Archive édito février 2007

Edito

Vers une requalification juridique des progiciels ?

Une banale histoire de dysfonctionnement de progiciel …

Une société de services en ingénierie informatique a vendu un progiciel à un cabinet d’assurance, dont seulement les deux premiers acomptes ont été réglés. Le client a invoqué une incompatibilité du progiciel avec son imprimante et une mauvaise initialisation du progiciel sur son application spécifique pour justifier le refus de s’acquitter du paiement du solde.

La cour d’appel de Limoges a condamné le client à payer la somme de 5 976 € et l’a aussi débouté de sa demande d’indemnisation, au motif qu’il n’avait pas rempli son obligation de collaboration en n’informant pas le prestataire que la police de caractère Roman n’existait pas sur son imprimante.

La Cour de cassation n’a pas suivi cette position (1), considérant que c’est au vendeur professionnel d’un matériel informatique de se renseigner auprès de son client, « dépourvu de toute compétence en la matière », au titre de son obligation de renseignement et de conseil.

Elle a considéré non conforme la délivrance du progiciel : «l’obligation de délivrance du vendeur de produits complexes n’est pleinement exécutée qu’une fois réalisée la mise au point effective de la chose vendue ».

L’enjeu

    Savoir si la réception qui sanctionne la délivrance conforme du produit ne devra plus être confondue avec la seule livraison du support matériel de ce même produit.


… conduit à la requalidication du progiciel en « produit complexe »

La Cour utilise indifféremment les termes de vendeur, fournisseur de matériel informatique ou fournisseur de produits complexes pour désigner le fournisseur de progiciel opérant ainsi une confusion significative entre des progiciels et des objets meubles corporels qui peuvent être vendus et auxquels s’appliquent l’obligation de délivrance conforme et la garantie des vices cachés.

Un indice supplémentaire d’une qualification en biens meubles corporels est le fait que la Cour qualifie le progiciel de « chose vendue » s’éloignant ainsi des notions de services et biens incorporels.

Or, le progiciel en tant que bien meuble corporel « vendable » n’est pas une chose tout à fait comme les autres puisqu’il s’agit d’un « produit complexe ».

La conséquence de cette qualification est une obligation de « mise au point » à la charge du vendeur au titre de son obligation de délivrance conforme. Mais la Cour ne définit ni le « produit complexe » ni le contenu de l’obligation de mise au point.

Si cette dernière devait correspondre à une obligation générale de compatibilité avec les environnements d’exploitation des différents utilisateurs, cela signifierait que la conformité d’un progiciel s’apprécie en condition opérationnelle et au terme d’une série de tests pertinents… une tendance à surveiller de prêt !

Les conseils

  • Définir contractuellement ce qu’est l’obligation de mise au point.
  • Dans les projets d’intégration, distinguer les recettes de progiciels, des recettes d’intégration (progiciels + développements et paramétrages).


Notes
(1) Cass. com. 11 juillet 2006, n° pourvoi n° 04-17.093

Benoit de Roquefeuil

Directeur du département Contentieux informatique

benoit-de-roquefeuil@alain-bensoussan.com

Paru dans la JTIT n°61/2007

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