le sens de l’initiative européenne.

Ainsi, la bande des 700 MHz, destinée originellement à la TNT et historiquement affectée à la télévision analogique, a fait l’objet, en novembre et décembre 2015, d’une mise en enchère de certaines de ses fréquences au bénéfice des quatre opérateurs mobiles.

Cette opération a remporté un franc succès, puisqu’elle a permis à l’Etat français d’empocher la somme de 2,8 milliards d’Euros, et mis les opérateurs français en situation, le moment venu, de procéder au déploiement de réseaux 5G (3).

Rappelons, enfin, qu’Orange a demandé à l’Arcep l’autorisation de déployer un réseau 5G expérimental à Belfort, afin de tester cette nouvelle technologie en vraie grandeur, en utilisant des bandes de fréquences dites « millimétriques », comprises entre 6 GHz et 100 GHz. Cette autorisation lui a été accordée en septembre 2015 pour une expérimentation devant se terminer à la fin de l’année 2016.

Enfin, une recherche de fréquences mondialement harmonisées dans cette gamme est en cours au niveau de l’UIT, dans le prolongement de la conférence mondiale des radiocommunications de novembre 2015.

Frédéric Forster
Lexing Droit télécom

(1) Site internet de 5G Infrastructure Association.
(2) Commission européenne, Communiqué du 23-2-2016 sur la collaboration Union européenne – Brésil en matière de réseaux 5G.
(3) Arcep, Dossier du 10-2-2016 sur l’attribution des fréquences de la bande 700 MHz.

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