La signature des contrats solennels électroniques d’agents sportifs

contrats solennels électroniquesDans un arrêt du 7 octobre 2020, la première chambre civile de la Cour de cassation confirme la nécessité d’une signature des contrats solennels électroniques pour que des échanges électroniques satisfassent à l’exigence d’écrit ad validatem.

La valeur des courriers électroniques

La valeur des échanges électroniques pose encore de nombreuses questions juridiques ; alors que la conclusion de contrat par ce moyen électronique est devenue une pratique très courante.

Le litige commenté répond à deux problématiques : la valeur des courriers électroniques et la nécessité d’une signature électronique.

En l’espèce, un club de football (l’AS Saint-Étienne) avait chargé une société, dont le gérant était titulaire d’une licence d’agent sportif, de négocier avec le club allemand de Dortmund le transfert de l’un de ses joueurs. Cette opération réalisée, le club refusa de verser à l’agent les sommes correspondant au montant de sa commission ; soit un pourcentage de l’indemnité de transfert. Ce dernier assigna donc le club aux fins d’obtenir ce paiement ainsi que l’allocation de dommages-intérêts.

Le litige se concentre sur la conformité de la convention conclue entre le club et l’agent sportif à l’exigence d’un « contrat écrit », formulée à titre de validité par l’article L. 222-17 du Code du sport. L’accord de volonté des parties résultait d’une succession de courriers électroniques.

Dans un premier arrêt, la Cour de cassation valide qu’un ensemble de messages électroniques peut constituer l’écrit concentrant les engagements respectifs des parties. Dans cet arrêt du 11 juillet 2018, les magistrats de la Cour de cassation jugent qu’en cas d’écrit imposé en vertu de l’article L. 222-17 du Code du sport, la forme d’un « acte écrit unique » ne s’impose pas. Dès lors, la succession de courriers électroniques peut constituer l’écrit concernant les engagements respectifs des parties.

Le litige ayant été renvoyé devant la Cour d’appel de Grenoble le 16 mai 2019, cette dernière rejette leur validité ; en cause, l’absence de signature des contrats solennels électroniques.

Dans ce second arrêt, la Cour de cassation tranche le sujet épineux de la signature électronique des contrats conclus par courriers électroniques.

L’exigence d’une signature électronique

La Cour de cassation rappelle ainsi le cadre légal des contrats électroniques à la lumière des exigences prévues à l’article L. 222-17 du code du sport pour les contrats des agents sportifs. Les juges précisent que selon l’article 1174 du Code civil (ancien 1108-1), lorsqu’un écrit est exigé pour la validité d’un acte juridique, il peut être établi et conservé sous forme électronique dans les conditions prévues aux articles 1366 et 1367 du même code (anciens 1316-1 et 1316-4).

Ainsi, selon ces derniers, l’écrit sous forme électronique vaut preuve à la condition que son auteur soit :

  • dûment identifié et
  • établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l’intégrité.

De plus, la signature nécessaire à la perfection d’un acte juridique :

  • identifie celui qui l’appose et
  • manifeste le consentement des parties aux obligations qui découlent de cet acte.

Lorsqu’elle est électronique, elle consiste en l’usage d’un procédé fiable d’identification garantissant son lien avec l’acte auquel elle s’attache.

Pour les juges, le contrat électronique en vertu duquel l’agent sportif exerce son activité doit revêtir une signature électronique.

Dès lors, en l’absence de signature électronique des courriers électroniques échangés entre le club et l’agent, le contrat encourt l’invalidé.

La signature électronique est certes une condition de validité. Cependant, son absence peut être couverte par une exécution volontaire du contrat en connaissance de cause de nullité ; et ce, alors que ne sont contestées ni l’identité de l’auteur du courrier, ni l’intégrité de son contenu et dès lors de la volonté des parties. L’exécution vaut confirmation.

Ainsi, alors que les conditions particulières du contrat électronique ne sont pas réunies, la Cour de cassation sauve le contrat avec les règles générales du droit des contrats.

Le processus de signature des contrats solennels électroniques

Le règlement eIDAS définit l’identification électronique comme :

« le processus consistant à utiliser des données d’identification personnelle sous une forme électronique représentant de manière univoque une personne physique ou morale ou une personne physique représentant une personne morale » (1).

En résumé, pour répondre au critère de fiabilité du Code civil, la signature électronique nécessite l’utilisation d’un moyen d’identification requérant :

  • la cryptographie asymétrique et
  • l’intervention d’un tiers certificateur.

Marie Soulez
Ema Bergonier
Lexing Propriété Intellectuelle Contentieux

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(1) Article 3.1 du règlement eIDAS. Le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne ont adopté, le 23 juillet 2014, le règlement n° 910/2014/UE sur l’identification électronique et les services de confiance pour les transactions électroniques au sein du marché intérieur, dit règlement « eIDAS ».

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