Réforme des contrats spéciaux : le contrat d’entreprise mobilière

L’avant-projet de réforme des contrats spéciauxcontrat d’entreprise mobilière propose des évolutions concernant les dispositions relatives au contrat d’entreprise (1). A titre liminaire, il faut noter que l’avant-projet divise le titre dédié au contrat d’entreprise en deux chapitres.

L’un dédié aux dispositions communes applicables à tous les contrats d’entreprise et l’autre aux dispositions propres à certains contrats d’entreprise. Dans ces dernières, l’avant-projet fait une distinction entre le contrat d’entreprise mobilière et le contrat de construction (2).

L’article 1786, commun à ces deux contrats, dispose que : « si les biens nécessaires à la réalisation de l’ouvrage périssent par cas de force majeure, avant que le client ne fût en demeure de réceptionner l’ouvrage, la perte en est pour la partie qui les a fournis. L’entrepreneur perd tout droit à rémunération ».

L’avant-projet réécrit entièrement les articles 1788 à 1790 relatifs à la théorie des risques. Ainsi, la perte des biens nécessaires à la réalisation de l’ouvrage est supportée par celui qui la fournit. Mais cela sauf dans un cas, celui de la force majeure. De même, l’entrepreneur ne percevra rémunération pour son travail qu’en cas de réception de l’ouvrage.

L’avant-projet du droit des contrats spéciaux de la Commission Stoffel-Munck encadre le contrat d’entreprise mobilière aux articles 1787 à 1789.

Définition du contrat d’entreprise mobilière

Tout d’abord, l’avant-projet définit ainsi le contrat d’entreprise à l’article 1788 comme « celui par lequel l’entrepreneur fabrique ou produit un bien meuble conçu pour répondre aux besoins spécifiques du client ».

Il vient donc reprendre le critère de la spécificité qu’avait déjà dégagé la jurisprudence dans son arrêt Spaba (3). Le contrat d’entreprise mobilière s’analyse ainsi à la lumière de la spécificité des besoins du maître de l’ouvrage.

La Commission dégage dans son commentaire les indices jurisprudentiels de l’appréciation du critère de la spécificité. Selon elle : « la spécificité doit s’apprécier en contemplation de la conception de l’ouvrage, indépendamment d’éventuels ajustements propres au client une fois la conception du bien réalisée de façon standardisée » (4).

Davantage, elle précise que ce critère a vocation à s’appliquer uniquement lorsque le contrat prévoit de créer un bien nouveau. Que cette création porte sur un bien corporel ou incorporel. Ainsi, lorsque le contrat porte sur la fourniture d’un service, il ne s’agira pas d’un contrat d’entreprise mobilière. La Commission estime que « cette différence fondamentale » explique l’insertion de ces dispositions au sein de ce chapitre (5).

L’effet translatif de propriété

Ensuite, l’avant-projet affirme le caractère translatif de propriété du contrat d’entreprise mobilière. Ainsi, l’article 1788 dispose que : « sauf clause contraire, le transfert de propriété s’opère au jour de la réception de l’ouvrage par le client ».

Par conséquent, en dehors d’une clause de réserve de propriété, le transfert de propriété s’opère au jour de la réception. Cela s’explique par le fait qu’au moment de la réception le bien crée « accède à l’existence juridique ».

A ce titre, la Commission fait un rappel jurisprudentiel. Celui que « les règles de l’accession mobilière sont supplétives et n’ont pas vocation à s’appliquer lorsque le bien a été réalisé en exécution d’un contrat d’entreprise ».

L’obligation de délivrer l’ouvrage

Enfin, l’article 1789 rappelle l’obligation de l’entrepreneur, comme le vendeur, de délivrer l’ouvrage au client. Ainsi, une fois que la réception est intervenue, l’entrepreneur est assimilé au vendeur. Au même titre que celui-ci, il répond de tous les vices et défauts affectant l’ouvrage.  Il doit, également comme le vendeur, garantir le client contre l’éviction.

A noter que, l’avant-projet supprime intentionnellement toute référence à l’obligation de sécurité. Ainsi, la Commission souligne l’exclusivité du régime de la responsabilité des produits défectueux. Dans « l’ombre de la réforme de la responsabilité civile », elle s’en remet à la jurisprudence pour dire dans quels types d’ouvrages cas cette obligation de sécurité peut exister (6).

Marie-Adélaïde de Montlivault-Jacquot
Jessica Pereira Quaresma
Lexing Contentieux et expertise informatique

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Notes :

(1) Sur le contenu du contrat d’entreprise réformé, voir nos posts des 27 juin, 17 juillet et 24 juillet 2023.
(2) Voir notre post du 28 juillet 2023.
(3) Cass. 3e civ. 05-02-1985 n° 83-16.675.
(4) Avant-projet de réforme du droit des contrats spéciaux, version commentée, textes.justice.gouv.fr, juillet 2022.
(5) Cass 1e civ. 16-03-2022 n° 20-13.552.
(6) Margot Machart, « Contrat d’entreprise : le pouvoir de résiliation unilatérale du maître de l’ouvrage (article 1794 du code civil) », Village de la justice, 16-03-2017.

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