Concurrence : enquête sectorielle sur le commerce électronique

enquête sectorielleL’Autorité de la concurrence publie une enquête sectorielle sur le commerce électronique. On connait donc son avis sur les pratiques mises en œuvre dans le secteur du commerce électronique en matière de distribution.

Constatant le fort développement de ce secteur, l’Autorité avait, en effet, décidé d’ouvrir le 1er juillet 2011 une enquête sectorielle, flairant vraisemblablement que certaines enseignes ou certains sites pourraient avoir des comportements critiquables.

Enquête sectorielle sur l’e-commerce

Cette enquête sectorielle était, par ailleurs, ouverte alors que les règles du droit de la concurrence communautaire sur les restrictions verticales, dont l’objectif est de détecter et de poursuivre les accords anticoncurrentiels conclus entre acteurs économiques se situant à des niveaux différents de la chaîne de valeur, venaient d’être réformées, sans pour autant qu’elles ne déclarent illicites les accords interdisant purement et simplement la vente exclusive de produits ou de services sur internet par l’intermédiaire des « pure players ». L’analyse de l’Autorité était donc très attendue par l’ensemble des acteurs de la distribution, et ce, pour des raisons très diverses, voire contradictoires.

Les « pure players » voyaient là une occasion de se rattraper, en obtenant de l’Autorité française ce qu’ils n’avaient pas pu obtenir des autorités communautaires, c’est-à-dire une condamnation de l’interdiction faite par des producteurs à leurs distributeurs ne de vendre que sur interne, interdiction qui constitue, aux yeux des « pure players », une restriction caractérisée de concurrence.

Les producteurs, de leur côté, espéraient que l’Autorité validerait les schémas de distribution qu’ils ont imaginé, contraignant fortement les ventes réalisées par internet, soit par l’intermédiaire des critères sélectifs mis en place pour qualifier les membres de leurs réseaux de distribution, soit par l’intermédiaire des modalités de rétribution de ces membres, qui font la part belle au commerce traditionnelle, au détriment des ventes réalisées par internet.

Disons le tout de suite, au risque de décevoir les plus impatients : cet avis, extrêmement argumenté et détaillé, n’apporte pas de révolution majeure et ne fait que confirmer les différentes approches déjà adoptées par les autorités, soit pour valider soit, au contraire, pour condamner les réseaux de distribution existants. L’Autorité le reconnaît d’ailleurs elle-même, presque sur le ton de l’aveu d’impuissance, en indiquant « A cet égard, la variété des comportements et des marchés considérés dans le cadre de cet avis est trop importante pour que des conclusions de portée générale puissent être admises » . A l’inverse, cet exercice n’a évidemment pas pour objet de pointer du doigt le comportement particulier de tel ou tel acteur, dans la mesure où une enquête sectorielle n’est pas une enquête contentieuse.

Cet avis aura donc au moins, en un peu moins de cent pages, l’immense mérite de consolider un ensemble de jurisprudences fondamentales, de faire le point sur la pratique décisionnelle des autorités de concurrence et de dresser le portrait des trois secteurs économiques ciblés pour les besoins de l’enquête : celui des produits électrodomestiques (TV, hi-fi, lave-linge, ordinateurs, appareils photos, etc.), celui de la parapharmacie et celui de la parfumerie de luxe.

Enquête sectorielle : l’e-commerce avantageux pour le consommateur 

Le commerce en ligne serait, objectivement, plus avantageux pour le consommateur que le commerce traditionnel. En effet, l’Autorité a procédé à une comparaison des prix en ligne et hors ligne sur chacun des secteurs analysés et a constaté, de façon générale, que les prix en ligne, hors frais de livraison, sont inférieurs à ceux des magasins physiques. Les écarts de prix seraient même significativement plus marqués dans les secteurs des produits électrodomestiques et des produits cosmétiques vendus sur conseil pharmaceutique que dans celui des parfums et cosmétiques de luxe.

Même en tenant compte des frais de livraison, le commerce en ligne demeurerait plus avantageux en termes de prix, ces frais pouvant varier suivant le type de bien acheté, la valeur du bien ou de la commande et le type de livraison (domicile, point relais, livraison express, etc.).

