Jurisprudence – TGI Nanterre ord. 26 octobre 2004

Tribunal de grande instance de Nanterre
Ordonnance de référé du 26 octobre 2004

Oracle France / Franck P., Elisabeth C.

Nous président, après avoir entendu les parties ou leurs conseils à l’audience du 19 octobre 2004 avons mis l’affaire en délibéré à ce jour :

PROCEDURE ET MOYENS

La société Oracle a fait citer en référé sur autorisation du président, Franck P. et Elisabeth C. pris en leur qualité de délégués syndicaux CFDT afin :

  • de voir interdire à la section syndicale CFDT Oracle de diffuser des communications syndicales auprès des collaborateurs de la société Oracle par le biais de leur messagerie professionnelle, sous astreinte de 10 000 € par infraction constatée,
  • se réserver la liquidation de l’astreinte,
  • condamner conjointement les défendeurs à payer 2000 € au titre de l’article 700 du NCPC ;

Les défendeurs soutiennent qu’ils ne sont investis que d’un pouvoir de représentation du syndicat auprès du chef d’entreprise et doivent être mis hors de cause leur responsabilité personnelle ne pouvant être mise en cause.

Ils concluent au rejet de la demande concernant l’interdiction sollicitée à l’encontre de la section syndicale qui n’a pas la personnalité morale.

Ils sollicitent chacun 2000 € au titre de l’article 700 du NCPC.

Par conclusions récapitulatives du 19 octobre 2004, la société Oracle estime que les défendeurs doivent rester dans la cause, que l’interdiction réclamée le sera à leur égard et reprend pour le surplus son exploit introductif d’instance.

DISCUSSION

Attendu qu’il résulte de l’article L 412-11 du code du travail que chaque syndicat représentatif désigne un ou plusieurs délégués syndicaux pour le représenter auprès du chef d’entreprise ;

Que le 29 mars 2004, la Fédération des services CFDT a désigné Elisabeth C. et Franck P. comme délégués syndicaux ;

Que ces derniers, par l’intermédiaire de l’intranet de la société Oracle ont créé en juin 2004 un répertoire permettant aux destinataires salariés de la société d’avoir accès à des comptes rendus officieux des réunions du comité d’entreprise ;

Attendu que sur demande du chef d’entreprise le répertoire a été supprimé en août 2004, ce qui n’est pas contesté ;

Qu’un lien « délégation syndicale CFDT » ayant été maintenu, l’employeur a supprimé ce lien ;

Attendu qu’une réunion du comité d’entreprise du 15 septembre 2004 n’a pas abouti à un accord sur le mode de fonctionnement d’une boite à lettre syndicale électronique, et il a été rappelé : « que la communication syndicale devait se faire au point de sorties, aux heures d’entrée et de sortie du personnel » ;

Attendu que le 16 septembre 2004 sous le label « CFDT Oracle » et dans l’intranet Oracle a été diffusé à l’ensemble du personnel : « merci de nous communiquer l’email (personnel ou professionnel) où vous souhaitez recevoir nos informations… » et indiquant l’adresse électronique de la CFDT Oracle, ou la remise à la personne de Elisabeth C. ;

Que de même la première page de l’assignation à la présente audience a été diffusée sur l’intranet de la société ;

Attendu que c’est ce genre de messages électroniques que la société Oracle entend faire interdire en l’absence d’accord d’entreprise sur la création d’un site syndical, alors même que la société se déclare éditeur informatique et devrait donc promouvoir, même si c’est en l’encadrant, une communication syndicale moderne ;

Attendu qu’en l’état, force est de constater qu’en application de l’article L 412-8 du code du travail les publications et tracts de nature syndicale ne peuvent être diffusés, ni sur un site syndical mis en place sur intranet de l’entreprise, ni sur la messagerie électronique de l’entreprise, sauf accord d’entreprise ;

Attendu que les défendeurs, seuls à même de diffuser de tels messages sur l’intranet de la société Oracle ne peuvent demander leur mise hors de cause, qu’ils leur appartenaient, s’ils le souhaitaient de provoquer l’intervention volontaire ou forcée de la Fédération des services CFDT ;

Que dès lors, il leur sera fait interdiction sous peine d’une astreinte de 100 € par infraction constatée de faire leur communication syndicale par le biais de la messagerie professionnelle ;

Attendu que chacune des parties sera déboutée sur le fondement de l’article 700 du NCPC.

DECISION

Vu l’urgence,

Enjoignons à Franck P. et Elisabeth C. de ne pas diffuser de communications syndicales par le biais de la messagerie de la société Oracle à peine d’une astreinte provisoire de 100 € par infraction constatée passé huit jours de la signification de la présente ordonnance,

Nous réservons la liquidation de l’astreinte,

Déboutons chacune des parties sur le fondement de l’article 700 du NCPC,

Constatons l’exécution provisoire,

Condamnons les défendeurs aux dépens.

Le tribunal : Claire Lacaze (président)

Avocats : SCP Falques & associés, Me Beziz (cabinet Legrand)

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