Contrefaçon de marque figurative : la lente marche des semelles rouges

marque figurativeContrefaçon de marque figurative : France vs Etats-Unis. Les fameuses chaussures à semelles rouges de Christian Louboutin poursuivent leur chemin en droit des marques et semblent être préférées par les américains comme par les français… Car signe de ralliement entre fashionistas, le célèbre patin est également l’objet de plusieurs marques en deux dimensions revendiquant une protection sur la forme et la couleur du signe déposé.

Contrefaçon de marque figurative : défaut de distinctivité

De nombreuses procédures ont ainsi été intentées par leur titulaire devant les tribunaux français, notamment contre des enseignes grand public telles que Zara ou Eden Shoes, qui, conscientes de leur fort pouvoir d’attractivité sur la gente féminine, avaient commercialisé des chaussures à semelles rouges également.

Fort de la réputation de ses souliers, ainsi que de la protection de la fameuse semelle par un dépôt de marque, Christian Louboutin avait tenté d’obtenir, sur le fondement de la contrefaçon de marque, de l’atteinte à la marque notoire et de la concurrence déloyale et parasitaire, la condamnation de ces enseignes… sans succès, la Cour d’appel de Paris annulant la marque revendiquée pour défaut de distinctivité, considérant que « ni la forme ni la couleur de la semelle litigieuse ne faisaient l’objet d’une représentation graphique lui permettant d’être représentée visuellement ».

Contrefaçon de marque figurative : le signe doit être parfaitement identifiable

Par ailleurs, la très forte notoriété des souliers, loin d’être un atout pour son créateur, a éliminé tout risque de confusion dans l’esprit du public, le consommateur achetant des chaussures à semelles rouges chez Zara ou Eden Shoes étant en mesure de se douter qu’il n’achetait pas des souliers Louboutin… Le pourvoi formé par le chausseur et sa société n’inverseront pas la tendance, la Cour de cassation ayant validé le raisonnement de la Cour d’appel par arrêt du 30 mai dernier.

Pour sévère qu’elle puisse paraître, la décision rappelle que, loin d’être anodine, la reproduction du signe, sur le formulaire de dépôt de la marque, conditionne sa protection. Dès lors, il est indispensable que ce signe soit parfaitement identifiable. Ainsi que le rappelle la Cour, une marque tridimensionnelle ne saurait se définir par un dessin en deux dimensions inapte à rendre compte de la perspective de la forme revendiquée.

Contrefaçon de marque figurative : l’importance des couleurs 

De même, le dépôt d’une marque de couleur ne saurait accorder à son titulaire une protection sur toutes les nuances de cette couleur : on ne saura alors que trop rappeler l’importance d’identifier la couleur revendiquée par la référence à un code couleur précis.

Plus pragmatiques, les Etats-Unis ont, quant à eux, fait preuve d’une plus grande souplesse dans l’appréciation de la validité du signe. Dans une affaire opposant Christian Louboutin à la société Yves Saint Laurent, la Cour d’appel Fédérale des Etats-Unis a, par arrêt du 5 septembre 2012, considéré que la semelle rouge était susceptible de protection à titre de marque, à condition que la semelle rouge contraste avec la couleur du soulier lui-même.

La victoire pour le créateur se savoure, même s’il s’agit, en l’espèce, d’une victoire de principe… la protection de la semelle n’est opposable qu’à l’encontre de chaussures dont la semelle contraste avec la couleur de la chaussure elle-même. Or, en l’espèce, les souliers commercialisés par Yves Saint Laurent étaient… rouges, comme leurs semelles.

Doit-on s’attendre à voir des semelles rouges aux pieds de nombreuses femmes en France ? Le chausseur n’a pas dit son dernier mot. Fort de la spécificité de sa marque, il a tiré les enseignements des décisions rendues. Une nouvelle marque a été déposée cette fois-ci en trois dimensions de la semelle rouge accompagnée d’une description précisant notamment le pantone revendiqué.

Cela lui permettra-t-il de sauvegarder la spécificité qui a fait le succès mondial de ses souliers ? L’affaire est à suivre en tout cas…

US CA 2nd Circ 5-9-2012 n° 11-3303-cv
Cass com 30-5-2012 n° 11-20724

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