Lutte contre les spams et excès de zèle du FAI

spamsLe fournisseur d’accès à internet ne peut être seul juge de ce qui constitue ou non des spams. La société Free, pour lutter contre « les spams [qui] encombrent inutilement les réseaux de télécommunications et, par leur volume croissant, rendent plus difficile, ou plus coûteux, le maintien de la continuité et de la qualité de service que lui impose le Code des postes et communications électroniques », l’a appris à ses dépens.

La société Buzzee France exerce notamment une activité de gestion de courriers électroniques de masse pour ses clients.

La société Free, considérant que les courriers électroniques adressés par la société Buzzee France étaient des spams, a souhaité en interdire l’accès à ses clients, titulaires d’une adresse @free.fr. Elle a donc bloqué les courriers électroniques en provenance des serveurs de la société Buzzee France, identifiés par leur adresse IP, interdisant ainsi à la société Buzzee France d’adresser des courriers électroniques à toute personne disposant d’une adresse de courrier électronique @free.fr.

La société Buzzee France a alors assigné en référé la société Free, demandant :

  • qu’il soit ordonné au fournisseur d’accès à internet de procéder au déblocage des courriers électroniques en provenance de ses serveurs vers les titulaires d’une adresse @free.fr ;
  • une provision sur dommages et intérêts d’un montant de 50.000 euros.

La société Free justifiait son comportement et le blocage des courriers électroniques émanant de la société Buzzee France par la nécessité de lutter contre les spams, en expliquant que :

  • « d’une part, un certain nombre de prestataires spécialisés identifient Buzzee comme une société envoyant des spams;
  • d’autre part, Buzzee s’adresse nécessairement aussi à des particuliers puisque ses conditions générales de vente parlent de « commandes reçues … qu’elles émanent de professionnels, de commerçants de sociétés ou de particuliers » et que les adresses de type …. @free.fr sont des adresses de particuliers puisqu’en général les entreprises ont un nom de domaine propre ; que s’agissant des destinataires personnes physiques, les courriels adressés par Buzzee, notamment pour des campagnes de prospection commerciale, ne satisfont pas aux dispositions de l’article L34-5 du code de la poste et des communications électroniques destinées à protéger la vie privée des utilisateurs de réseaux et services de communication électroniques » ;
  • enfin, « les spams encombrent inutilement les réseaux de télécommunications et, par leur volume croissant, rendent plus difficile, ou plus coûteux, le maintien de la continuité et de la qualité de service que lui impose le code des postes et communications électroniques ».

Le Président du Tribunal de commerce de Paris, par ordonnance du 20 janvier 2016 (1), n’a pas retenu les arguments de la société Free. Il a d’abord relevé que « la notion de « spams » ne découle d’aucune définition juridique » et a ordonné au fournisseur d’accès à internet de « procéder au déblocage des serveurs d’adresses IP (…), et de les maintenir accessibles aux clients d’adresse … @free.fr pour l’envoi comme pour la réception de courriels, sauf injonction ou demande contraire d’une autorité administrative habilitée ou judiciaire, dans les 15 jours de la signification de la présente décision, et ce sous astreinte de 5.000 € par jour de retard pendant une durée provisoire de 30 jours à l’issue de laquelle il sera éventuellement dit droit à nouveau » .

L’ordonnance est motivée par le fait que :

  • le fournisseur d’accès à internet « n’invoque aucune disposition législative ou réglementaire qui l’autoriserait, de sa propre initiative et suivant des critères qu’elle définirait, à supprimer des messages ainsi qualifiés par elle-même de « spams » et destinés à ses clients » ;
  • « aucune clause de ses conditions générales de vente à ses clients, ou contrats types, ne le mandate pour filtrer, directement ou indirectement, les messages destinés à ses clients, de manière générale ou selon des critères que préciseraient ces conditions ».

Virginie Bensoussan-Brulé
Chloé Legris
Lexing Contentieux numérique

(1) T. com. Paris, Ord. réf., 20-1-2016, Buzzee France c/ Free

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