Economie juridique – Google condamné

Economie juridique

Google condamné en appel pour contrefaçon et publicité mensongère

10 000 € pour chaque société victime en première instance…

En juillet 2006, le Tribunal de grande instance de Paris (1), avait condamné le moteur de recherches Google à indemniser le Groupement Interprofessionnel des Fabricants d’Appareils Ménagers et 28 de ses adhérents pour l’exploitation de marques sans leur accord, par le générateur de mots clés de Google « Adwords». Alors que la contrefaçon était alléguée et que les demandes de réparation atteignaient la somme totale de 6 310 000 €, le tribunal avait retenu la faute civile et la publicité mensongère de Google, et accordé une réparation de 10 000 € à chacune des sociétés pour atteinte à leur image, et de 60.000 € au GIFAM, soit un montant total de 340 000 € de dommages et intérêts. Le GIFAM et ses vingt huit adhérents ont fait appel du jugement pour demander à la Cour d’Appel de Paris de condamner Google pour contrefaçon de marques et d’ordonner une mesure d’expertise pour évaluer leurs préjudices. A titre de provision sur dommages et intérêts, les appelantes demandent chacune, 30 000 € pour acte de parasitisme, 30 000 € pour atteinte à leur marque, 20 000 € pour usurpation de dénomination sociale (sauf deux sociétés), 20 000 € pour atteinte à leur nom de domaine (sauf six sociétés), 30 000 € pour publicité mensongère, et 50 000 € pour faute civile. Le GIFAM demande une provision de 100 000 €.

L’enjeu

    Comme en première instance, les appelants obtiennent une indemnisation très inférieure aux demandes de réparation (6% de leur montant). Le préjudice résultant d’un tel usage des marques peut pourtant s’avérer très important, mais apparaît difficile à chiffrer sans disposer de statistiques précises sur la consultation et l’usage des signes en cause.

… et 11 500 € en appel, à défaut de justification des préjudices

Contrairement au jugement, la Cour reconnaît le caractère contrefaisant de la proposition faite aux annonceurs, d’utiliser comme mots clés des signes déposés à titre de marque. En revanche, la Cour ne reconnaît pas le caractère contrefaisant de l’usage de ces signes dans le cadre des annonces publicitaires. Comme le Tribunal, la Cour rejette les autres atteintes aux signes distinctifs en relevant l’absence de risque de confusion pour les internautes, mais elle retient la responsabilité du moteur de recherche au titre de la publicité trompeuse (2). Pour chiffrer les préjudices subis, l’arrêt souligne que l’usage des marques a perduré, et que Google n’a fourni que quelques éléments comptables insuffisants pour apprécier l’ampleur de la reproduction des marques. Cependant, la demande d’expertise sur les préjudices est rejetée en soulignant que les marques n’ont pu qu’être « souvent » reproduites et faire l’objet d’une « large » consultation par les annonceurs. Sur la base de ces appréciations, l’arrêt retient, au titre de la banalisation et de la vulgarisation des marques, un préjudice de 10 000 € au titre de la contrefaçon et de 1 500 € au titre de la publicité mensongère, pour chacune des appelantes. Le préjudice du GIFAM est évalué à 1 000 €. 4Les réparations accordées atteignent donc une somme totale de 323 000 €, et la mesure de publication ordonnée en première instance est confirmée (à concurrence de 25 000 €). Ainsi, les appelantes obtiennent en appel une indemnisation supérieure de 1.500 € chacune, et le GIFAM une indemnisation inférieure de 59 000 €, alors que la contrefaçon a cette fois été retenue à l’encontre de Google.

Les conseils

    Les mesures de la loi de lutte contre la contrefaçon du 29 octobre 2007, en matière de preuve, pourraient permettre aux victimes d’accéder plus facilement aux informations détenues par le défendeur et permettant de chiffrer les dommages causés par la contrefaçon. En l’espèce, la mesure d’expertise demandée aurait pu avoir le même effet. Des demandes précisément chiffrées et distinctes pour chaque victime auraient aussi pu améliorer les réparations.

(1) TGI Paris 3e ch. 3e sect., 12/07/2006, cf. JTIT n°57
(2) CA Paris, 4e ch., sect. B, 1er février 2008


Paru dans la JTIT n°74/2008 p.10

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