Réforme des contrats spéciaux : l’obligation de délivrance

obligation de délivrance L’avant-projet de réforme du droit des contrats spéciaux (1) propose des évolutions en matière d’obligation de délivrance du vendeur. Ces évolutions concernent tant la définition de l’obligation de délivrance, que son contenu ou ses modalités de mise en œuvre.

La définition actuelle de l’obligation de délivrance

Les articles 1603 et suivants du Code civil contiennent actuellement l’obligation de délivrance. L’article 1603 du Code civil précise ainsi que le vendeur a deux obligations principales :

  • celle de délivrer la chose ;
  • celle de garantir la chose qu’il vend.

L’article 1604 du Code civil encadre la notion de délivrance. Celui-ci la définit comme le « transport de la chose vendue en la puissance et possession de l’acheteur ».

Toutefois, la doctrine donne une autre définition à la délivrance. Elle la définit comme la « mise à disposition par le vendeur à l’acheteur de la chose vendue » (2).

Ainsi, l’obligation de délivrance se différencie de l’obligation de livraison. Cette dernière impose au vendeur de remettre matériellement la chose à l’acheteur, généralement en faisant appel à un transport. L’obligation de délivrance implique pour le vendeur de délivrer la chose conformément à ce qui est spécifié dans le contrat.

Les apports de l’avant-projet

L’avant-projet de réforme des contrats spéciaux ne reprend pas la définition de la délivrance de l’article 1604 du Code civil. Ainsi, l’article 1619 de l’avant-projet assimile la délivrance à « la mise à disposition du bien vendu à l’acheteur ».

La réforme des contrats spéciaux apporte son lot de nouveautés concernant l’obligation de délivrance. On retrouve ces apports aux articles 1619 à 1622 de l’avant-projet de réforme :

  • article 1619 : « Le vendeur est tenu de mettre le bien à la disposition de l’acheteur. L’obligation de délivrer le bien comprend ses accessoires, notamment tout autre bien, ou information que requiert son usage » ;
  • article 1620 : « Si, lors de la vente, le bien vendu se trouve déjà en la puissance de l’acheteur, le seul consentement des parties suffit à opérer la délivrance » ;
  • article 1621 : « La délivrance doit être exécutée au lieu convenu par les parties. A défaut, elle s’opère au lieu où se trouve le bien lors de la conclusion du contrat. Dans le silence du contrat, la délivrance s’opère dans un délai raisonnable » ;
  • article 1622 : « Les frais de la délivrance sont à la charge du vendeur ».

La dimension matérielle de l’obligation de délivrance

Comme dit précédemment, l’avant-projet ne reprend pas la définition de la délivrance de l’article 1604 du Code civil. En effet, les rédacteurs de la réforme ont choisi d’insister sur la dimension matérielle de l’obligation de délivrance. Ainsi, l’article 1619 de l’avant-projet limite la délivrance à « la mise à disposition du bien vendu à l’acheteur ». La délivrance ne devra donc pas s’analyser comme une obligation transversale.

Le périmètre de l’obligation de délivrance

En ce qui concerne le périmètre de l’obligation de délivrance, l’avant-projet n’apporte pas de changements. L’article 1619 alinéa 2 de l’avant-projet ne reprend que l’esprit de l’article 1615 du Code civil.  Ainsi, il étend cette obligation aux accessoires de la chose délivrée. De plus, l’avant-projet de réforme conserve le critère d’appréciation des accessoires, qui reste l’usage du bien vendu.

De même, l’avant-projet de réforme des contrats spéciaux reprend l’obligation d’information du vendeur. Toutefois, la réforme n’en fait qu’une « simple mention au titre des accessoires du bien vendu ». Ainsi, certains auteurs regrettent ce choix en ce qu’il n’intègre pas la jurisprudence en matière de qualification du vendeur. Ils proposent plutôt qu’une « disposition spécifique vise l’obligation d’information du vendeur ». L’objectif est que l’acheteur d’un bien complexe à utiliser puisse être aidé par le vendeur afin de pouvoir jouir pleinement de la chose achetée (3).

Enfin, l’avant-projet des contrats spéciaux apporte une nouveauté concernant la garantie des vices cachés. En effet, celle-ci fusionne avec l’action en délivrance conforme. Elle deviendra donc une action unique qui couvre les deux hypothèses. Toutefois, la fusion de ces actions peut entraîner des « difficultés d’analyse » (2). Ainsi, ceux qui soulèvent ce point proposent deux interprétations exclusives l’une de l’autre selon que l’obligation de délivrance :

  • n’inclut plus la conformité de la chose aux spécifications contractuelles, sa portée sera limitée ;
  • inclut la conformité de la chose aux spécifications contractuelles, sa portée ne sera pas limitée. Le manquement à l’exigence de conformité sera donc soumis au régime de la garantie des vices cachés.

Nul doute que cette interrogation sera tranchée à l’avenir par la jurisprudence. L’avant-projet de réforme des contrats spéciaux reste également muet sur la transmission des contrats ou encore les actions en justice.

Les modalités de l’obligation de délivrance

Concernant les modes de délivrance de la chose vendue, l’article 1620 de l’avant-projet ne vise plus qu’une seule hypothèse. C’est celle où la chose se trouve entre les mains de l’acheteur au moment de la vente.

À propos du lieu et du moment de la livraison, l’avant-projet apporte peu de nouveautés. A ce titre, l’avant-projet de réforme du droit des contrats spéciaux ne reprend que les solutions déjà admises. Toutefois, l’avant-projet des contrats spéciaux entérine deux règles supplétives :

  • la délivrance de la chose vendue doit être effectuée dans un délai raisonnable ;
  • la délivrance de la chose s’effectue au lieu où se trouve le bien au moment de la conclusion du contrat.

La réforme du droit des contrats spéciaux reprend les dispositions du Code civil en matière de frais de délivrance.

En conclusion

La réforme du droit des contrats spéciaux opère quelques changements en matière d’obligation de délivrance pour le vendeur. Toutefois, ces nouvelles règles ne sont pas sans apporter leur lot de questions nécessitant des réponses. Il reviendra alors au juge de mener cette tâche.

Marie-Adélaïde de Montlivault-Jacquot
Jessica Pereira Quaresma
Laure Siciliano
Lexing Contentieux et expertise informatique

Notes

(1) Voir nos posts du 16 mai 2023 et du 22 mai 2023.
(2) « Fiche d’orientation : Vente – Obligation de délivrance », Dalloz, janvier 2023.
(3) Frédéric Zenati-Castaing et Thierry Revet, « Cour de droit civil. Contrats. Théorie générale – Quasi-contrats », PUF, 2016.

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