Proposition de loi relative la reconnaissance faciale

reconnaissance facialeLa reconnaissance faciale vient d’être introduite dans une proposition de loi simultanément au Sénat et à l’Assemblée nationale. Une proposition de loi relative à la reconnaissance faciale dans les enquêtes terroristes a été déposée le 17 juin 2016 au Sénat (1) et une proposition de loi au contenu identique relative à la reconnaissance faciale dans les enquêtes terroristes et la prévention des attentats a été enregistrée à l’Assemblée nationale le 6 juillet 2016 (2).

Qu’est-ce que la reconnaissance faciale ?

La Cnil donne une définition de la reconnaissance faciale : « En s’appuyant sur une base de photographies préenregistrées reliée à un système de vidéoprotection et à un dispositif de reconnaissance automatique des visages, il est techniquement possible d’identifier un individu dans une foule » (3).

Les dispositifs de reconnaissance faciale sont capables d’identifier des individus en fonction de l’écartement des yeux, des caractéristiques des oreilles ou encore du menton, des arêtes du nez ou de la commissure des lèvres.

L’état de l’art des dispositifs de reconnaissance faciale est en constante évolution avec notamment le développement de capteurs 3D, la reconnaissance de visages en mouvement, le traitement de visages vus de profil et la capacité à vieillir un modèle.

La qualité de l’image, la puissance de l’algorithme d’identification et l’accès à une base de données fiables sont des facteurs de réussite de la reconnaissance faciale.

La reconnaissance faciale selon la proposition de loi

La proposition de loi modifie le Code de la sécurité intérieure en y ajoutant un nouveau chapitre V « De la reconnaissance faciale ».

L’introduction par la proposition de loi d’un article L855-1 au Code de la sécurité intérieure permettrait le recueil en temps réel de l’image d’une personne à des fins d’exploitation biométrique uniquement pour des besoins de prévention du terrorisme.

Les images issues des systèmes de vidéoprotection seraient alors traitées au moyen d’un dispositif de reconnaissance automatique des visages.

Ce traitement automatisé permettrait de comparer les images aux données anthropométriques figurant sur le fichier automatisé des empreintes digitales (FAED).

La proposition de loi ne concerne que l’accès à l’identité des individus faisant l’objet d’une « fiche S » au sein du fichier des personnes recherchées (FPR), complétée par les données anthropométriques issues du fichier automatisé des empreintes digitales (FAED).

L’accès aux fichiers FPR et FAED pourrait permettre la constitution d’une base de données fiables qui serait reliée à des caméras de vidéosurveillance et exploitée par les services enquêteurs.

La restriction aux fichiers FPR et FAED permettrait de ne pas permettre sous le biais de cette proposition de loi la collecte et l’interprétation des données biométriques de la totalité de la population.

Décision du Conseil constitutionnel relative à la protection de l’identité du 22 mars 2012

Le Conseil constitutionnel s’est déjà prononcé dans sa décision 2012-652 DC du 22 mars 2012 sur la loi relative à la protection de l’identité (4) en déclarant contraire à la Constitution certaines dispositions de ladite loi et avait déjà évalué le traitement de données à caractère personnel dans le cadre de l’identification du demandeur d’un titre d’identité ou de voyage.

Ce traitement de données à caractère personnel (données biométriques) était destiné à recueillir les données relatives à la quasi-totalité de la population française.

Le Conseil constitutionnel avait considéré que la nature des données enregistrées et l’ampleur de ce traitement portaient atteinte au droit au respect de la vie privée.

Rejet de l’amendement n°16 présenté par Eric Ciotti

L’utilisation de la reconnaissance faciale avait déjà été évoquée dans le cadre des discussions autour du projet de loi portant sur la modernisation de la justice du 21ème siècle.

Le député Eric Ciotti avait déposé un amendement n°16 (5) sur la mise en œuvre d’un procédé de reconnaissance faciale permettant le recoupement des images de vidéosurveillance et le fichier automatisé des empreintes digitales (FAED).

Le député Eric Ciotti expliquait que chaque fiche du fichier des empreintes digitales comporte une photo prise dans un cadre normalisé et identique pour toutes, le seul exploitable par les logiciels de reconnaissance faciale.

Cet amendement a été proposé par le député Eric Ciotti afin de permettre à contribuer plus efficacement à la lutte contre le terrorisme et plus généralement à l’impératif de sécurité intérieure.

Le garde des sceaux Jean-Jacques Urvoas a précisé que cette proposition comportait des risques d’atteinte aux libertés publiques, émettant ainsi un avis défavorable à l’amendent n°16.

L’amendement n°16 ne sera finalement pas adopté.

Encadrement de la reconnaissance faciale

La proposition de loi sur cette nouvelle technique d’investigation reprend le cadre juridique élaboré par la loi relative au renseignement du 24 juillet 2015.

L’usage des dispositifs de reconnaissance faciale sera soumis à autorisation préalable du Premier ministre.

L’autorisation préalable du Premier ministre précisera le champ de la technique de la mise en œuvre du traitement automatisé des images et « Fiches S ».

L’usage des dispositifs de reconnaissance faciale sera soumis au contrôle de la Commission national de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR).

La CNCTR émettra un avis sur la demande d’autorisation relative au traitement automatisé.

Modalités d’application

La proposition de loi ne précise pas les modalités d’application des dispositifs de reconnaissance faciale.

La nature des informations enregistrées, la durée de leur conservation et les autorités et les personnes qui y ont accès seront déterminés par décret en Conseil d’Etat pris après avis de la Cnil.

Certes le décret en Conseil d’état sera pris après avis de la Cnil mais cette dernière ne peut que rendre qu’un avis non contraignant.

Le Conseil d’Etat, dans un arrêt du 2 juillet 2007, a rappelé que la seule obligation est de « soumettre à la consultation préalable de la Cnil les projets de textes qui, sans avoir pour objet la création d’un traitement automatisé, définissent le cadre général de la protection des droits et libertés des personnes à l’égard du principe du traitement de données à caractère personnel ».

Avis de la Cnil sur la reconnaissance faciale

La Cnil précise qu’il faut être vigilant face au caractère intrusif des technologies de reconnaissance faciale, la liberté d’aller et venir anonymement pouvant progressivement être remise en cause (3).

La proposition de loi a été renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la république.

 Didier Gazagne
Audrey Jouhanet
Lexing Cybersécurité Risques technologiques et Concurrence

(1) Proposition de loi relative à la reconnaissance faciale dans les enquêtes terroristes enregistrée au Sénat du 17-6-2016.
(2) Proposition de loi relative à la reconnaissance faciale dans les enquêtes terroristes et la prévention des attentats enregistrée à l’Assemblée nationale du 6-7-2016.
(3) Définition de la reconnaissance faciale par la CNIL.
(4) Décision n° 2012-652 DC du 22-3-2012 du Conseil constitutionnel.
(5) Amendement n°16 du député Eric Ciotti.

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