Clicwalker : pas de travail dissimulé sans lien de subordination

Clicwalker

Un particulier recueillant des données commerciales (« Clicwalker ») n’a pas le statut de salarié faute de lien de subordination.

Dans sa décision du 5 avril 2022 (1), la Chambre criminelle de la Cour de cassation confirme la position de la chambre sociale. Le délit de travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié suppose l’existence d’un lien de subordination.

En l’espèce, les poursuites engagées à l’encontre d’une société et sa présidente et directrice générale concernent le délit de travail dissimulé par :

  • dissimulation d’emplois salariés ;
  • défaut de déclaration nominative préalable à l’embauche ;
  • absence de déclarations sociales et fiscales et de remise de bulletins de paie.

La société a mis en place une application mobile sur laquelle elle répertorie diverses missions de très courte durée. Ces missions s’inscrivent dans la vie quotidienne des consommateurs qui y souscrivent (Clicwalkers) et consistent à :

  • collecter des données ;
  • donner son avis sur un produit, une vitrine, une expérience client ou une pratique commerciale via l’application.

En contrepartie, ces derniers reçoivent quelques euros ou des points cadeaux. Au total, vingt-huit Clicwalkers ont perçu chacun plus de 600 euros en 2015 et 2016 pour les missions exécutées.

Quand y a-t-il un lien de subordination ?

La jurisprudence reconnaît le lien de subordination entre un salarié et une entreprise (2) lorsque :

  • le travail est exécuté sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives ;
  • l’employeur a le pouvoir d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

De plus, l’existence d’une relation de travail salariée ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention, mais dépend des conditions de fait dans lesquelles s’exerce l’activité professionnelle (3).

La décision de la Cour de cassation du 5 avril 2022

Or, en l’espèce, le particulier est libre d’accepter ou d’abandonner, en cours d’exécution, la mission proposée.

En outre, il ne reçoit aucune instruction ou consigne lors de l’exécution de sa mission. Il est libre de gérer son temps comme il l’entend et ne perçoit qu’une faible rémunération.

Par ailleurs, la société ne dispose pas, pendant l’exécution de la mission, du pouvoir de contrôler l’exécution de ses directives et d’en sanctionner les manquements ; quand bien même la correcte exécution des missions est l’objet d’une vérification par la société qui peut refuser de verser la rémunération prévue et le remboursement des frais engagés, en cas d’exécution non conforme.

Enfin, « le contrat de travail ne peut exister qu’en présence d’une prestation de travail, laquelle consiste en une activité professionnelle, c’est-à-dire exercée de manière habituelle ou régulière afin d’en tirer des revenus ». Dans la mesure où l’activité du « Clicwalker » est déterminée en considération de sa qualité de consommateur, qu’elle est occasionnelle et peu rémunératrice, la fourniture d’une prestation de travail n’est pas caractérisée.

Virginie Bensoussan Brulé
Morgane Ammar, élève avocat
Lexing Contentieux numérique

(1) Cass. crim. 05-04-2022, n°20-81-775.
(2) Cass. soc. 13-11-1996, n°94-13.187, Société générale.
(3) Cass. AP, 04-03-1983, n°81-11.647.

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