Selon l’Autorité, l’infériorité des prix sur Internet s’expliquerait par plusieurs facteurs dont l’émergence de nouveaux acteurs tels que les pure players, l’apparition des comparateurs de prix, l’utilisation de plus en plus courante de la technique des places de marchés ou encore l’absence de coûts liés à la possession ou à l’occupation d’une surface de vente physique et au personnel qui lui est attaché.

Mieux, cet écart de prix demeure même après prise en considération des coûts spécifiques de la distribution par internet, engendrés principalement par les coûts logistiques (surfaces de stockage, frais de transport, notamment pour la livraison au client final).

Enquête sectorielle : la prise en compte du droit de la concurrence

L’Autorité semble valider les schémas de distribution sélective qui ont fait leur apparition ces dernières années, y compris dans des secteurs dont on pourrait penser que ce mode d’organisation n’est pas nécessairement le plus légitime. Ainsi, l’Autorité rappelle t’elle sa pratique décisionnelle et celle de la Commission en précisant les règles de droit de la concurrence destinées à éviter la mise en œuvre de pratiques limitant son développement et en particulier, en empêchant de façon injustifié le déploiement des opérateurs pure players.

L’Autorité rappelle donc que, si de nombreux fabricants ont mis en place des réseaux de distribution sélective, soumettant les distributeurs sélectionnés à un certain nombre d’exigences, cette mise en place était, généralement, justifiée par la volonté de préserver l’image haut de gamme d’un produit ou par les caractéristiques techniques de ce produit.

Or, la distribution des produits en ligne ne doit pas être freinée par la mise en place de critères injustifiés. Les règles de droit de la concurrence et la jurisprudence en la matière fournissent une grille d’analyse pertinente. L’Autorité de la concurrence pose ainsi comme principe que les conditions relatives à la vente sur Internet des produits doivent être équivalentes à celles posées pour la vente physique, c’est- à-dire en magasin.

Enquête sectorielle : le respect de la concurrence 

Si les producteurs sont libres de pratiquer des conditions commerciales et tarifaires différenciées selon les canaux de distribution, ils ne peuvent le faire qu’à la condition que ces conditions n’affectent pas la concurrence sur les marchés concernés. En conséquence, les producteurs sont libres de différencier la rétribution versée à leurs distributeurs selon :

  • les gammes de produits vendus par canal (qui sont parfois différentes selon qu’il s’agit de ventes en magasin, de ventes réalisées uniquement sur internet ou de ventes combinant les deux méthodes),
  • les conditions d’approvisionnement et
  • les contreparties apportées par les distributeurs aux producteurs dans le cadre de la coopération commerciale (contreparties qui ne sont pas nécessairement les mêmes selon que la vente est réalisée par le biais de magasins physiques ou uniquement sur internet).

Cette liberté, rappelle toutefois l’Autorité, ne doit pas aller jusqu’à convenir de conditions d’achat ou de fourniture qui pourraient limiter de façon injustifiée la concurrence exercée par les opérateurs en ligne sur les distributeurs traditionnels, en leur donnant pas la possibilité de réaliser ou de reconstituer des marges suffisantes pour que l’activité des « pure players » reste rentable.

Dans ce cadre, l’Autorité profite de la tribune qui lui est donnée par cet avis pour inciter les acteurs qui le souhaiteraient à la saisir, sur le terrain contentieux, si des comportements pourraient, à leurs yeux, être sanctionnés sur le terrain des pratiques anticoncurrentielles.

Une nouvelle vague de saisines en perspective ? Peut-être, notamment dans les secteurs où la vente sur internet est encore très sous-représentée par rapport à la vente en magasins physiques ou dans ceux où le caractère sélectif de la distribution ne se justifie, en réalité, que par des considérations de protection des ventes physiques et d’empêchement corrélatif des ventes sur internet.

Avis n° 12-A-20 du 18 septembre 2012 relatif au fonctionnement concurrentiel du commerce électronique

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