Preuve : recevabilité de la demande de mesure d’instruction

Preuve : recevabilité de la demande de mesure d’instructionPreuve. S’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé. Par arrêt du 20 mars 2014, la Cour de cassation rappelle les conditions d’application de l’article 145 du Code de procédure civile sur l’établissement de la preuve avant tout procès.

Trois sociétés alléguaient des actes de concurrence déloyale à l’encontre d’un ancien président de l’une d’entre elles ayant rejoint, par la suite, une société concurrente. Les question de preuve étaient donc déterminantes. Sur décision du Président du tribunal de commerce, deux ordonnances sur requête, fondées sur l’article 145 du Code de procédure civile et désignant un huissier de justice afin de procéder à des saisies et des investigations techniques, ont été rendues. Invoquant l’existence d’une procédure au fond devant le Tribunal de commerce de Paris, le défendeur a interjeté appel de ces ordonnances.

Estimant que les demandeurs s’étaient abstenus d’informer le juge de l’existence d’une procédure au fond portant sur des faits similaires ou connexes à ceux reprochés au défendeur, la Cour d’appel de Paris a considéré que les demandeurs avaient dérogé au principe de la contradiction et, de ce fait, manqué à leur devoir de loyauté à l’égard du juge et des autres parties. Elle a, en conséquence, rétracté les requêtes et annulé les opérations de saisie.

Au visa des articles 145 et 495 du Code de procédure civile, la Cour de cassation a cassé l’arrêt de la cour d’appel au motif qu’en statuant ainsi, alors qu’elle était tenue d’apprécier les mérites de la requête au regard des seules conditions de l’article 145 du Code de procédure civile, la cour d’appel avait ajouté une condition non prévue par la loi et violé les articles 145 et 495 du Code de procédure civile.

A l’instar de l’arrêt rendu par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation le 27 février 2014, en précisant ses conditions d’application, la Cour de cassation a fait une application stricte de l’article 145 du Code de procédure civile sur les règles de preuve avant tout procès. En effet, seules deux conditions doivent être remplies pour pouvoir bénéficier d’une mesure d’instruction au visa de l’article 145 du Code de procédure civile, à savoir le motif légitime de conserver ou d’établir la preuve dont dépend la solution du litige et l’obligation de se situer « avant tout procès ».

Dans le cas présent, la Cour de cassation a analysé la notion « d’avant tout procès ». Le fait qu’un litige au fond soit déjà engagé entre les parties concernées par la requête sollicitée au visa de l’article 145 du Code de procédure civile, mais dont l’objet, est différent empêche-t-il de solliciter une mesure d’instruction ? La réponse est négative.

Une partie à un litige au fond peut donc solliciter une mesure d’instruction au visa de l’article 145 du Code de procédure civile à partir du moment où l’objet des deux litiges (le litige actuel au fond et le futur litige au fond) est différent. Le périmètre de la notion « d’avant tout procès » de l’article 145 du Code de procédure civile s’apprécie donc de manière stricte, selon une stricte identité de l’objet du litige, l’identité des parties n’étant pas un obstacle.

Marie-Adélaïde de Montlivault-Jacquot
Alexandra Massaux
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