Presse : insertion forcée de droit de réponse

Presse : insertion forcée de droit de réponsePresse. Le Tribunal de grande instance de Paris a rendu le 25 juillet 2014 une ordonnance de référé relative à la procédure applicable en matière d’exercice du droit de réponse sur un service de communication au public en ligne.

En l’espèce, un organe de presse publie sur son site Internet un article reprenant des propos tenus par un candidat aux élections municipales.

Ce dernier, estimant que ses propos ont été déformés et entendant faire usage du droit de réponse prévu à son bénéfice par l’article 6 IV alinéa 3 de la loi du 21 juin 2004, demande par courrier recommandé l’insertion d’un texte précisant sa pensée. Toutefois le directeur de publication de l’organe de presse ne fait pas droit à sa demande, de sorte que deux jours plus tard, le candidat l’assigne, ainsi que la société de production de l’organe de presse, devant le juge des référés.

Sur le fondement de l’article 809 du Code de procédure civile autorisant le juge des référés à prendre les mesures conservatoires nécessaires en cas de trouble manifestement illicite, il sollicite la condamnation des défendeurs à l’insertion forcée sous astreinte du droit de réponse tel que sollicité dans le courrier recommandé.

Plusieurs arguments sont soulevés en défense. Tout d’abord, les défendeurs font valoir qu’au jour de l’assignation, le délai de trois jours prévu pour l’insertion du droit de réponse n’était pas écoulé. En outre, ils soulignent l’existence d’un espace de contribution sous l’article, ouvert aux internautes, au sein duquel le demandeur aurait pu lui-même exercer son droit de réponse. Enfin ils soulèvent l’irrégularité de la demande d’exercice du droit de réponse faute de la mention des passages contestés. En conséquence, le rejet de l’ensemble des prétentions du demandeur est sollicité.

En réplique, répondant point par point aux arguments des défendeurs, le demandeur soutient en premier lieu que le délai de trois jours prévu pour l’insertion du droit de réponse était écoulé au jour de l’assignation. Concernant l’espace de contribution ouvert aux internautes sous l’article litigieux, il estime qu’il ne saurait être assimilé à un espace permettant un exercice du droit de réponse tel que prévu par la loi, faute d’un parallélisme des formes entre le message litigieux et sa réponse. Enfin, il argue de la régularité de sa demande d’exercice du droit de réponse.

Mais l’argument principal conditionnant à lui seul l’issue du litige est soulevé par les défendeurs qui sollicitent avant toute défense au fond la nullité de l’assignation sur le fondement de l’article 53 de la loi du 29 juillet 1881, pour défaut de qualification des faits incriminés et de détermination du texte répressif applicable. Aux termes de cet article, « la citation précisera et qualifiera le fait incriminé, elle indiquera le texte de loi applicable à la poursuite ». Or par un jeu de renvois successifs, cette disposition se trouve applicable à l’espèce. En effet, l’article 6 IV alinéa 3 de la loi du 21 juin 2004 opère un renvoi à l’article 13 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, et outre ce renvoi, l’article 6 V de la loi de 2004 prévoit également que sont applicables aux services de communication en ligne les dispositions des chapitres IV et V de la loi de 1881, comprenant notamment l’article 53 de celle-ci.

Ainsi, une demande d’insertion forcée d’un droit de réponse sur un service de communication au public en ligne doit respecter les conditions de précision et de qualification des faits prévues par l’article 53, sans se contenter de reprocher au comportement attaqué une illégalité globale.

Etant établie la pertinence de l’application de l’article 53 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, le juge est alors forcé de constater sa violation et de faire droit à la demande de nullité de l’assignation. Sans se prononcer sur le fond du litige, il se contente de confirmer l’absence de précision et de qualification des faits incriminés par le demandeur, ainsi que le défaut de mention du texte répressif applicable. Il en déduit que le défendeur n’a pas été en mesure de préparer sa défense, étant dans l’incapacité de déterminer avec précision les faits dont il aurait à répondre.

Virginie Bensoussan-Brulé
Chloé Legris
Lexing Droit pénal numérique

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